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Liberté d’expression : du droit d’assimiler Gaza à Auschwitz

samedi 8-mars-2008

« Ils (les Palestiniens) vont bientôt s’attirer sur eux-mêmes un holocauste de grande ampleur : en effet nous recourrons à toute notre puissance pour nous défendre. » (Matan Vilnai vice-ministre de la défense israélien le 29 février 2008.). 

 Il ne fait absolument plus aucun doute que le vice-ministre israélien de la défense s’est montré très loin d’être réticent à mettre le signe d’égalité entre Israël et l’Allemagne nazie en révélant l’avenir génocidaire qui attend le peuple palestinien. Et pourtant pour une raison que j’ignore c’est précisément ce que les médias occidentaux se refusent à faire.

En dépit des faits sous nos yeux en dépit de la famine imposée à Gaza en dépit de l’aveu par un responsable gouvernemental israélien de ses inclinations génocidaires vis-à-vis des Palestiniens en dépit du carnage et des morts allant croissant nous avons encore peur de reconnaître que Gaza est un camp de concentration et qu’il est à la veille de devenir un camp de concentration mortel. Pour quelque raison particulière beaucoup parmi nous refusent encore de reconnaître que question malfaisance Israël est champion du monde de l’absence de pitié et de la vengeance.

Liberté et autorité

Dans un de ses textes incomparables intitulé De la Liberté John Stuart Mill affirmait qu’il y a toujours lutte entre les exigences contradictoires de la liberté et de l’autorité. Autrement dit la liberté et l’hégémonie sont faites pour se battre. Toutefois l’idéologie libérale égalitaire occidentale vient introduire une alternative de nature politique laquelle n’a d’autre objet que d’entretenir le mythe selon lequel l’autorité et la liberté pourraient être considérées comme les deux faces d’une même médaille.

Aujourd’hui je vais essayer de développer la dynamique structurale du discours libéral et les différents éléments impliqués dans la pérennisation de la fausse image de liberté – de liberté de parole et de liberté de pensée. Je m’efforcerai de défendre l’idée que c’est notre soi-disant liberté qui en réalité nous empêche de penser librement et éthiquement. Comme vous l’avez sans doute remarqué j’ai dit la « soi-disant image de liberté » parce que je suis entièrement convaincu que dès lors qu’il s’agit du discours libéral la liberté n’est rien de plus qu’une simple image. Dans la réalité c’est quelque chose qui n’existe pas. L’image de la liberté a pour fonction d’alimenter et d’entretenir notre discours narcissique bien-pensant afin que nous puissions continuer à envoyer nos soldats tuer des millions de personnes au nom de la démocratie.

Liberté de parole et Liberté de pensée

J’aimerais introduire mon propos par un développement sur la nécessaire distinction à opérer entre liberté d’expression et liberté de pensée.

La liberté d’expression peut se concevoir comme la liberté pour quelqu’un d’exprimer ses propres idées.

Gardant à l’esprit que les êtres humains sont des créatures parlantes expressives il n’existe aucune méthode répressive aisée qui permette de garantir la réduction au silence de la voix dissidente. Dès lors que la parole est inhérente à la nature humaine tout exercice de contestation d’un droit aussi élémentaire est plutôt compliqué : vous interdisez les livres de M. Trucmuche ? M. Trucmuche va distribuer des tracts dans la rue. Vous confisquez les tracts de M. Trucmuche ? M. Trucmuche va faire son agit-prop sur le net. Vous coupez le jus à Trucmuche vous lui piquez son ordi ? Trucmuche peut toujours se mettre à crier à tue-tête. Vous lui coupez la langue ? Trucmuche pourra toujours continuer à hocher la tête acquiesçant à d’autres scandant le manifeste de Trucmuche. Vous n’avez dès lors plus d’autre choix que de couper la tête à Trucmuche. Mais même là vous ne faites rien d’autre que transformer Trucmuche en martyr.

Les libéraux ont recours à deux méthodes disponibles afin de réduire le dissident au silence :

a) l’interdit (sanction pécuniaire et/ou emprisonnement ;

b) l’exclusion sociale.

