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L’inexcusable timidité du gouvernement belge face à Israël et l’emprisonnement d’un de ses citoyens

jeudi 18-octobre-2018

Le surréalisme était autrefois l’apanage des peintres en Belgique. Aujourd’hui même les diplomates du pays semblent l’avoir maîtrisé. Car il y a quelque chose de surréaliste dans la façon dont ils utilisent le personnage de bande dessinée Spirou en tant que défenseur des droits de l’homme tout en refusant de défendre un artiste belge un être bien réel celui-ci dont les droits de l’homme sont bafoués par Israël.
Mustapha Awad éminent représentant de la danse traditionnelle palestinienne le dabke a été arrêté par les autorités israéliennes en juillet dernier. Awad est un Palestinien de nationalité belge. Pourtant le gouvernement belge pratiquement gardé le silence sur son maintien en détention.
Le silence a finalement été brisé la semaine dernière. Didier Reynders le ministre belge des Affaires étrangères a tweeté que l’assistance consulaire a été fournie à Awad et qu’il avait été demandé à Israël de clarifier les accusations portées contre lui. Des tweets d’une timidité inexcusable :
Les allégations d’Israël selon lesquelles Awad appartiendrait à une organisation « terroriste » ont été catégoriquement rejetée par son équipe juridique. Les autorités israéliennes n’ont présenté aucune preuve crédible contre Awad ainsi que l’a reconnu Reynders.
Mustapha Awad est un Palestinien qui n’était jamais allé en Palestine auparavant. Âgé de 36 ans il est né à Ein al-Hilweh un camp de réfugiés au Liban. La Belgique a reconnu son statut de réfugié à l’âge de 20 ans. Israël l’a arrêté cet été alors qu’il tentait d’entrer en Cisjordanie occupée via la Jordanie.

Mauvais traitements

Si la Belgique prend son devoir de protéger tous ses citoyens au sérieux le gouvernement doit exiger la libération immédiate et inconditionnelle d’Awad.
L’affirmation de Reynders par Twitter interposé selon laquelle la Belgique fait tout ce qu’elle peut ne résiste pas à l’examen. Il a fallu presque trois semaines avant qu’un diplomate belge aille voir Awad en prison. Awad n’a pas pu entrer en contact avec sa famille ou avec ses amis. Selon ses avocats Awad a été maltraité notamment par privation de sommeil.
Reynders a réagi plus rapidement quand un autre citoyen belge Amaya Coppens a été arrêté au Nicaragua où elle aussi a été accusée de terrorisme.
Alors qu’il a attendu deux mois et demi avant de faire tout commentaire public sur l’affaire Awad Reynders a exprimé son malaise à propos de la situation de Coppens dans les deux jours suivant son arrestation. Et il a tenu à discuter de la question avec des représentants du Nicaragua lors de sa visite à New York pour l’Assemblée générale des Nations Unies.
Charles Michel le Premier ministre belge s’est fait photographier serrant la main de son homologue israélien Benjamin Netanyahu au cours de la même réunion. Rien n’indique que Michel ait profité de l’occasion pour faire pression pour la libération d’Awad.
Pourquoi le gouvernement belge adopte-t-il des attitudes si différentes dans les deux affaires ?
Sous la présidence de Daniel Ortega le Nicaragua entretient des relations tendues avec l’Occident. Les affrontements avec l’administration de gauche à Managua ne présentent aucun coût politique ou économique majeur pour la Belgique.

Double standard

À l’inverse la Belgique se vante de ses relations cordiales avec Israël. Parfois les diplomates belges vont même jusqu’à louer les musiciens de leur pays qui apportent une «grande ambiance» quand ils jouent Tel Aviv. Cet éloge insensé ne tient pas compte du fait que ces musiciens ont refusé de répondre à l’appel palestinien au boycott d’Israël.
La Belgique et Israël sont des partenaires commerciaux importants. Anvers – la deuxième ville de Belgique 1 – et Tel-Aviv sont des acteurs importants du commerce mondial du diamant grâce à une interaction étroite entre les deux.
Plus de 40% de tous les produits israéliens importés en Belgique en 2017 sont constitués de métaux précieux et pierres précieuses. L’armée belge est également un client de la société d’armement israélienne Elbit Systems.
L’année dernière la Belgique a brièvement indiqué qu’elle serait peut-être disposée à se comporter avec un peu moins de déférence envers Israël. Elle a pris les devants parmi un groupe de pays de l’UE en protestant contre les destructions causées par Israël à des projets d’aide qu’ils avaient financés en Cisjordanie occupée.
La protestation a fait long feu parce que la Belgique ne l’a pas accompagnée de menaces de sanctions ou de poursuites judiciaires. De manière prévisible Israël a continué à vandaliser des écoles palestiniennes financées par les contribuables européens.
C’était un assaut vicieux contre le droit à l’éducation [des enfants palestiniens]. Cependant plutôt que de contester l’agression israélienne la Belgique punit les Palestiniens. La Belgique a annoncé en septembre qu’elle avait coupé le financement des écoles administrées par l’Autorité palestinienne. Ce faisant la Belgique a capitulé sous la pression de lobbyistes pro-israéliens qui ont objecté qu’une école portait le nom d’un combattant de la résistance palestinien.
Israël attribue de manière habituelle le nom de criminels de guerre à ses rues et à ses institutions et continue de célébrer ouvertement les terroristes qui ont bombardé le l’Hotel King David à Jérusalem en 1946 2. Cette violence n’a jamais été un obstacle au soutien de la Belgique à l’État israélien.
La Belgique étant une société multiculturelle elle devrait être fière de Mustapha Awad. Il a dirigé la troupe Ra’jeen Dabke avec beaucoup d’enthousiasme. Je me souviens du sourire radieux qu’il a eu à la fin d’une performance entraînante du groupe dans une université bruxelloise plus tôt cette année.
Le refus de Didier Reynders d’exiger la libération d’Awad relève du double standard et très probablement du racisme.
Le ministère belge des Affaires étrangères suit un scénario qui ressemble à celui de «Animal Farm» de George Orwell. Tous les citoyens sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres.


Notes

1. Anvers est non seulement la deuxième ville de Belgique elle est aussi le fief du leader du plus puissant parti flamand la N-VA (formation nationaliste flamande) dont dépend la survie politique du gouvernement fédéral belge. Et nombreux sont les observateurs de la vie politique belge qui estiment que ce leader anversois Bart De Wever exerce sur un gouvernement dont il ne fait formellement pas partie un pouvoir supérieur à celui du Premier Ministre francophone dont le parti sort fragilisé des élections locales du 14 octobre dernier et divisé – NDLR
2. Voir notre dossier « Israël et le terrorisme » – NDLR

Cet article de David Cronin a été publié sur Electronic Intifada le 16 octobre 2018 sous le titre «Belgium refuses to demand release of citizen jailed by Israel» – Traduction : Luc Delval pour PourlaPalestine.be

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