Thu 4-July-2024

Le combat de Lea Tsemel l’avocate de Mustapha Awad contre les services de sécurité israéliens

mercredi 27-mars-2019

Extrait d’une conférence de Lea Tsemel l’avocate israélienne de Mustapha Awad à Tournai dans le cadre des « 8 h pour Mustapha » le samedi 23 mars 2019
(traduction de l’anglais)
On m’a présenté le cas de Mustapha peu après son arrestation.
Mais lui comme les autres prisonniers de sécurité ne peut pas voir un avocat tant que les interrogatoires sont en cours. Le but est de complètement isoler la personne sous interrogatoire.
Nous avons fait tous les efforts pour le voir et finalement nous avons appris qu’il avait été interrogé par les services de sécurité et par la police.
Alors vous devez vous demander : Pourquoi était-il sous interrogatoire ? Il s’agit d’une personne qui vit en Belgique et qui vient seulement pour une brève visite ?
Peut-être a-t-il été interrogé parce que la première fois qu’il est venu ils ne lui ont pas permis d’entrer. Et puis parce qu’ils est né au Liban et qu’il est d’origine palestinienne. Donc ils se demandent : « Qu’est-ce qu’il est venu chercher ? »
Mustapha avait une réponse très claire. Il disait : ma famille vient d’Acre pas loin de Haïfa et je voulais découvrir mes racines.
Et je dois dire qu’il est vraiment naïf parce qu’après un refus d’entrée la première fois il est revenu un an après et cette fois il a été arrêté. Parce que les Israéliens se sont dit : « Il est revenu cela peut cacher quelque chose. » Et c’est ainsi qu’il a été interrogé.
Il a été interrogé durement et ce qui ressortait de l’interrogatoire c’était : Oui il a été impliqué dans un groupe palestinien en dehors du groupe de debke et là ils ont parlé de la politique de l’histoire et sur ce qui pouvait être fait. Il a participé à quelques manifestations. Donc une personne normale demanderait : OK ses actions n’ont pas eu lieu en Israël pourquoi Israël devrait-il le juger ?
Il est important de savoir qu’Israël a une loi spéciale qui s’applique à tout personne à n’importe qui n’importe où dans le monde qui peut potentiellement avoir fait quelque chose qui mettrait Israël en danger. Israël a le droit selon cette loi de condamner cette personne. Et Mustapha est tombé dans cette catégorie. Étant actif étant dans les manifs étant dans une organisation etc. Donc il pouvait être traduit en justice.
Du fait que nous avons fait un « plea bargain » une peine négociée avec le procureur nous avons obtenu une peine considérée comme très légère 12 mois d’emprisonnement. Et en tant qu’avocate travaillant dans ce domaine depuis presque 50 ans je peux dire que 12 mois est une peine légère. C’était une peine légère parce que ce qui était reproché était vraiment minime parce que ses activités militantes étaient minimes.
Il a été condamné finalement à 12 mois de prison. Puis il est tombé dans cette catégorie spéciale de « prisonnier de sécurité ».
Il vous le racontera certainement à son retour : Il s’est retrouvé avec d’autres prisonniers de sécurité. Et en tant que tel comme vous l’a raconté An sa mère belge il n’avait pas le droit de donner des coups de fil.
En ce qui concerne les visites les prisonniers palestiniens ont le droit de recevoir de courtes visites par l’intermédiaire de la Croix-Rouge mais les prisons se trouvent à l’intérieur d’Israël et par conséquent les familles de prisonniers de Gaza ou de la Cisjordanie doivent entrer en Israël avec des bus spéciaux et leurs visites sont vraiment rares et courtes.
Probablement Mustapha vous racontera qu’il a appris beaucoup qu’il a enrichi son expérience en étant là avec les autres prisonniers.
Maintenant chaque prisonnier en Israël a le droit d’obtenir une réduction d’un tiers de la peine s’il se comporte bien en prison. Normalement il pouvait être libéré après 8 mois. Donc après 7 mois de détention j’ai demandé au Comité concerné de le libérer. Mustapha a eu un rapport très positif sur son comportement de la part de l’officier de sécurité de la prison.