Il est toutefois crucial de mentionner qu’à l’intérieur du discours ainsi dit libéral toute tentative de bannir une idée ou une voix dissidente est contre-productive ne serait-ce que parce qu’elle ternit l’image de l’autorité libérale et de son système. C’est la raison pour laquelle les libéraux s’efforcent d’encourager certaines méthodes de censure extrêmement sophistiquées et de contrôle de la pensée exigeant une intervention autoritaire minime. Comme nous le verrons bientôt dans la société libérale la censure et la police de la pensée sont en effet pour l’essentiel auto-imposées.

Autant il est difficile de supprimer la liberté de parole la suppression de la liberté de pensée relève du quasi-impossible.

La liberté de pensée peut être définie comme la liberté de réfléchir de ressentir de rêver de se souvenir d’oublier de pardonner d’aimer et de haïr.

Aussi difficile puisse être l’imposition d’une pensée à autrui il est pratiquement infaisable d’empêcher les gens de voir par eux-mêmes ce qui est la vérité. Pourtant il est des méthodes qui permettent de supprimer ou de restreindre la pensée intuitive et la vision éthique. Bien entendu je fais ici allusion au sentiment de culpabilité.

La culpabilité infligée essentiellement via un ensemble d’axiomes supposés incarner le politiquement correct est en effet la méthode la plus efficace permettant de maintenir une société ou tout discours donné dans un état d’autodiscipline. Elle transforme l’ainsi nommé sujet libéral en un citoyen soumis auto-modéré et obéissant. Toutefois l’autorité est dispensée de toute intervention. C’est en effet le sujet libéral lui-même qui s’interdit d’accepter un jeu d’idées arrêtées qui entretiennent l’image égalitaire de liberté et de société œcuménique.

Cependant à ce point dans mon raisonnement je pense qu’il est nécessaire de suggérer qu’en dépit des objurgations libérales de recherche de la paix les sociétés libérales de manière générale et les sociétés libérales anglo-américaines en particulier sont présentement impliquées dans des crimes contre l’humanité qui atteignent une échelle génocidaire. Par conséquent plus l’Occident devient horrible plus profond est le gouffre entre liberté de pensée et liberté d’expression.

Ce gap peut aisément évoluer vers une dissonance cognitive qui dans bien des cas mûrit donnant une forme grave d’apathie. On dit que tout ce dont le diable ait besoin pour prospérer c’est que les gens de bien ne fassent rien. Cela résume à la perfection la négligence apathique des masses occidentales. Peu de gens s’occupent un tant soit peu du génocide en Irak perpétré en notre nom ou encore de l’assassinat en masse en Palestine lequel est perpétré grâce au soutien de nos gouvernements à Israël. Pourquoi sommes-nous apathiques ?

Parce que quand nous voulons nous lever et dire ce que nous ressentons quand nous voulons célébrer notre prétendue liberté et comparer Gaza à Auschwitz ou Bagdad à Dresde quelque chose à l’intérieur de nous-mêmes nous en empêche. Ce n’est ni le gouvernement ni la loi ni une quelconque autre forme d’autorité mais bien plutôt un micro-puce extrêmement miniaturisée et hautement efficace de culpabilité auto-infligée qui agit à la manière d’un régulateur disciplinant au nom du politiquement correct.

Je vais maintenant tenter de retracer l’évolution historique et philosophique qui nous conduit de l’utopie libéral-égalitaire au désastre actuel fait d’autocastration éthique et intellectuelle.

Le Principe du Mal infligé

John Stuart Mill le fondateur de la pensée libérale nous dit que toute doctrine devrait se voir autorisée à naître aussi immorale cette doctrine puisse paraître aux yeux d’autrui. C’est là manifestement l’expression extrême de la pensée libérale. Elle assigne une liberté d’opinion et de sentiment absolue sur tous les sujets qu’ils soient pratiques ou spéculatifs scientifiques éthiques politiques religieux ou théologiques.

Bien que Mill ait assumé la forme la plus absolue de liberté d’expression il suggéra une limitation liée à la liberté définie par le soin apporté à ne pas nuire à autrui. Il est à l’évidence très difficile de défendre la liberté de parole dès lors qu’elle conduirait à l’invasion de droits d’autres que nous-mêmes. La question à poser dès lors est la suivante : quels types de discours risquent-ils de causer des dommages ? Mill distingue entre le mal légitime et le mal illégitime. D’après lui ce n’est que lorsque le discours cause une violation directe et manifeste de certains droits que ce discours peut se voir imposer des limites. Mais la question devient alors : quelle sorte de discours est-elle susceptible de constituer une telle violation ?

