Urgent

Sun 17-November-2024

Le massacre de « la flottille de la Liberté » et la solidarité internationale

mardi 1-juin-2010

 
Le crime perpétré par Israël dans des eaux internationales contre des pacifistes engagés à porter secours aux prisonniers enfermés dans cet immense camp de concentration qu’est désormais Gaza peut et doit indigner mais il ne peut pas nous étonner : depuis quelques temps le gouvernement de Tel Aviv montre combien il est décidé à frapper par la terreur non seulement les victimes directes de son expansionnisme colonial mais même ceux qui osent exprimer leur solidarité avec les victimes et qui d’une façon ou d’une autre entravent le terrible machine de guerre et d’oppression à laquelle les bourreaux ont recours.

La thèse selon laquelle les pacifistes étaient armés et donc méritaient leur mort est le pendant de cette autre selon laquelle c’était une obligation morale de déclencher l’opération Shock and Awe (Choc et Effroi) contre l’Irak de Saddam Hussein coupable de détenir des armes de destruction de masse ! La solidarité et la complicité de fond qui lient Israël et les Etats-Unis se révèlent aussi dans l’art de la manipulation et elles ne sont pas substantiellement entamées par l’alternance des divers locataires de la Maison Blanche.

C’est une manipulation qui si elle n’est pas ouvertement encouragée n’est certes pas entravée par la grande presse d’ « information ». Ces temps derniers en Palestine comme dans certains secteurs de l’Occident est en train de se développer une forme nouvelle de lutte : elle consiste dans le boycott des marchandises produites par des colons qui en violation flagrante du droit international et des droits de l’homme continuent à s’étendre dans les territoires occupés. C’était l’occasion pour ceux qui n’ont de cesse de condamner la « violence » de la résistance de saluer cette forme de lutte typiquement non-violente qu’est le boycott. Et pourtant c’est le contraire qui s’est produit. Sur le Corriere della Sera Furio Colombo et quelques autres se sont empressés ces derniers jours de juger que le boycott des exportations israéliennes provenant des territoires illégalement occupés fait penser aux mesures prises à l’époque par l’Allemagne nazie contre les magasins de propriété juive.

Qu’en est-il en réalité ? Comme je l’ai rappelé dans mon dernier livre (La non-violenza. Una storia fuori dal mito Laterza Editori ) les peuples opprimés et en premier lieu les peuples colonisés ont constamment eu recours au boycott. C’est un instrument de lutte que pour nous limiter au 20ème siècle nous voyons à l’œuvre en Chine au cours de la protestation organisée par le mouvement du 4 mai (1919) contre la prétention du Japon encouragée ou tolérée par les autres puissances impérialistes d’imposer son protectorat sur le grand pays asiatique. Une dizaine d’années plus tard au boycott des tissus succède en Inde le boycott des produits de l’industrie anglaise. Dans ce cas c’est le mouvement inspiré et dirigé par Gandhi qui conduit l’agitation : « Des femmes faisaient le piquet régulièrement devant les magasins où étaient vendus des vêtements produits en Grande-Bretagne. Elles suivaient les autres femmes qui sortaient des magasins et essayaient de les persuader d’aller rendre leurs achats ». Quelques années plus tard c’est la communauté juive internationale qui suggère le boycott des marchandises allemandes en riposte à la fureur antisémite de Hitler. C’est sur cette tradition que repose le mouvement qui cherche aujourd’hui à toucher les marchandises produites uniquement grâce à un expansionnisme colonial inhumain dans les territoires palestiniens occupés.

Bien sûr dès l’origine le régime nazi s’est engagé à étrangler l’activité commerciale et industrielle des juifs allemands et à les priver de leurs légitimes propriétés. Mais tout cela n’a rien à voir avec le boycott (instrument traditionnel des peuples opprimés) mais bien avec l’usage terroriste du pouvoir politique. Si l’on veut chercher une analogie il faut alors se référer aux mesures qui touchent aujourd’hui les palestiniens expropriés de leurs maisons de leurs terres de leurs oliveraies et mis de plus en plus dans l’impossibilité de mener une vie humaine digne de ce nom.

La condamnation la criminalisation même que le pouvoir et l’idéologie dominants font aussi de la lutte non-violente contre le colonialisme sioniste est la confirmation malgré quelques moments d’embarras et d’apparente prise de distance de la volonté de Washington et de Bruxelles de laisser impunis les crimes d’Israël même ceux commis dans des eaux internationales et de condamner au contraire d’une manière ou d’une autre toute forme de résistance du peuple palestinien.

Sur le versant opposé c’est une obligation morale de tout démocrate anticolonialiste et antifasciste de se solidariser avec la résistance palestinienne (et arabe et musulmane) contre l’impérialisme et contre le colonialisme. Il revient à la résistance palestinienne de décider et de choisir les formes de lutte. C’est dans cet esprit que samedi dernier 29 mai j’ai participé à Florence à une importante et combative manifestation qui s’est tenue autour de Ali Fayyad membre du Parlement libanais et représentant de premier plan de ce grand mouvement de libération nationale qu’est le Hezbollah.

 
Source : Blog de Domenico Losurdo   
  Traduction : Marie-Ange Patrizio 

Lien court:

Copied