« Il y a toujours la lumière au bout du tunnel. Et nous avons beaucoup de tunnels.” Iman Omar 21 ans.
La Bande de Gaza est une terre de tristesse profonde de grands sacrifices de souffrances anciennes d’immenses tragédies et de soulèvements nombreux.
Lorsque vous vous promenez la nuit sur la côte de Gaza Emal Al-Ghoul ou Mussa Salem vous montrent une myriade de lumière au loin au nord et vous disent : « Là-bas c’est Erbia… c’est mon village… maintenant en Israël… » Et depuis le toit d’un bâtiment presque complètement détruit à Beit Lahia Ahmad Al-Madhoun vous dit : « Tu vois ces lumières… c’est ma ville natale Al-Majdal-Askalan. C’est là que vivaient mes ancêtres et puis en 1948 mes grands-parents ont été expulsés et ils se sont réfugiés à Gaza. Nous avons toujours une terre et une propriété là-bas. Maintenant ça s’appelle Israël. Tous mes cousins sont éparpillés aux quatre coins de la planète. En plus au début de l’année l’armée israélienne a détruit ma maison de cinq étages comme tu peux voir… »
Dans la Bande de Gaza sur 365 km² vivent 15 millions de personnes. Les réfugiés de 1948 sont plus d’un million. Ils sont parqués dans huit camps de réfugiés surpeuplés et les plus chanceux vivent au-delà des limites des camps. Parmi eux on peut trouver des survivants des camps de réfugiés de Tal Al-Zaater et de Sabra et Chatila au Liban ou d’autres sont nés à Nahr Al-Bared. D’autres ont fui l’Irak après l’invasion américaine de 2003. Tous sont punis et étouffés par un siège total un embargo des sanctions internationales et confinés sur un tout petit morceau de leur patrie ancestrale.
Le premier bouclage de Gaza a été imposé à la fin de mars 1993 par le Premier Ministre de l’époque Yitzhak Rabin – qui a reçu peu après le Prix Nobel de la Paix. Au fur et à mesure que le temps a passé le blocus est devenu de plus en plus sophistiqué pour devenir en juin 2007 un siège total.
La Bande de Gaza est un endroit sans voie ferrée sans port de mer sans aéroport sans entrée ou sortie libre sans exportation et avec très peu d’importations mais avec de nombreux tunnels grâce auxquels entrent la nourriture les boissons les cigarettes le fuel le ciment les vitres les cahiers les moutons et toutes sortes d’articles. La Bande de Gaza est un endroit qui appartient ni au monde civilisé ni à l’âge de pierre. La situation aujourd’hui est la dernière trouvaille du diable. Le but est l’effondrement total de Gaza son isolement du reste de l’univers une Gaza misérable et désespérée. Et c’est de fait en grande partie en train d’arriver.
Cependant ce qui est étonnant ici c’est la vitalité des gens leur patience admirable et pour la plupart d’entre eux leur extrême générosité. Il est vrai que la vie est très dure et que beaucoup voudraient quitter la Bande de Gaza. Enormément de gens sont déjà partis. Ils veulent vivre ils veulent respirer – comme ils le répètent. Mais il n’y a rien de nouveau. Je les ai entendus se plaindre pour la première fois en 1996 sous le régime du Fatah. S’ajoute aux problèmes de Gaza la profonde division entre les gens : qui est au Hamas et qui est au Fatah et qui dit ni Fatah ni Hamas.
Nous pouvons néanmoins apprendre beaucoup des Gazaouis. L’année dernière la situation était dramatique et tragique à cause des effets du bouclage : pénurie de nourriture de médicaments de fuel d’électricité de gaz pour la cuisine des produits de base pas de matériaux de construction pas de pièces détachées augmentation de la pauvreté et du chômage… mais les Gazaouis se sont activés comme des fourmis dans une fourmilière.
Cette année la situation a empiré mais c’est une réplique de l’an dernier. Gaza une des plus anciennes cités au monde est construite sur la bande côtière et sur le sable parmi les fleurs les arbres fruitiers et les jardins qui donnent un peu de joie toute l’année. On marche entre des immeubles non terminés et des bâtiments détruits entre les affreuses tours post-Oslo et des immeubles récents magnifiques. Les gens s’affairent à ouvrir de nouvelles boutiques et cafétérias des restaurants et des centres commerciaux à rénover les vieux magasins à transformer des magasins en bureaux et à rafraîchir d’un coup de peinture leurs devantures en fer et les murs extérieurs de leurs boutiques ou de leur propriété – souvent aux couleurs des villes italiennes un style récent à Gaza. Des familles préparent chez elles pour les vendre au marché local du shampooing du gel pour les cheveux de la vaseline du produit de nettoyage et bien plus encore.
