Depuis plusieurs décennies Mohammed Hussein Fadlallah était l’un des plus illustres représentant de cet islam résistant qui refuse de capituler devant le sionisme et l’Occident impérialiste. Il incarnait cette moumana’a islamique qui puise dans sa spiritualité et son héritage multiséculaire pour résister et construire son indépendance par un processus de renaissance civilisationelle
Personnalité marquante du monde islamique théologien musulman reconnu figure de la résistance libanaise et de la lutte pour la libération des moustadhafin les opprimés Sayyed Mohammed Hussein Fadlallah (1) s’est éteint le 4 juillet 2010. Il sera inhumé mardi 6 juillet dans l’enceinte de la mosquée Hassanein dans le sud de Beyrouth.
Dans un communiqué le Hezbollah a rappelé « le prix élevé qu’il a dû payer à cause de ses positions son rejet de la conspiration et de l’arrogance des puissances coloniales. Il était un fervent partisan de l’unité islamique opposé à toute forme de division inter islamique toujours proche des gens concernés par leurs affaires et leur orientation. C’est une grande perte que représente ce symbole sur notre scène ».
Depuis plusieurs décennies Mohammed Hussein Fadlallah était l’un des plus illustres représentant de cet islam résistant qui refuse de capituler devant le sionisme et l’Occident impérialiste. Il incarnait cette moumana’a islamique qui puise dans sa spiritualité et son héritage multiséculaire pour résister et construire son indépendance par un processus de renaissance civilisationelle.
Né en 1935 à Najaf en Irak dans une famille d’origine libanaise Mohammed Hussein Fadlallah étudia auprès des grands maîtres de la Hawza de la ville comme Sayyed Abou al-Qassem al-Kho’i ou Sayyed Mohsin al-Hakim. De même il fut très proche de l’imam Mohammed Baqr as-Sadr penseur islamique irakien qui exerça une grande influence intellectuelle sur l’islam contemporain et plus particulièrement sur le chiisme.
Après avoir achevé ses études il s’installa au Liban en 1966 à la demande de l’ »association fraternelle de la famille ». Dans le même temps il fonda une Hawza dans laquelle il dispensait son enseignement à des centaines d’étudiants qui ont assisté à ses cours de jurisprudence islamique. Il enseigna aussi à la Hawza al-Mourtada de Damas.
Rapidement son influence s’étendit au sein de la communauté chiite libanaise. Ses prêches et ses écrits recueillirent une audience de plus en plus importante. Religieux engagé son discours révolutionnaire et anti-impérialiste lui attira de nombreuses sympathies auprès des jeunes et des étudiants. Durant ces années il contribua à former une génération de militants et d’ouléma dont une partie s’est investie activement au sein de la résistance islamique libanaise.
A l’annonce de sa mort le secrétaire général du Hezbollah Sayyed Hassan Nasrallah déclara : « Nous avons perdu aujourd’hui un père miséricordieux et un guide plein de sagesse ». « Il incarnait tout cela pour cette génération (…) qui depuis sa jeunesse priait dans sa mosquée et écoutait ses enseignements ». « A son école nous avons appris à être des hommes de dialogue à rejeter l’oppression et à résister à l’occupation ».
Après la révolution islamique iranienne en 1979 et l’invasion du Liban par l’armée sioniste en 1982 qu’il combattit avec force et détermination son influence s’étendit au sein de la communauté chiite libanaise et au-delà dans l’ensemble du monde arabe et musulman. Décrivant l’engagement et d’influence de Mohammad Hussein Fadlallah Abou Dhar un militant proche du Hezbollah expliquait : « Dans ce contexte [celui de l’occupation sioniste et de la domination des milices phalangistes soutenues par les Etats-Unis] où rien n’incitait à l’optimisme je me souviens d’un prêche de Sayyed Mohammed Hussein Fadlallah dans lequel il invitait les fidèles à ne pas perdre espoir malgré la situation dramatique qui prévalait. […] Même dans des situations tragiques un croyant doit toujours rechercher la lueur d’espoir les signes de la clémence divine » (2).
La mosquée dans laquelle il prêchait située dans le quartier populaire de Bir Al Abed dans la banlieue sud de Beyrouth devint l’une des principales tribunes de la résistance. A partir de 1982 Mohammed Hussein Fadlallah fut considéré comme le guide spirituel du Hezbollah durant les premières années d’existence du mouvement bien qu’il ait toujours nié cette qualité tout en défendant fermement la résistance. Ainsi à propos du droit à la résistance il affirmait : « Tout le monde a besoin de se défendre. Si un homme a besoin d’utiliser des moyens violents c’est son devoir de les utiliser » (3).
Son engagement politique fit de cheikh Fadlallah une cible pour l’Occident impérialiste le sionisme et leurs relais locaux. En 1976 il fut enlevé par une milice chrétienne et fut contraint de quitter la ville de Nab’aa pour s’installer dans le Liban sud. Par la suite Mohammed Hussein Fadlallah échappa à plusieurs attaques. L’une au cours de laquelle périrent 80 civils libanais impliquant directement les Etats-Unis et leurs alliés se déroula le 8 mars 1985 à Bir Al Abed dans la banlieue sud de Beyrouth (4).
Poursuivant activement son engagement en faveur de la libération des peuples contre l’impérialisme et le sionisme en 1995 Mohammed Hussein Fadlallah fut inscrit par les Etats-Unis sur leur liste des « terroristes internationaux » ; accusation dont il était fier. Après l’invasion de l’Irak il publia une fatwa interdisant aux musulmans d’aider les Américains à occuper un pays musulman.
