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Après la condamnation de Ahed Tamimi et de sa mère plus personne ne peut sérieusement prétendre qu’il n’y a pas d’apartheid

mardi 27-mars-2018

Ils ne l’ont peut-être pas fait exprès – c’est trop grand pour eux et peut-être même trop grand pour leur arrogance – mais ils sont les initiateurs du régime ou du moins ses annonciateurs. Ils ont étudié le droit et sont allés travailler («servir») dans les tribunaux militaires. Ils ont été promus et sont devenus juges militaires. C’est ce qu’on appelle les officiers de bureau qui travaillent pour l’armée morale en tant que juges des occupés dans les territoires occupés.
Ils travaillent dans une unité militaire qui porte un nom biblique : la «Cour Militaire de Judée» et ils décident du destin des gens. Il ne fait aucun doute qu’ils sont certains qu’ils travaillent dans un système juridique comme on leur a appris à l’université. Il y a après tout des procureurs et des avocats de la défense. Il y a même un traducteur.
La majeure partie de leur travail n’attire pas l’attention. En Israël qui se soucie de ce qui se passe dans les préfabriqués de la base militaire d’Ofer ? Ils ont condamné des milliers de personnes à au total des dizaines de milliers d’années d’emprisonnement et presque jamais acquitté personne; sur leur lieu de travail il n’y a pas d’innocent. Ils ont également approuvé des centaines de détentions sans audience même s’il cela n’existe dans aucun État de droit. Jour après jour c’est juste pour eux un autre jour de travail au bureau.
Et voilà qu’on leur amène un jour Ahed Tamimi. Près de 2 millions de personnes dans le monde ont signé une pétition demandant sa libération. Et les juges de la justice militaire israélienne ne font que poursuivre leur routine greffiers dévoués au système. Il faut aujourd’hui les en remercier.
Car cette fois ils ont exposé au monde la vérité nue : ils travaillent pour un système d’apartheid 1. Ils sont ses annonciateurs. Ils sont ses formulateurs. Ils sont ses entrepreneurs petits rouages dans une grosse machine mais ils en reflètent la réalité.
Les trois officiers qui ont jugé l’adolescente dans divers tribunaux militaires le colonel Netanel Benishu président de la Cour d’appel militaire (il n’y a pas de pénurie de titres ronflants ici) qui a approuvé que les audiences aient lieu à huis clos; le lieutenant-colonel Menahem Lieberman président du tribunal militaire de Judée qui a validé le résultat de la négociation (“plea bargain”) par laquelle Ahed Tamimi et sa mère purgeront huit mois de prison pour rien ou pour héroïsme et le lieutenant-colonel Haim Balilty qui avait approuvé qu’elles restent en détention pendant toute la procédure. Un jour ils seront nommés à la Cour suprême. Un colonel et deux lieutenant-colonels qui ont dit au monde : “Ici il y a l’apartheid”.
C’est évidemment l’effet du hasard s’ils étaient les trois tous [des Juifs] religieux une sorte de coïncidence innocente. Nous ne savons pas qui parmi eux est un colon mais cela ne veut rien dire non plus. Ils sont allés travailler dans un tribunal militaire de l’occupation pour protéger les droits de l’homme dans les territoires au nom du Seigneur des Armées. Après leurs décisions concernant Ahed Tamimi il n’y a aucune personne impartiale dans le monde et pas même en Israël où chacun subit un lavage de cerveau qui puisse encore sérieusement prétendre qu’un régime d’apartheid n’existe pas dans les territoires [occupés].
Le mouvement BDS devrait féliciter les officiers qui ont levé tous les doutes de ceux qui avaient encore des doutes. Le système juridique qui applique une loi pour les Juifs et un autre pour les Palestiniens sans excuses sans blanchiment devrait être apprécié pour son honnêteté.
Un système judiciaire qui a condamné un soldat qui a abattu un blessé à seulement un mois de plus que la peine infligée à une adolescente qui a giflé un soldat c’est un système qui admet ouvertement qu’il considère que gifler l’occupant est pratiquement aussi répréhensible que le meurtre d’une personne vivant sous occupation . Un seul mois sépare les deux.
Un système qui ne pouvait concevoir d’arrêter d’interroger d’inculper et certainement pas de condamner à plusieurs mois de prison une fille des colonies qui a giflé un soldat qui lui a jeté des ordures qui a crevé les pneus de son véhicule qui lui a jeté des pierres ou l’a frappé – un tel système a envoyé Tamimi pour huit mois de prison.
Faut-il en dire plus ? Son avocat Gaby Lasky ne pouvait rien faire d’autre que d’accepter la négociation avec l’accusation (“plea bargain”). Lasky aussi comme deux millions de personnes dans le monde veut voir Tamimi libre.
Et peut-être que la condamnation de Tamimi est une bonne chose. Grâce à elle la propagande israélienne ne peut plus se disputer avec le monde entier pour repousser l’accusation d’apartheid sans s’exposer au ridicule. Les colonels de Judée ont exposé la vérité connue depuis longtemps. Vous avec deviné : c’est l’apartheid.

Cet article de Gideon Levy a été diffusé par Haaretz le 26 mars 2018.

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