Entre les deux années l’attaque israélienne qui a duré 23 jours a été lancée pour se terminer le dimanche 18 janvier 2009 et elle a dévasté la Bande de Gaza. Il a fallu agrandir les cimetières des fauteuils roulants ont pu entrer à Gaza par le terminal de Rafah mais on a oublié les petits fauteuils pour les enfants. Les sans-abris ont vécu sous des tentes puis rapidement la plupart d’entre eux ont trouvé à se loger. Les rues ont été déblayées et chacun a tenté de revenir à une vie normale.
A Gaza il y a toujours eu une production impressionnante d’affiches de brochures de magasines de pamphlets de flyers et des événements comme des conférences des ateliers des réunions des marches des expositions des festivals des projections de film du théâtre ont lieu tous les jours. Après la parenthèse de la guerre et un laps de temps assez court de récupération tout a repris comme avant. De plus de nouvelles institutions d’enseignement ont été créées dont des collèges et deux universités.
La municipalité de Gaza-ville a continué à embellir la ville en plantant davantage d’arbres et de fleurs et a donné de nouvelles couleurs au charmant parc municipal créé en 1936. Le stade de football Yarmouk a été entièrement rénové et son ouverture officielle a eu lieu le vendredi 7 août. On peut le voir maintenant à travers de nouvelles grilles vertes.
Depuis la fin juillet la municipalité pavent de jolis carrés la rue Al-Nasser une des artères commerçantes principales un aménagement qui avait été interrompu en septembre 2007 après que l’entreprise qui était chargée du repavement abandonne le projet par manque de matériel. Les petits pavés sont fabriqués à Gaza avec du ciment égyptien et posés directement sur le sable.
Les murs extérieurs de l’hôpital pour enfants Al-Nasser ont été réparés en juillet et couverts de couleurs blanche et rose pâle. A l’entrée un énorme Mickey Mouse a été peint sur la gauche et de l’autre côté un ours jouant avec un cerf-volant pour accueillir chaleureusement les petits malades. A l’entrée du Ministère de la Santé pendant la même période une plaque très élégante a été installée il y a quelques semaines pour la première fois et écrite aux couleurs nationales palestiniennes.
Le poste de police Al-Abbas à Al-Rimal – frappé dès le premier matin de la guerre – continue à travailler comme d’habitude dans moins de la moitié de ses locaux d’origine. Vu de l’extérieur il ressemble à tout sauf à un poste de police. Néanmoins la police fait de gros efforts pour le rendre agréable et confortable pour le personnel et pour les gens avec beaucoup d’ingéniosité et des moyens très maigres comme des pneus de voiture pour marquer le chemin.
En Novembre les murs sales du Ministère du Travail sont devenus abricot mais une seule couche de peinture a pu être posée.
Et ce ne sont que quelques exemples. Si un extraterrestre arrivait à Gaza aujourd’hui il ne pourrait croire qu’ici il y a neuf mois a eu lieu l’attaque militaire israélienne appelée « Plomb durci » au milieu d’une conspiration internationale du silence.
Il faudrait des volumes entiers pour écrire la chronique de toutes ces années et pour dire comment les Gazaouis survivent sous le siège le plus inhumain le plus arrogant le plus cruel de l’histoire moderne imposé à un peuple à qui en 1948 on a volé une grande partie de sa terre ancestrale et qui en 1967 a perdu le reste sous occupation.
Le dimanche 6 décembre cinq cas de grippe porcine ont été confirmés à Gaza. La semaine précédente les gens parlaient du transfert en Egypte de Gilad Shalit le soldat israélien captif et il y a trois semaines d’une nouvelle guerre israélienne imminente.
Depuis des mois plusieurs festivals événements culturels et autres initiatives ont lieu tous les jours à Gaza organisés par des associations non gouvernementales palestiniennes en dépit des nuages noirs qui assombrissent Gaza.
A la fin août j’ai croisé dans la rue un jeune homme qui portait un t-shirt noir décoré de l’inscription en anglais : « No Money No Home » (“Pas d’argent pas de maison”). Le même jour des enfants et des adolescents peignaient sur la Place du Soldat Inconnu en centre ville des colombes des fleurs la Mosquée Al-Aqsa la clé du retour Jérusalem… C’était deux jours de fête organisés par le Ministère de la Culture pour fêter Jérusalem Capitale de la Culture Arabe 2009. J’ai demandé à un des organisateurs comment ils pouvaient avoir de la peinture puisqu’il n’y en avait pas à Gaza. Il m’a répondu : « Il n’y a pas de peinture à Gaza mais nous faisons des miracles… »
A Tal Al-Hawa où les bâtiments ministériels ont été détruits pendant la guerre sur un des murs rescapés quelqu’un a écrit : « Pourquoi ??!! ».
La beauté de Gaza sur le blog d’Eva Bartlett « In Gaza »