Ramallah – CPI
Le matin du 24 août Abdallah Al Bakri finissait enfin ses préparatifs pour sa sortie d’ « Aylone » où il est isolé aux bras de sa mère qui fut interdite de lui rendre visite pendant les deux dernières années dans la ville de « Al Birah »… la direction de la prison lui a préparé peu avant sa libération un adieu digne de l’ampleur de sa « menace » comme ils disent. Ils le lièrent avec trois chaînes : « la première fut mise sur mes mains la seconde chaîne ligota mes pieds tandis qu’avec la dernière ils m’attachèrent à un autre détenu de droit commun qui allait être libéré dans le même jour » Abdallah Al Bakri ajoute qu’ils répondirent à ses contestations en disant : « c’est un traitement spécial vu la spécificité de ta situation de sûreté »
Il est possible qu’il existe une part de vérité dans les propos de la direction de la prison d’ « Ayloune » où sont isolés cinquante prisonniers palestiniens de sûreté sous des toits disposé à tomber. En effet Abdallah Al Bakri (32 ans) de la ville de « Al Birah » est considéré comme l’un des chefs principaux des brigades d’Al Qassam qui pris part très tôt aux actions militaires et organisationnelles contre l’occupation. On peut noter dans les actions d’Al Bakri sa participation dans le travail du Jihad et du combat dès son plus jeune âge avec une poignée de leaders qui sont devenus des symboles dans la résistance comme par exemple les martyrs Mouhyi Al Dine Al Sharif ou encore Imad et Adel Awad Allah.
Des débuts précoces.
Al Bakri voit le jour le 14 avril 1973 dans la ville de Al Birah au milieu d’une famille conservatrice. Il rejoint réellement et activement l’appel des frères musulmans dès l’année 1980… il raconte retraçant ses souvenirs : « c’était un début assez précoce je me rendait à la mosquée dès mon enfance. Je me rappelle que j’avais sept ans lorsque j’allais pour la première fois apprendre (la science islamique) chez les respectables « Cheikhs » (savants). Ils ont eu une très grande influence dans mon éducation et ma formation dans le cadre de l’appel des frères musulmans. »… Al Bakri ajoute que « durant cette période l’activité des frères musulmans était décrite comme très difficile compte tenu des conditions et des grands obstacles qui combattirent la pensée islamique voulant l’anéantir. »
Avec les années l’ « étape de la production » comme l’appelle Al Bakri débutait. Il était alors parvenu à finir ses études secondaires et rejoindre l’institut « Qalandya » avec en main un diplôme en électricité. C’est alors que débuta le voyage des faveurs et du travail effectif. A cette époque et très précisément en novembre 95 Al Bakri connu sa première expérience de détention. Il raconte : « je m’étais fait arrêté de chez moi alors que j’étais un jeune homme de 22 ans. Directement je fus transféré à la détention provisoire pendant six mois après avoir reçu les accusations de faire partie et d’être un activiste du Hamas. »
L’étape du travail le plus rude.
Après sa libération sa personnalité était allée loin dans l’engagement dans la pensée du combat et du Jihad. Pour un tel jeune homme l’expérience de la première arrestation influence grandement le comportement futur et les choix concernant le Jihad. Il raconte : « les conditions du travail étaient très difficile. Malheureusement l’affrontement se situait sur plus d’un front pour nous : le front de l’ennemi et le front des frères et je veux dire par là les appareils de sécurité dans l’autorité palestinienne. ». Il ajoute : « je m’attendait à une détention de la part de mes plus amis les plus proche pas seulement de la part des sionistes.»
Après huit ans passées en détention et dans les premiers jours de sa remise en liberté Al Bakri essaie de se remémorer la première étape des activités. Il dit : « dans les dernières années avant mon arrestation en 97 les activités du mouvement commencèrent à s’accroître et à se propager dans la plupart des régions de
L’arrestation… il y a huit ans :
Après une période d’activités dans la préparation de charges explosives et la réalisation d’explosifs profitant de ses études dans le cadre de l’électricité et de sa collaboration avec un certain nombre d’ingénieurs réputés dans cette industrie. Après cette période Al Bakri est arrêté à Ramallah après avoir ressenti que cela ne tardera pas et que son arrestation n’est plus qu’une question de jours. Il raconte : « je revenais de la ville d’Al Khalil et me rendais à Ramallah c’est alors que je croisais une force d’occupation sioniste embusquée près de « Aryha ». Je compris alors que j’étais la cible. Je fus transféré pour être interrogé dans le camp de « Offar » qui n’était pas encore à l’époque un camp de détention. »…
Là bas Al Bakri rencontra deux des officiers responsables des renseignements à Ramallah et Al Birah. L’interrogatoire commença directement : « ce fut des jours difficiles impossibles à décrire. » dit Al Bakri.
