Fri 5-July-2024

Le personnel médical aguerri de Gaza est toujours de service

dimanche 2-septembre-2018

Depuis le début de la Grande Marche du retour fin mars l’armée israélienne n’a laissé aucun doute sur son absence de limites dans sa gestion des manifestations de Gaza.
Avec des règles d’engagement qui ont fait mourir au moins 125 manifestants en ont blessé plus de 5000 par balles réelles dont plus de 800 enfants le message est clair : Manifestez et risquez la mort et les blessures.
Mais même ceux qui ne manifestent pas ne sont pas en sécurité. Les forces israéliennes ont tué deux journalistes et au moins 90 ont été blessés. Trois membres du personnel médical ont aussi été tués.
Et pourtant ils reviennent : manifestants journalistes et bien sûr personnel médical.
Selon le ministère de la Santé de Gazail y a eu au moins 370 cas d’agents paramédicaux blessés pendant les manifestations et près de 70 ambulances ont subi des dommages.
« Je crois dans le dicton : celui qui sauve une vie sauve toute l’humanité » dit Muhammad al-Hissi 43 ans un agent paramédical avec deux décennies d’expérience.
Al-Hissi maintenant directeur des services médicaux d’urgence de la Croix-rouge de Palestine à Khan Younis au sud de la bande de Gaza est une figure toujours présente dans les manifestations de la Grande Marche du retour. Et ses vingt ans de service font aussi de lui un vétéran de toute la deuxième antifada et des trois guerres israéliennes sur Gaza.
Il a des cicatrices pour le prouver.
Un sens du devoir
La première fois qu’il a été blessé a-t-il raconté à The Electronic Intifada c’était au cours d’une frappe aérienne israélienne en 2002 après laquelle il a eu besoin de plusieurs opérations pour retirer le shrapnel de sa main droite.
En 2014 pendant l’offensive israélienne de 51 jours sur Gaza il a été à nouveau blessé à la même main pendant une autre attaque aérienne et cette fois il a eu besoin d’un implant en métal qu’il continue à porter. Et pendant les dernières manifestations il a été frappé à la poitrine par une bombe de gaz lacrymogène qui l’a mis hors service pour cinq jours.
Pourtant il n’est pas découragé.
« Notre travail humanitaire est plus grand que l’occupation israélienne » a-t-il déclaré à The Electronic Intifada.
Un sens du devoir a-t-il dit l’a porté à travers le gaz lacrymogène le sang et les décombres.
« C’est difficile de sauver des gens des immeubles qui ont été bombardés. Les débris continuent à tomber sur nos têtes. Quand cela arrive j’essaie de me souvenir des blessés et je décide de me reprendre » a expliqué al-Hissi. « Mon travail est de sauver des vies humaines ».
Dans la ligne de feu
Al-Hissi a dit qu’il a été choqué par le nombre de victimes et pas seulement parmi les manifestants. Il a contacté des organisations internationales dont le Comité international de la Croix Rouge et l’Organisation mondiale de la Santé pour qu’elles les aident à faire pression sur Israël pour que le personnel médical ne soit pas ciblé quand il fait son travail.
Parmi les nombreuses personnes blessées à plusieurs reprises en service pendant la Grande Marche du retour il y a Ibrahim Talalqa 23 ans. Talalqa s’est porté volontaire pour trois ans dans une équipe de service médical de la défense civile afin de devenir un agent paramédical qualifié.
Il a été blessé trois fois dans les trois derniers mois ; la dernière fois était le 3 août quand il a été mitraillé par du shrapnel alors qu’il s’occupait d’un jeune blessé. Le shrapnel a-t-il dit venait d’une balle explosive qui a explosé près de son ambulance en train d’approcher de la personne blessée.
« A Gaza les infirmiers quittent leur maison sans savoir s’ils vont revoir jamais leurs familles » a expliqué Talalqa. Il fait de son mieux pour soulager l’inquiétude de sa famille a-t-il ajouté. « Ma mère est inquiète pour moi mais elle se montre forte devant moi et soutient mon choix. Quand je suis blessé je ne lui dis pas avant d’être de retour à la maison ».
Talalqa se souvient des manifestations du 14 mai comme des pires – elles ont aussi connu le plus grand nombre de victimes de toutes les séries de manifestations à ce jour. Il n’a pas été blessé à cette occasion mais de justesse.
A un moment il a dû ramper sur son estomac pour atteindre un jeune qui avait été blessé près de la bordure. Quand il l’a finalement atteint il a dû porter le jeune homme qui avait une blessure à la poitrine jusqu’à l’ambulance. Mais il n’a pas pu atteindre l’ambulance tout de suite à cause des tirs intenses. Talalqa a finalement dû déposer l’ homme blessé sur le sol et attendre avec lui jusqu’à ce qu’une ambulance puisse enfin les récupérer.
Le pire peut-être a été lorsqu’il a vu un collègue atteint à la jambe alors qu’il portait un blessé de 12 ans qui a alors été encore touché par un tir dans le dos. Finalement les équipes médicales à proximité ont réussi à extirper l’enfant et l’infirmier de la scène. Les deux ont survécu.
Des infirmiers aguerris
Adel al-Masharawi est un autre agent paramédical vétéran. Il a 41 ans et a commencé en 2000 et il dit que la situation n’a fait que s’aggraver. Il s’est évanoui 4 fois au cours des manifestations récentes par inhalation de gaz lacrymogènes et il est convaincu que la composition chimique du gaz a changé au cours des années. Il s’inquiète de ce qu’une trop grande exposition puisse causer des maladies à l’avenir.
Mais comme les autres infirmiers il est déterminé à continuer.
« Nous faisons partie du combat palestinien » a-t-il dit. « C’est notre devoir de travailler et de sauver des vies quelles que soient leurs blessures et où qu’ils puissent être ».
C’est peut-être un devoir pour ces infirmiers aguerris mais ceux qui ont été sauvés seront toujours reconnaissants.
Le 3 août Bashar al-Muzaini 18 ans s’est retrouvé sur le bord d’une manifestation agitant un drapeau et portant le caractéristique kuffiyeh palestinien noir et blanc.
Lui et ses amis se trouvaient à une distance de 500 mètres de la bordure une distance où ils pensaient être en sécurité. Mais à un moment lorsqu’un épais nuage de gaz lacrymogène est descendu sur le groupe al-Muzaini s’est retrouvé seul nauséeux et désorienté. Al-Masharawi a fini par atteindre le jeune en pleine confusion l’aidant à s’éloigner des gaz et lui fournissant un médicament pour enlever la nausée.
Al-Muzaini a réalisé plus tard qu’il avait eu de la chance de s’en sortir avec seulement un empoisonnement au gaz lacrymogène. La zone avait été le site d’un tir nourri pendant qu’il était perdu dans le brouillard. Mais quand il a essayé de remercier al-Masharawi il a presque essuyé une rebuffade.
« Quand je suis allé remercier l’infirmier il m’a dit que cela arrivait chaque jour » a dit al-Muzaini à The Electronic Intifada. « Je n’étais pas le premier et je ne serai pas le dernier qu’il secourerait comme cela. »

Amjad Ayman Yaghi est un journaliste basé à Gaza.

Traduction : CG pour l’Agence Média Palestine
Source :  The Electronic Intifada

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