L’engagement de Sayyed Mohammed Hussein Fadlallah ne se limitait pas à la lutte contre l’impérialisme et le colonialisme. Le cheikh se battait aussi aux côtés des femmes pour faire respecter leurs droits fondamentaux. Le 25 novembre 2007 à l’occasion de la « Journée Mondiale Contre la Violence faite aux femmes » il prononça une fatwa condamnant toute forme de violence faite aux femmes qu’il qualifia de « comportement humain parmi les plus ignobles ». Il rejeta la violence contre les femmes comme contraire aux préceptes de l’islam. De même il affirma son refus de toute notion de supériorité ou de souveraineté de l’homme sur la femme.
Défendant dans ce domaine le principe d’autodéfense qu’il avait mis en avant à propos d’autres questions cheikh Fadlallah affirma dans sa fatwa que « la femme peut répondre à la violence physique de l’homme contre elle par une même violence dans le cadre de l’autodéfense » (5).
Théologien chiite Mohammed Hussein Fadlallah était aussi un homme de dialogue et un partisan du rapprochement entre les différentes écoles islamiques et de l’unité des musulmans. Dans une conférence prononcée en février 2009 il affirmait : « Nous devons […] descendre sur le terrain vers nos bases pour parler de l’unité islamique pour leur dire que les dissensions entre les Musulmans peuvent être une diversité enrichissante de l’Islam […]. Nous devrions descendre vers nos bases. Mais il se pourrait que ces bases que nous avons éduquées avec la nourriture de la haine nous lancent des pierres et nous lapident. Nous devrions considérer ces pierres comme des médailles qui nous décorent car ce qui te lapide est l’arriération et non pas la conscience. L’arriération c’est elle qui a lapidé les prophètes tout au long de l’histoire ».
Face à ce constat des divisions confessionnelles traversant l’islam le cheikh concluait : « L’unité islamique devrait constituer le sens de l’Islam en nous. Soyez des Musulmans sunnites et des Musulmans chiites car en mettant de côté votre appartenance à l’Islam vous ne faites que privilégier la confession au détriment de l’Islam » (6).
Au-delà de cet appel à l’unité des musulmans au cours de cette conférence Mohammed Hussein Fadlallah dressa le tableau d’un monde musulman incapable de faire face aux défis auxquels il était confronté. Mettant en avant les insuffisances du monde musulman il affirmait : « Regardons cette réalité islamique. Nous avons tant et tant parlé de la Palestine et la Palestine est perdue. Nous avons tant et tant parlé d’Afghanistan et l’Afghanistan est perdu. Eux ils planifient. Quant à nous nous crions des slogans. Eux ils nous envahissent. Quant à nous nous nous disputons. Notre problème c’est que nous flottons en surface. Nous nous laissons guider par des paroles. Clinton nous envoie des paroles et des promesses. Nous en tirons bon présage et nous haletons derrière ce mirage et à l’arrivée nous trouvons qu’il ne s’agissait que de rien ».
Toutefois celui qui appelait les Libanais à ne pas perdre espoir et à résister alors que leur pays était occupé par les sionistes et dominé par l’Occident impérialiste ne pouvait se résigner devant le drame du monde musulman. Homme de foi et de conviction il savait que le refus de la domination la moumana’a et la résistance étaient les seules voies de la libération. Ainsi il conclut sa conférence sur une note d’espoir et d’encouragement à la réflexion : « Les perspectives s’ouvrent à beaucoup d’espoir. Accourez vers la réalité pour planifier œuvrer et craindre Dieu dans notre présent et notre avenir. Réfléchissons longuement et profondément à notre avenir » (7) .
Par son engagement en faveur des moustadhafin par sa lutte contre l’impérialisme et le sionisme par sa volonté de dialogue interne à l’islam Sayyed Mohammed Hussein Fadlallah restera une référence pour nombre de musulmans bien au-delà des cloisonnements confessionnels désuets.
« Il est parmi les croyants des hommes qui ont été sincères dans leur engagement envers Allah. Certains d’entre eux ont atteint leur fin et d’autres attendent encore ; et ils n’ont varié aucunement (dans leur engagement) ». (Coran 33:23)
Notes de lecture :
(1) Site officiel de cheikh Mohammed Hussein Fadlallah en langue arabe française et anglaise : http://www.bayynat.org.lb/
(2) Charara Walid et Domont Frédéric Le Hezbollah un mouvement islamo-nationaliste Paris Ed. Fayard 2004 page 88
(3) Richard Yann L’islam chiite Croyances et idéologies Paris Ed. Fayard 1991 page 173
(4) Qassem Na’im (Sheikh) Hezbollah La voie l’expérience l’avenir Beyrouth Al-Bouraq pages 137-138
(5) Cf. Gonzalez-Quijano Yves « Quand une fatwa défend le droit des femmes… ».
(6) Fadlallah Mohammed Hussein « Les devoirs de la Nation Islamique ».
(7) Ibid.
Le sayyed Mohammad Hussein Fadlallah le « père » de la résistance libanaise est porté en terre par des centaines de milliers de Libanais le 6 juillet ; il a été enterré au coeur de la banlieue sud de Beyrouth parmi les gens du peuple là où il a vécu simplement et où il a survécu à deux tentatives d’assassinat et où chacun pourra visiter sa tombe quand il le voudra comme il l’avait souhaité.
Ici les photos de ses funérailles nationales.