Trois mois… 24 heures !!
Après sa détention dans le camp de « Offar » il fut transféré dans le centre d’enquête de « Al Maskoubyah » c’est alors que commença le périple de souffrance qui dura trois mois. « Ils ont utilisé la plupart des moyens de tortures psychologiques et physiques connus. » ajoute Al Bakri.
Durant cette période les discussions étaient centrées sur un homme « dangereux au Hamas » décrit comme « une bombe à retardement prêt à exploser à tout instant ». C’est ainsi que « j’ai vécu l’amertume du « Chabah » (le fantôme : une technique de torture) des coups et des culbutements brutaux je ne connus pas le sommeil pendant une période qui dépassait les vingt jours. » dit Al Bakri.
Il ajoute : « malgré cela il ne faisait pas durer les moments du « Chabah » par exemple car il voulait me garder éveillé pour être capable de répondre à leurs interrogations afin de m’arracher les aveux par la force. « l’interrogatoire se poursuivait continuellement pendant 24 heures. Je me rappelle que quelques vingt agents étaient dans la chambre et se succédaient pour m’interroger. »
Selon le jeune homme les accusations cette fois se centraient autour de « l’achat de substances explosives la préparation de charges explosives l’hébergement des poursuivis mes relations avec les plus grands recherchés tels l’ingénieur « Mouhyi Al Dine Al Sharif les frères « Awadallah » de même que les martyrs « Nassim Aboulrouss » « Jasser Samaro » ainsi que d’autres hommes à Nabless (Naplouse) et finalement mon appartenance aux brigades Ezz Edine Al Qassam. »
Le retour à l’interrogatoire… et l’assassinat de « Al Sharif ».
Trois mois après Abdallah Al Bakri fut transféré à la prison de « Majdo ». Cependant vingt jours après son transfert il fut étonné d’apprendre la décision des services de renseignement sioniste de le replacer dans l’interrogatoire « alors que je pensait que ce cauchemar était enfin terminé » dit-il.
Cette fois ce fut suite à l’assassinat de l’ingénieur Mouhyi Al Dine Al Sharif évènement qu’ignorait Abdallah Al Bakri le plus proche ami de Sharif. Il dit : « trois jours après l’assassinat de Sharif j’appris ce qui s’était passé. Il m’ont ramené un journal qui a publié une enquête sur l’opération et m’ont dit : « celui là c’est ton premier homme c’est ce pas ? »… ». Al Bakri ajoute : « je ne pus reconnaître le corps de l’ingénieur la photographie publiée après son assassinat était totalement défigurée de manière à ne pas pouvoir le reconnaître. » Mais les enquêteurs ne prolongèrent pas le moment pour lui : « c’est mouhyi Al Dine Al Sharif ton compagnon d’arme » lui ont-ils indiqué.
L’évènement s’est abattu comme une catastrophe pour Abdallah Al Bakri lui qui avait supporté des mois de torture afin de protéger son ami l’ingénieur. « Je commençais à hurler de toute ma voix je les insultait tous… cette information me frappa comme la foudre ! D’ailleurs je n’y ai pas cru. »… les enquêteurs lui ont alors indiqués : « nous avions beaucoup de compte à rendre avec cette homme il était responsable de la mort de dizaines de juifs… Aujourd’hui ce problème est terminé nous l’avons éliminé ».
