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La cause palestinienne monte dans le train de l’oubli

lundi 18-février-2019

Dans le monde arabe la défense des Palestiniens est passée du rang de priorité à celui de simple variable d’ajustement.
D’ici quelques années une ligne ferroviaire devrait sillonner une partie du Proche-Orient et de la Péninsule arabique selon le souhait – déjà ancien mais remis sur la table – des autorités israéliennes. Au départ du port de Haïfa au nord-ouest de l’Etat hébreu les trains transporteront voyageurs et marchandises à travers la Jordanie l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis pour commencer. Plus qu’un simple instrument économique beaucoup voient dans ce projet la célébration du réchauffement des relations entre Tel-Aviv et Riyad effective depuis près d’un an à présent. Mais ce rapprochement symbolisé par la future ligne ferroviaire matérialise également quelque part le renoncement du monde arabe et des Saoudiens en particulier vis-à-vis de la cause palestinienne. Car il est intellectuellement et davantage encore matériellement difficile de satisfaire à la fois l’oppresseur et l’opprimé.
Bizarrerie de l’Histoire lorsqu’en 1981 le prince héritier saoudien Fahd ben Abdelaziz présente un plan de paix pour le Proche-Orient sans aucune complaisance vis-à-vis d’Israël – il exige par exemple « le démantèlement des colonies » « le retour des réfugiés palestiniens ou leur indemnisation » ainsi que « la création d’un Etat palestinien » – le monde arabe crie au scandale sous prétexte que le plan entraînerait de facto la reconnaissance par eux de l’Etat hébreu. A l’inverse lorsqu’en avril 2018 dans un entretien à The Atlantic l’actuel prince héritier saoudien Mohamed ben Salman affirme explicitement qu’Israël a « le droit d’exister » (1) – ce qu’aucun dirigeant arabe n’avait jusqu’alors reconnu – aucune réaction ou si peu de la part de ce même monde arabe. Qui en 40 ans a fait passer la cause palestinienne du rang de priorité plus ou moins absolue à celui de simple variable d’ajustement.

Commune détestation de l’Iran

Même lorsque le président américain Donald Trump s’attaque à l’un des grands tabous de la coexistence israélo-arabe celui du statut de la Ville sainte Jérusalem en décembre 2017 les Etats arabes s’emmêlent les pinceaux. Et finissent après quelques remontrances de façade – comme le vote de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) condamnant très implicitement la proposition américaine – par lâcher l’affaire. « Les Palestiniens savent parfaitement que le soutien de leurs ‘‘frères’’ relève depuis longtemps d’une dialectique creuse. Ces derniers s’avèrent impuissants à faire pression sur Israël pour qu’il respecte le droit international voire même les accords d’Oslo » écrivent Akram Belkaïd et Olivier Pironet journalistes au Monde diplomatique dans l’éditorial d’un numéro (2) consacré à la Palestine en février 2018.
Les Palestiniens ne peuvent pas davantage compter sur les Occidentaux pour freiner la colonisation galopante de la Cisjordanie ou desserrer l’étau autour de la bande de Gaza. Pour la simple et bonne raison que le Proche-Orient est devenu le terrain de jeu des Etats-Unis et que ces derniers – dont le « plan » pour la région qui devrait être (enfin) dévoilé dans les prochains mois promet de faire la part belle aux exigences israéliennes – soutiennent ouvertement Tel-Aviv depuis l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche. Celui-ci n’a cessé d’œuvrer grâce notamment à l’entremise de son gendre Jared Kushner au rapprochement entre Israël et l’Arabie saoudite qui partagent avec Washington une commune détestation de l’Iran ciment de leur entente inédite – Riyad et Tel-Aviv n’entretiennent aucune relations diplomatiques officielles.

Raisonner les grandes puissances

Une entente dont la solidité à toute épreuve a pu se mesurer lors de la conférence sur le Moyen-Orient organisée par Varsovie (Pologne) les 13 et 14 février derniers. Où le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ont tenu des propos similaires – et assez féroces – contre Téhéran. Le premier affirmant notamment que « vous ne pouvez pas obtenir la paix et la stabilité au Moyen-Orient sans affronter l’Iran ce n’est tout simplement pas possible ». Une posture va-t’en-guerre – également adoptée par la République islamique – qui a manifestement des répercussions sur quiconque entretiendrait dans la région des relations avec les dirigeants iraniens. Comme par exemple le Qatar qui s’est plus ou moins rapproché de son « voisin » chiite après sa mise au ban par Riyad en juin 2017. Doha étonnamment est exclue du vaste projet de ligne ferroviaire israélien…
Train de la concorde pour certain de la discorde pour d’autres ses wagons qui parcourront le Golfe d’ici quelques années charrieront des intérêts autrement plus diffus mais stratégiques que ceux économiques allégués par les autorités israéliennes. Et réaffirmeront deux règles sans âge des relations internationales. La première : les ententes entre pays contre un tiers naissent souvent de la haine ressentie à l’égard de ce dernier ; la seconde : la géopolitique est relative soumise aux aléas du temps et aux rapports de force. Malheur bien souvent aux faibles dont la voix ne résonne pas suffisamment et dont l’écho ne peut raisonner les grandes puissances. Qui enterrent au profit de leurs intérêts les combats passés. Aussi justes demeurent-ils. Voici ce que les Etats arabes font de la cause palestinienne qui monte ainsi de plus en plus dans le train de l’oubli.

(1) Les termes exacts prononcés par MBS : « Je crois que chaque peuple où qu’il se trouve a le droit de vivre chez lui en paix. Je crois que les Palestiniens et les Israéliens ont le droit d’avoir leurs propres terres. »
(2)Akram Belkaïd et Olivier Pironet « Duplicité arabe impasse palestinienne » Le Monde diplomatique. Manière de voir février-mars 2018 p. 4.

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