Fri 5-July-2024

Un conseil palestinien taillé sur mesure

dimanche 6-mai-2018

La réunion du conseil (national) palestinien à Ramallah dans le propre siège de Mahmoud Abbas inaugure une phase de division nette entre la voie de la résistance et la voie de la capitulation entre le désir d’une pratique démocratique au sein d’une organisation qui concerne l’ensemble du peuple palestinien et le désir de s’accaparer un conseil pour mener des tractations avec l’ennemi entre une voie qui réclame l’unité du peuple palestinien et une voie qui a décidé que le peuple palestinien se résume à une partie du Fatah et quelques organisations satellites de Mahmoud Abbas.
Pourquoi réunir le Conseil (national) palestinien après 22 ou 23 ans ? se demandent de nombreux commentateurs palestiniens. Depuis plusieurs années déjà Mahmoud Abbas prépare sa suite taillée à sa mesure réalisant que le temps dévolu à l’Autorité palestinienne tire à sa fin. Remplacer l’AP par le CP un tour de passe-passe pour lui quitte à démanteler ce qui a fait jusque là l’importance du conseil national palestinien même amputé des organisations islamiques de la résistance donc d’une composante non négligeable du peuple palestinien. Pour ce faire Mahmoud Abbas et Salim Zaanoun président du CNP deux « vieillards séniles» et « menteurs » selon les termes d’un cadre du Fateh Hussam Khadr décident une réunion « vite fait bien fait » à l’ombre des chars et des fusils de l’occupant pour installer de nouveaux venus tous ceux qui ont prêté récemment allégeance à la voie inaugurée par Mahmoud Abbas au conseil Exécutif de l’OLP.

Peu importe pour lui et pour des membres dirigeants au Fateh comme Azzam al-Ahmad que le FPLP ait refusé d’y participer (qu’il aille boire l’eau polluée de Gaza dira-t-il) que les mouvements du Hamas et du Jihad islamique en soient exclus d’office peu leur importe que 150 personnalités du CNP aient refusé cette « mascarade » et annoncé leur refus d’y participer peu leur importe que ce faisant ils violent les accords du Caire (2005 et 2011) et les ententes de Beirut (2017) pour réunifier l’OLP et fixer un programme de lutte unifiant le peuple palestinien et ses organisations. L’essentiel pour une certaine direction du Fateh (l’autre a été écartée au fil des ans) et pour Mahmoud Abbas c’est que le Conseil (national) palestinien nouvellement élu et débarrassé de tous ceux qui le gênent adopte sa ligne de conduite et son programme vidé de tout contenu libérateur si on peut parler d’un programme. L’essentiel pour lui consiste à présent à remplacer les structures de l’AP notamment son conseil législatif où le Hamas l’a emporté en 2006 par un CP qui ne représente plus les Palestiniens où qu’ils soient dans les territoires occupés en 48 et dans l’exil mais uniquement en Cisjordanie occupée et éventuellement la bande de Gaza s’il parvient à mettre la main dessus. Bref un CP qui va aussi loin que l’horizon bouché de Mahmoud Abbas.

S’étant fait élire à la tête de l’Autorité palestinienne puis à la tête du Fateh puis à la tête du comité exécutif de l’OLP au cours des dernières années et excluant tous ceux qui le gênent que ce soit Mohammad Dahlan son complice dans la lutte contre Yasser Arafat ou des dizaines de cadres militants du mouvement Mahmoud Abbas peut jouer sur l’un ou l’autre des tableaux. Un jour l’AP un autre jour le CP et avant le comité central du Fateh ou le comité exécutif de l’OLP. Seules les monarchies du Golfe ont réussi à réunir autant de pouvoir entre leurs mains sans susciter l’inquiétude de la « communauté internationale » très pointilleuse quand elle le veut sur la question de la séparation des pouvoirs. Yasser Arafat fut d’ailleurs une de ses victimes avec l’aide de Mahmoud Abbas parce qu’il refusait de courber l’échine devant leurs projets de liquidation de la cause palestinienne.

Le Conseil palestinien réuni à Ramallah n’a rien de national ni dans son programme ni dans sa représentativité. Il représente désormais le « leader » Mahmoud Abbas point final. Ce n’est sûrement pas la présence de quelques organisations en mal de légitimité comme le FDLP al-Mubadara de Mustafa Barghouty ou le Parti du Peuple de Bassam Salhi qui va changer les choses. Ces dernières espèrent tirer profit de leur participation faisant croire que le nouveau Conseil Palestinien serait national.

Mahmoud Abbas et consorts prétendent vouloir lutter contre le « deal du siècle » de Trump-Netanyahu mais en divisant le peuple palestinien et en refusant l’unité de ses organisations en sabotant ses institutions populaires en serrant le blocus contre la bande de Gaza ils ont accepté ce deal mais espèrent se trouver une place plus importante que ne prévoient les « grands » et les financeurs la famille saoudienne en premier lieu. Les petites tirades lancées contre les uns et les autres ont pour objectif de masquer la participation effective de Mahmoud Abbas et sa clique au projet de liquidation de la cause palestinienne en réclamant quelques ajustements pour élargir leur part. Le CP a donc adopté la ligne Abbas dont le long discours truffé de fautes historiques a cependant hérissé les sionistes et leurs amis.

Mais le peuple palestinien ne s’y retrouve pas ni ses organisations de lutte. Il y a quelques années dr. Ramadan Shallah avait résumé les problèmes vécus par l’OLP dans une interview : l’OLP a un problème de légitimité en se posant comme représentant unique et légitime du peuple palestinien elle devrait rassembler tout le peuple palestinien. Comment peut-on affirmer qu’elle est le représentant « unique » si elle exclut le Hamas et le Jihad ? Ensuite l’OLP a un problème de légitimité combative. Etant née pour libérer la Palestine que l’OLP précise que représente « Israël » pour elle notamment en Cisjordanie ? Est-ce une occupation ? Un voisinage ? S’il s’agit d’une occupation il faut résister or les résistants sont poursuivis et la collaboration sécuritaire avec l’ennemi se poursuit.

En 1996 le CNP s’est réuni uniquement pour supprimer la charte nationale palestinienne. Aujourd’hui il se réunit pour confirmer la domination de Abbas confirmer l’exclusion du Hamas et du Jihad et tous ceux qui refusent la voie de Abbas. Le fait d’avoir maintenu l’OLP qui a été avalée par l’Autorité palestinienne a servi à deux objectifs : garder une carte de rechange au cas où l’Autorité s’effondre et ce qui est encore plus dangereux car il s’agit d’une question interne au peuple palestinien réserver le nom et le statut de l’OLP pour empêcher la naissance de tout autre alternative qui puisse représenter le peuple palestinien dans son ensemble dans l’exil et dans l’ensemble des territoires palestiniens occupés en 48 ou en 67.

Cependant c’est aux organisations de la résistance d’affirmer et d’agir pour une alternative combattante qui soit digne des sacrifices du peuple palestinien.

http://www.ism-france.org

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