Al Bakri ajoute : « cet aveux de la part des enquêteurs eux-mêmes contredisent les prétentions de certains sionistes et de quelques membres de l’autorité palestinienne qui disent que la mort de Mouhyi Al Dine Al Sharif fut planifiée par les frères Imad et Adel Awadallah… ce fut une tentative échouée de camoufler le rôle d’ « Israël » dans l’opération car ils savaient que la riposte des brigadistes sera forte et habile. »
Au fil des années de détention l’image de Sharif est restée gravée dans l’esprit de Abdallah Al Bakri durant ses jours les plus pénibles. Suite à sa libération il ne sut où aller à part la tombe de l’ingénieur Mouhyi Al Dine Al Sharif dans le cimetière des martyrs de la ville de « Al Birah ». Il s’y recueillit lui qui n’imaginait même pas que cela pouvait bien se passer un jour après leurs souhait commun de trouver le martyr ensemble… il lut la « Fatiha » (l’ouverture) et puis partit…
Des voyages… et des souvenirs
Après sa remise en liberté Al Bakri nous a raconté son épopée de longues années de détention… « le voyage a commencé de la prison de Ramallah puis à Majdo pendant la première période. » dit Al Bakri… à partir de là-bas Al Bakri s’est rendu à la plupart des centres et des camps de détention. Pendant l’année 2000 après avoir déjà vécu trois ans de détention Al Bakri a reçu un jugement d’emprisonnement pendant huit ans ; et ce après plusieurs tentatives de la part de son avocat d’adoucir la peine qui s’allongeait de 25 ans. D’une tentative à l’autre la peine se trouvait diminuée de quelques années à chaque fois… puis se fixa à 8 ans. « ce fut un don de la part d’Allah (loué soit-il) je Le remercie Lui qui a facilité cela » dit Al Bakri…
Avant cela Al Bakri fut transféré à la prison de Asqalane : « l’expérience était plus abominable que tout ce que l’on pouvait imaginer » raconte-t-il. Il ajoute : « cette année les autorités de l’occupation libérèrent de grands nombres de prisonniers il ne resta dans les prisons que 1300 détenus considérés comme dangereux ».
Après cette libération Al Bakri et ses compagnons détenus ressentirent un sentiment de détresse : « nous avons senti que nous étions oubliés l’intérêt porté à notre cause par l’autorité palestinienne était faible de même que celui des factions même de la résistance ». Les prisonniers étaient persuadés que l’autorité va en fournissant encore plus d’effort « blanchir les prisons » comme nous le dit Al Bakri. Néanmoins ce qui s’est passé c’est que la situation s’est assombri sans que cela ne suscite l’intérêt de qui que ce soit.
Trois ans après son transfert à Asqalane Al Bakri fut envoyé à « beer Al Sabe »… « De Asqalane à Beer Al Sabe puis Nitsane Almaabar Hadarim Al-naqab Majdo puis enfin l’isolation dans Aylone. » c’est ainsi que nous raconte Al Bakri ses transferts continuels : « ils ne voulaient pas me laisser la moindre quiétude c’est pourquoi les transferts étaient inattendus rapides et sans réel motif. » Lors de son passage parmi tous ces « boucheries et ces cimetières » comme les appelaient les prisonniers. Al Bakri fut un témoin qui subit les misères que vivent les prisonniers loin des caméras et des médias et bien loin d’un véritable soutient : « au moins afin d’améliorer leurs conditions de vie sinon pour leur libération ».
Malades et opprimés à « Asqalane »
A « Asqalane » tout comme d’ailleurs dans la plupart des prisons : « je vivais avec deux jeunes hommes qui souffraient de maladies chroniques et qui avaient grand besoin de soin. Rien ne leur était octroyé à part « la pilule miracle » : la pilule calmante de akamol ». Al Bakri ajoute : « nous pensions qu’elle était réellement miraculeuse nous sommes arrivés à la conviction qu’elle soignait toutes les maladies. »
Ils sont des dizaines ceux qui étaient malades dans les prisons de Asqalane ou ceux dont la situation a empirée après l’arrestation ceux la n’ont pas trouvé la moindre réaction et réponse ni de la part des directions des prisons ni de celle des institutions de droit de l’Homme qui n’a que des supplications et des dénonciations à leur offrir. « J’avais été blessé en 93 d’une balle dans le pied suite à des accrochages avec les soldats de l’occupation à Ramallah. Dans la prison les douleurs de cette blessure non guérie me reprenaient de temps à autre. Je ne trouvais qu’un peu de calmant nous disions : « Allah est notre guérisseur il nous compensera l’absence de leur remède inshallah. ».
A Hadarim :
« Je me souviens que lorsque nous étions à Hadarim en 2002 une campagne a été menée par la direction de la prison contre les prisonniers. Les détenus s’étaient en effet révoltés contre la décision prise par l’administration de la prison d’ajouter un troisième lit à chaque cellule où croupissent déjà deux prisonniers. Ces cellules ne pouvaient contenir en effet plus de deux détenus. Celui qu’on appelle aujourd’hui le ministre de la sûreté intérieure « Gadoon Ezra » avait rendu visite à la prison et compte tenu de sa visite il cautionna l’introduction du troisième lit… il dit clairement ce jour là : « ce sont des tueurs et des criminels et ils méritent la mort ».