Les féministes par exemple maintiennent que la pornographie dégrade met en danger et porte atteinte à l’existence de certaines femmes. Un autre cas difficile est le discours de haine. La plupart des démocraties occidentales ont des régulations sur le discours haineux. Pourtant on peut débattre sur la question de savoir si une interdiction de la pornographie ou du discours haineux pourrait être corroborée par le principe du mal tel que l’expose Mill. Il faudrait encore prouver qu’un tel discours ou une telle imagerie viole de droits directement et indirectement.

Par conséquent le principe du mal de Mills est critiqué pour sa trop grande étroitesse et en même temps parce qu’il est trop large. Il est trop étroit pour se dispenser de défendre les droits des marginaux. Et il est trop large car lorsqu’on l’interprète de manière extensive il peut conduire à une abolition de la quasi-totalité du discours politique religieux ou social.

Du principe de l’offense et de la Liberté de parole

Gardant à l’esprit les insuffisances du principe du mal il n’a pas fallu longtemps avant qu’un principe d’offense soit appelé à la rescousse. Le principe de l’offense peut être articulé comme suit :

La liberté d’expression d’une personne ne devrait pas pouvoir faire l’objet d’une interférence sans à moins qu’elle ne soit constitutive d’une offense pour d’autres personnes.

Le raisonnement fondamental sous-jacent au principe de l’offense est trivial. Il n’existe qu’à la seule fin de défendre les droits des marginaux et des faibles. Il est là pour réparer le trou créé par le principe du mal bien trop large.

Le principe du mal est de toute évidence très efficace dans la lutte contre la pornographie et le discours haineux. Comme dans le cas de pornographie violente à strictement parler l’offense causée par un défilé nazi traversant un quartier juif ne peut être évitée et il faut la prendre en compte. Toutefois l’offense principale peut être critiquée comme plaçant la barre bien trop bas. Théoriquement parlant tout le monde peut être offensé par n’importe quoi…

Les lobbies juifs et le discours libéral

Nul doute que le vaste recours au principe de l’offense confère énormément de pouvoir politique à certains lobbies marginaux en général et aux lobbies juifs en particulier. Misant sur la prémisse du principe d’offense les activistes juifs nationalistes ethniques prétendent être blessés par toute forme de critique de l’Etat juif et/ou du sionisme. Mais de fait cela va plus loin : en pratique ce n’est pas simplement la critique du sionisme et d’Israël dont on nous intime l’ordre de l’éviter. Les gens de la gauche juive nous intiment d’éviter toute discussion ayant quelque chose à faire avec le projet national juif l’identité juive voire même l’histoire juive.

En bref avec le soutien massif du projet national juif les dirigeants ethniques juifs de gauche comme de droite ont réussi à démolir toute possibilité d’une quelconque critique de l’identité et de la politique juives. Utilisant le principe d’offense les lobbies juifs – de droite de gauche et du centre – ont réussi à pratiquement réduire au silence toute critique éventuelle d’Israël et de ses crimes contre les Palestiniens. Plus préoccupant : les juifs activistes de gauche et intellectuels exigent de manière outrageante que nous évitions toute critique du lobby juif aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.

Ainsi nous le constatons le principe de l’offense régit et même sert certains sionistes notoires ainsi que des lobbies politiques juifs de gauche au cœur de l’Occident ainsi dit libéral-démocratique. Dans la pratique nous sommes terrorisés jusqu’à résipiscence par un groupe de garde-frontières qui limitent notre liberté au moyen d’un opérateur dynamique servant à anéantir nos pensées avant qu’elles aient eu le temps de mûrir et de produire une vision éthique. La manipulation opérée par le politiquement correct est le terreau nourricier de notre dissonance cognitive fracassante. C’est là précisément où la liberté d’expression et la liberté de pensée sont incompatibles.

