L’Espagne actuelle détentrice de la présidence tournante de l’Union européenne veut faire avancer les travaux pour un rehaussement officiel des liens politiques et commerciaux de l’Union avec Israël dans les mois qui viennent.
Quand l’UE et Israël se sont entendus en 2008 pour prendre des dispositions intégrant Israël à l’économie de l’Union les travaux sur ce dossier ont en partie été bloqués à cause de la guerre déclanchée peu après contre Gaza. Mais un document officiel émanant des autorités espagnoles propose aujourd’hui que de nouvelles discussions soient bientôt ouvertes avec Israël et que le processus de revalorisation retrouve son dynamisme.
Le document vu par IPS est daté du 9 mars du jour même où Israël fut sévèrement critiqué au niveau international pour avoir profité de la visite du vice-président des Etats-Unis Joe Biden pour annoncer qu’il allait construire 1 600 nouveaux logements à Ramat Shlomo une colonie juive ultraorthodoxe dans Jérusalem-Est. La veille le ministère de la Défense d’Israël avait publié un projet pour 112 nouveaux appartements dans Beitar Illit une colonie en Cisjordanie.
A l’origine le document visait à obtenir l’accord pour une rencontre formelle entre Avigdor Lieberman ministre des Affaires étrangères israélien et ses homologues de l’Union européenne le 23 mars. Mais cette réunion a été annulée sans préavis.
Des officiels à Bruxelles ont cherché à minimiser l’importance de cette annulation déclarant que la rencontre était reportée à avril ou mai. Une source proche de Catherine Ashton haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères a noté que celle-ci avait rencontré Lieberman lors de son voyage au Moyen-Orient la semaine précédente. « Nous ne voulions pas d’une redite des discussions qui s’étaient tenues alors » dit la source insistant sur le fait que l’annulation « n’était en rien une réaction diplomatique » à l’agrandissement des colonies israéliennes.
Bien que Ashton ait qualifié les colonies à Jérusalem-Est d’ « illégales » le document espagnol parle de ces colonies en disant simplement qu’elles « n’apportent rien d’utile » se faisant ainsi l’écho des propos que Hillary Clinton secrétaire d’Etat US tient parfois sur cette question. Le document espagnol également « prend acte de la manière positive » dont Israël a mené ses investigations sur le comportement de ses troupes pendant leurs attaques contre Gaza fin 2008 et début 2009.
Par contre de nombreuses organisations des droits de l’homme ont protesté contre ces enquêtes qui ne respectent pas les dispositions de la résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations-Unies en novembre de l’année dernière. L’Assemblée exige que les enquêtes sur la guerre qui a fait plus de 1 400 tués palestiniens soient indépendantes et crédibles or Israël n’a jusqu’ici engagé de poursuites que contre un seul soldat pour vol d’une carte de crédit.
Au début de ce mois le Tribunal Russel sur la Palestine « tribunal populaire » mis en place par une alliance de militants politiques est arrivé à la conclusion que l’Union européenne n’avait pas honoré ses obligations résultant du droit international par lesquelles elle doit tenir Israël coupable des atrocités commises par son armée dans Gaza. Pour Frank Barat coordinateur du tribunal les enquêtes conduites par Israël « n’ont été pratiquement qu’une opération de blanchissage ».
Il insiste sur l’accord d’association entre l’UE et Israël entré en vigueur en 2000 qui exige que les deux parties à l’accord respectent les droits de l’homme. Jusqu’à présent l’UE a refusé de suspendre l’accord ou d’annuler les faveurs commerciales accordées à Israël en protestation contre la cruauté infligée aux Palestiniens. « L’impunité dont jouit Israël est stupéfiante » ajoute Barat.
Maysa Zorob la porte-parole du groupe palestinien des droits de l’homme Al Haq a déclaré que la volonté de l’Espagne d’apporter son accord aux enquêtes israéliennes sur la guerre à Gaza « faisait peser un gros danger pour la crédibilité de l’UE et son engagement pour les droits de l’homme ».
« L’Espagne est très intéressée pour que le rehaussement (des relations UE/Israël) revienne en débat » ajoute-t-elle. « Les raisons qui poussent l’Espagne à le vouloir à ce point sont pour moi quelque chose de vraiment incompréhensible. Je n’arrive même pas à imaginer la motivation qui se tient derrière tout cela. »
Certains observateurs estiment qu’une fois le rehaussement réalisé Israël sera de fait Etat-membre de l’Union européenne. Au cours d’une visite d’adieu au Moyen-Orient avant de passer la main en tant que premier haut responsable de l’UE pour les Affaires étrangères l’an dernier Javier Solana déclara qu’Israël entretenait des relations plus étroites avec l’Union que n’importe quel pays extérieur au continent européen. Israël participe déjà à une large variété de programmes de l’UE qui vont de l’archéologie à la navigation par satellite.
Raji Sourani directeur du Centre palestinien pour les droits de l’homme (PCHR) basé à Gaza a appelé l’Union européenne à repenser sa politique sur ses réactions aux violations d’Israël du droit international qu’il appelle « une diplomatie tranquille ».
Dans une lettre adressée à Ashton la semaine dernière Sourani écrit « Il est peut-être opportun de paraphraser un vieux proverbe : « La folie c’est de faire la même chose de la même manière et de s’attendre à un résultat différent ». Le temps d’une autre approche est venu. Cette approche doit s’ancrer solidement dans la primauté du droit international.
« Si l’UE veut préserver sa réputation internationale alors elle ne peut pas continuer à pratiquer un deux poids deux mesures dans son expression à propos de l’Etat d’Israël. Non seulement ce deux poids deux mesures contrevient à ses propres obligations mais son inaction en fait la complice de la politique israélienne de mépris à l’égard des droits de l’homme comme de ses violations du droit international. »
* David Cronin né à Dublin en 1971 est le correspondant à Bruxelles de l’agence de presse Inter Press Service. Il a d’abord occupé cette fonction pour le quotidien irlandais The Sunday Tribune après avoir travaillé comme chargé de recherches et attaché de presse auprès du Parlement européen. Entre 2001 et 2006 il collabore à European Voice hebdomadaire du groupe The Economist.
Le livre de David Cronin Europe’s Alliance with Israel : Aiding the Occupation sera publié dans le courant de l’année par Pluto Press.
Bruxelles le 22 mars 2010 – IPS – traduction : JPP