Suite aux protestations des détenus l’administration de « Hadarim » convia des troupes de l’unité de « Nahchone » connu par sa brutalité. Ils commencèrent alors une campagne de coups et de gaz. « je me rappel encore lorsqu’ils nous ont férocement attaqué ils nous imposèrent ce qu’ils appelaient « la décret ministériel » par la force. »
Dans le désert de Naqab.
Il y a tant à dire sur « Al Naqab » ; « la bas tu vis d’une manière collective avec les malades tout le monde souffre de problèmes de santé. Les conditions de vie en prison sont exécrables : pendant l’été la chaleur est insupportable alors qu’en hiver on a rendez-vous avec un froid insoutenable sans parler bien sûr de l’absence totale de tout type de services. »… Al Bakri rit quand il se remémore « la tasse de thé » : « afin de pouvoir préparer une tasse de thé à Naqab il nous fallait plus d’une heure pour le ramassage du bois attiser un feu doux afin de ne pas attirer l’attention des soldats… alors imaginez si nous voulions cuisiner ??… cela nous prenait toute une journée ! »
Isolé à « Aywane »
Lors de la dernière année de détention Abdallah Al Bakri n’était plus de ceux qui comptaient les années les unes après les autres. « Je ne concevais pas d’avoir passé huit ans en prison. En effet la vie d’un prisonnier dans les geôles de l’occupation n’est faite que d’activisme de travail et d’apprentissage. J’ai alors exploité mon temps dans la lecture et l’apprentissage et j’ai fini par parler hébreu à la perfection. J’ai aussi appris ce que j’ai pu du Saint Coran ». En mars 2005 Al Bakri fut transféré avec cinquante autres détenus de la prison de « Majdo » afin d’être isolé au centre de détention de « Aywane » à « Al Ramlah »… il raconte : « la direction de la prison nous a indiqué que nous allions être transféré à « Al Naqab » dans le cadre des préparatifs pour notre remise en liberté. Voilà pourquoi nous avions distribué nos affaires et nos habits aux prisonniers dans le besoin. Nous étions montés dans les bus sans affaires personnelles. » Cependant quelques heures après les jeunes transféré découvrirent avec stupeur qu’ils étaient transféré à l’isolation dans « Aywane » ; plus précisément dans la section 8. Cette prison qui fut l’objet d’une décision de « la haute cour sioniste » stipulant sa destruction compte tenu du fait qu’elle ne garantit pas une vie digne et qu’elle constitue un danger pour les détenus.
Arrivés la bas Al Bakri et ceux qui l’accompagnaient découvrent qu’ils ne possédaient plus rien hormis les hurlements des soldats et les menaces d’oppression de la direction de la prison. « Lorsque nous avons rencontré les officiers de la prison ils nous affirmèrent que nous resterons ici un mois uniquement et qu’après ils seront remis en liberté ». Un mois après effectivement six détenus parmi ceux dont la période d’incarcération arrivait à son terme furent libérés d’entre cinquante autres prisonniers. Les autres furent laissés sous des toits susceptibles de s’écrouler à tout instant. « Ils plaçaient les barres de fer sous le toit afin qu’il ne s’écroule pas » dit Al Bakri ; tout en ajoutant : « nous n’avions aucun moyen de cuisiner nous étions donc obligés de manger ce que les geôliers nous préparaient comme nourriture malgré son caractère périmé et répugnant. Mais nous y étions bien forcés puisqu’il n’y avait même pas une cantine où l’on pouvait acheter de quoi se nourrir. »
Quand à l’eau « j’ai vu de mes propres yeux les vers et les insectes y nager nous n’avions de choix que la mettre en ébullition avant de la boire… tout cela est une idée simplifiée de la situation » nous dit-il « ce qui demeure caché est encore pire »…
Souffrances et épreuve…
Malgré sa persévérance et sa sérénité d’esprit tout au long de ses années de détention Al Bakri raconte : « c’est une épreuve… c’est un don d’Allah (loué soit-il). Un homme qui n’a pas connu l’épreuve et la difficulté garde une pensée courte et une personnalité tronquée… l’épreuve nous apprend comment dépasser tout ce qui nous est laborieux elle nous permet de se rapprocher encore plus d’Allah (loué soit-il) et nous rappelle que nous sommes sur le bon chemin. »
Il termine : « l’homme non éprouvé doit rechercher dans son cœur et s’interroger… car normalement Allah (loué soit-il) nous éprouve afin de doser notre foi et notre persévérance… je prie Allah afin d’être parmi ceux qui persévèrent et qui s’accrochent à