Ce Comité discutait son cas s’il devait être libéré ou pas. D’un côté ils avaient le rapport positif de l’officier de sécurité de la prison qui disait qu’il ne mettait personne en danger. Et de l’autre côté on avait la décision de la Cour de district lorsqu’il a été jugé. Ce verdict disait que la personne n’avait pas voulu entrer en Israël pour commettre un acte terroriste. C’est ce que le procureur a dit aux juges. Donc avec ces deux cartes gagnantes ils ont décidé de le libérer : une libération anticipée.
La mère de Mustapha a vécu une via dolorosa parce que finalement il n’a pas été libéré après la décision. Je vais vous donner les détails parce qu’ils vous donnent un tableau réel de ce qu’est d’Israël.
Mustapha a été libéré de la prison de Gilboa en Galilée il a été amené à la prison de Ramleh près de l’aéroport de Tel-Aviv (Givon) et il était censé être expulsé d’Israël parce qu’il n’a pas de visa. Comme les services de sécurité avaient prétendument perdu son passeport le consul belge heureusement s’est avéré très coopérant et lui a délivré un passeport temporaire. Sa mère belge a commandé le ticket d’avion et alors tard dans la soirée juste avant de se rendre à bord de l’avion une sorte de sonnette a retenti dans les têtes des services de sécurité.
Je n’étais pas là mais je m’imagine qu’à un moment donné ils se sont dit : « Quoi libérer un prisonnier de sécurité !!! Vous êtes fous ??? Et que diront les autres ??? Ce sera un précédent !!! Non non il faut arrêter cela tout de suite !!! »
Donc un ordre a été donné je ne sais pas comment pour bloquer l’expulsion de Mustapha. Et on l’a renvoyé à la prison à Gilboa. C’était un acte complètement illégal. Mais voilà ça ce sont les services de sécurité.
Et nous avons passé de nouveau 20 jours et deux autres audiences à la Cour de Nazareth afin de convaincre la Cour qu’il devait être libéré et que son retour à la prison était complètement illégal.
Les services de sécurité étaient absolument furieux. Les trois juges leur ont dit à plusieurs reprises : « S’il vous plaît acceptez sa libération sinon nous allons prendre une décision et ce ne sera pas en votre faveur». Mais ils ont continué à s’obstiner 1 et ainsi finalement la Cour a donné sa décision : Mustapha doit être libéré. On espère que cette décision sera mise en pratique dans les deux jours qui viennent 2
Voilà l’histoire une histoire simple une histoire facile je dois dire.
Si vous voyez le film en janvier 3 vous verrez que j’apparais là comme l’avocate perdante celle qui perd toujours. Ceci n’est donc pas une histoire typique.
Et je voudrais vous dire que nous avons besoin de vous : vous connaissez la situation vous connaissez la situation mondiale la situation en Israël vous connaissez la détérioration y compris dans la société israélienne il y a trop de soutien pour Israël dans le monde Israël est en train de devenir de plus en plus à droite raciste nous vivons clairement dans un État d’apartheid déjà et nous avons besoin d’un support du dehors. Et le fait d’être ici à Tournai me donne de l’optimisme et je vous remercie pour votre soutien.

Notes

1. Lea dira dans la discussion avec la salle : Il est important de savoir que les services de sécurité ont donné un rapport expliquant pourquoi Mustapha ne devrait pas être libéré. Je n’ai pas vu ce rapport bien sûr il est secret. Mais les juges ont dit qu’ils ne trouvaient rien qui empêcherait la libération de Mustapha.
2. Lea a prononcé ces mots le samedi 23 mars; ce mardi 26 mars Mustapha n’a toujours pas été libéré.
3. Un documentaire intitulé «Lea Tsemel Avocate» est sorti sur les 50 ans de défense des prisonniers palestiniens par Lea Tsemel. Il sera probablement projeté dans le cadre du festival Ramdan à Tournai au mois de janvier

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