Auschwitz VS Gaza à la lumière du politiquement correct

Nous avons tendance à penser que les discours marginaux doivent être protégés par le principe de l’offense afin que le sujet marginal puisse continuer à exprimer sa pensée sans équivalent. A l’évidence nous acceptons aussi qu’une telle approche doive s’appliquer à l’abondance des discours marginaux juifs (religieux nationaliste trotskiste etc.). Apparemment les lobbies politiques juifs exigent bien davantage que cela : ils insistent à dé-légitimer toute référence intellectuelle au lobbying politique juif actuel et au sionisme mondial. Et comme si cela ne suffisait encore pas toute référence à l’histoire juive contemporaine est prohibée à moins qu’elle n’ait été cachèrement approuvée par une autorité sioniste. Aussi bizarre cela puisse paraître l’Holocauste juif est désormais intellectuellement devenu un événement métahistorique. C’est un événement dans le passé qui n’autorisera jamais aucun examen historique idéologique théologique ou sociologique.

En ayant à l’esprit le principe de l’offense les juifs sont fondés à arguer que toute forme de spéculation concernant leurs souffrances passées est offensante et douloureuse. Pourtant on est fondé à exiger certaines explications. Comment se fait-il qu’une recherche historique qui risquerait d’aboutir à certaines visions différentes d’événements passés qui se sont produits voici soixante-cinq ans puisse offenser ceux qui vivent parmi nous aujourd’hui ? Manifestement suggérer une réponse rationnelle à une telle question n’est pas chose aisée…

Très simplement la recherche historique ne devrait causer ni douleur ni offense aux juifs contemporains ni à aucun sujet humain quel qu’il soit. A moins bien entendu que l’Holocauste lui-même ne soit utilisé contre les Palestiniens ou contre ceux qui sont accusés d’être les ennemis d’Israël. Comme nous l’avons appris de la bouche de Matan Vilnai récemment l’Etat juif ne se retiendrait éventuellement pas d’infliger une Shoah au peuple palestinien. Les Israéliens et leurs supporters ne se retiennent pas de mettre l’holocauste à leur dictionnaire rhétorique. Toutefois les lobbies juifs dans le monde entier n’en déploient non moins tous leurs efforts pour interdire aux non-juifs d’essayer de comprendre ce que la Shoah peut bien vouloir dire. Ils sont prêts à recourir à leurs pouvoirs ultimes pour nous empêcher d’utiliser l’holocauste en tant qu’outil critique de la barbarie israélienne.

Comme on peut le prédire désormais afin de censurer la recherche historique sur l’histoire juive et une plus grande compréhension du mal israélien actuel le politiquement correct est appelé à la rescousse. Le politiquement correct n’a d’autre finalité que de nous empêcher de voir et d’exprimer l’évidence. Le politiquement correct n’a pour seule finalité que de nous empêcher de prendre conscience que la vérité – la vérité historique en particulier – est une notion élastique. Reste que vous pouvez vous demander ce que signifie au juste le politiquement correct ?

Le politiquement correct pour ceux qui n’auraient pas compris ce que c’est c’est fondamentalement une position politique qui n’autorise aucune critique politique. Le politiquement correct est une position qui ne saurait être entièrement justifiée en termes rationnels philosophiques ou politiques. Il est implanté sous la forme d’un jeu d’axiomes au cœur du discours libéral. Il opère comme un régulateur intimant le silence auto-imposé alimenté en énergie par une culpabilité auto-infligée.

Le politiquement correct est de fait l’agression la plus crue contre la liberté de parole la liberté de pensée et la liberté humaine et pourtant d’une manière manipulatoire il se fait passer pour l’incarnation ultime de la liberté.

De là j’affirme avec le plus de force dont je suis capable que le politiquement correct est le pire ennemi de la liberté humaine et que ceux qui régulent ces axiomes sociaux et les implantent dans notre discours sont les pires ennemis de l’humanité.

J’affirme avec la plus grande force que dès lors que les Palestiniens sont confrontés à un terrorisme d’Etat de type nazi le narratif holocaustique et sa signification appartiennent aux Palestiniens au moins autant qu’ils appartiennent aux juifs ou à quiconque d’autre.

J’affirme avec la plus grande force que les Palestiniens sont de fait les dernières victimes d’Hitler et que par conséquent l’holocauste et sa signification leur appartiennent effectivement plus qu’à quiconque d’autre.

Tout bien considéré comparer Gaza à Auschwitz est dorénavant la seule position possible la position juste.

Interroger l’holocauste et sa signification tel est ce que signifie aujourd’hui la libération de l’humanité. Aujourd’hui et dans le proche avenir.
 
 
  Source : Peacepalestine   
  Traduction : Marcel Charbonnier    
      
  
   
 
 
 
 
     
      
 
 
 

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