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Le journaliste photographe Imad Ghanem une vie en contrepartie de la vérité

mercredi 18-juillet-2007

Hadil Attallah – Le journal de Palestine

Traduction : CPI

Cela a été une vraie surprise pour moi de voir mes doigts trembler lorsque j’ai voulu écrire une introduction digne de l’histoire du journaliste photographe Imad Ghanem.

En sortant de la division de chirurgie de l’hôpital Al-Chifaa où se couchait Imad l’image de cette caméra me sautait encore aux yeux assise à côté de lui dans un climat de tristesse. La joie et les pleurs silencieux se contredisent.

Pendant que des détails relatés par lui s’exposaient dans mon esprit des mots appartenant à l’écrivaine algérienne Ahlam Mstaghanmi ont ressurgi. J’ai ouvert le tiroir de mon bureau où je garde les mots qui avaient attiré mon attention pendant mes lectures. Des efforts je n’en ai pas eu besoin pour trouver la feuille d’un jaune printanier où j’avais écrit des notes depuis trois ans depuis le moment où Imad Ghanem le photographe de la chaîne satellitaire d’Al-Aqsa a fait la connaissance du partenaire de son combat de son chemin de la vérité de sa vie et de sa mort la caméra.

Les mots éparpillés d’Ahlam se sont présentés dans ma mémoire lorsque j’ai vu les jambes de « l’amoureux de la caméra » ; des jambes cessant de se précipiter pour la recherche de scènes de corps éparpillés par la dernière invasion israélienne perpétrée contre le camp de réfugiés palestiniens d’Al-Biridj. On aurait dit que l’écrivaine avait écrit ces mots pour Imad justement. On aurait dit qu’elle avait crié des avertissements contre le fait que les amoureux d’un tel appareil pas comme les autres sont visés par les Israéliens !

Souvenir en papier

De la part de « Palestine » un bouquet de fleurs est devenu voisin de la caméra d’Imad 21 ans. Il veut lui dire : « Dieu merci toi et ta compagne sont sains et saufs ». J’avais voulu le faire ; j’avais voulu laisser au cœur de ta caméra les mots d’Ahlam les mots qui avaient pu dire au monde entier beaucoup de choses beaucoup plus que tous les mots du monde entier. J’ai voulu les laisser comme étant un souvenir d’une collègue une journaliste comme toi et un souvenir du journal « Palestine ». Dès qu’Imad m’a vue et qu’il a su que je suis la correspondante de ce journal il a répondu à mon sourire par un autre plus enfantin. Il a m’a dit : »Bien que je sois très fatigué et que j’aie décidé de ne donner aucune interview journalistique le journal « Palestine » est cependant autre chose elle a une place spéciale dans mon cœur ».

Les caméras se tournaient autour de lui pour photographier son sourire sa volonté son moral si haut sa détermination inébranlable de continuer le chemin avec la bien-aimée qu’il ne voudra échanger contre rien d’autre dans le domaine des médias…

Les photographes de la guerre !

« Une foudre de l’image s’abattra sur toi ; tu seras un photographe dans le temps de la mort absurde. Tous les photographes célèbres des guerres te diront que tu ne sortiras jamais indemne de ce métier ; tu tomberas sur des découvertes qui ne pourront pas te laisser neutre pendant que tu règles ta caméra neutre face à ces têtes coupées neutre au milieu des marées de sang… »

A ce stade Imad a commencé à parler de ses débuts : « Le premier pas avec ma caméra était le jour où j’ai rejoint l’université d’Al-Aqsa pour me spécialiser dans le métier de la radio et de la télévision. Tout le temps je proposais à mes professeurs avec insistance de sortir avec nos caméras pour prendre des photos sur le terrain bien que ce soit interdit ».

Avec un sourire supprimant tant de tristesse Imad ajoute : « J’ai fait beaucoup d’aventures quand bien même je ne travaillais avec la chaîne satellitaire d’Al-Aqsa que depuis cinq mois. Lorsqu’une position de la force exécutive était la cible de l’aviation israélienne je n’ai donné aucune attention aux missiles israéliens qui atterrissaient sur le lieu ; je n’ai donné aucune importance à l’idée que mon audace pouvait effrayer ma mère et tous ceux qui m’aimaient ; ce qui comptait pour moi c’était le devoir aussi dangereux soit-il. Parfois je ne m’en rendais même pas compte jusqu’au moment où j’ai vu la mort ; mais Dieu merci elle ne m’a pris que mes deux jambes qui restent mon cadeau le plus cher à ma patrie ».

Moi et elle en pleurs !!

« Ils veulent toujours des photos encore chaudes tu restes toujours sur le qui-vive pour qu’elles ne refroidissent que leur sang ne soit glacé avant de les leur envoyer. En effet les photos de catastrophes humaines ne cessent de chuter en cascade sur les agences de presse. Voici la mort qui s’étend devant toi tu n’as qu’à actionner ta caméra. Tu es impliqué dans le monde des corps morts tu aimes les victimes et tous les genres de la mort aussi hideux soient-ils ».

Après un petit moment obligatoire de repos Imad ajoute : « Jeudi dernier je me suis réveillé un peu tard il était cinq heures du matin. Tard parce que l’invasion [israélienne] du camp d’Al-Biridj où j’habite avait déjà commencé. J’ai accompli ma prière de l’aube pour ensuite sortir accompagné de ma camarade ; « la caméra » et pour rejoindre l’hôpital des Martyrs d’Al-Aqsa dans Dir Al-Balah au Centre. J’ai photographié les martyrs et les blessés. Je suis ensuite retourné sur le lieu du massacre pour mettre en images les cadavres éparpillés ici et là. Ces images ne sont pas encore diffusées ; ce ne sont pas de ces images que tu regardes et après quoi tu éteins la télé comme si de rien n’était. C’était la première fois où je n’ai pu retenir mes larmes où nous tremblions moi et ma caméra qui nous déplacions d’un cadavre silencieux à un autre dont les lèvres répétaient les Chahadéteine les derniers mots prononcés par un musulman ».

Les images de la mort

En regardant sa caméra assise sur une chaise à côté de son lit Imad dit : « Mon devoir humanitaire je devais l’assumer en plus de mon devoir professionnel. J’ai alors commencé à aider au déplacement des cadavres de martyrs. A mon retour à ma mission la machine de guerre [israélienne] a commencé à tirer sur tout ce qui bouge. A ce moment j’ai été blessé et me suis retrouvé étendu par terre ; les secouristes et les journalistes n’ont pu s’approcher tellement le feu était dense ».

Pour parler de ces moments inimaginables il a essuyé les gouttes de sueur perlant sur son front : « La caméra je l’embrassais pendant que les obus pleuvaient en averse. Un moment de douleur toutes les unités lexicales de mon répertoire verbal ne peuvent le décrire. J’ai senti comme un immense roc pressant ma poitrine. J’ai alors prononcé les Chahadéteine en me rendant compte que mon corps n’avait plus ses jambes. Le problème c’est que tout mouvement des plus simples provoquait plus de feu. J’ai vécu les vingt-cinq minutes les plus difficiles de ma vie ».

La caméra sur un fauteuil roulant

« Ce n’est pas un facteur atténuant le fait d’être derrière la caméra ; tu ne peux que t’attendre à ta mort… » dit-il en regardant ce qui reste de ses jambes. « A ce moment je ne pensais qu’à l’idée qu’on allait me porter à ma famille dans mon linceul en entendant tous ceux qui m’entourent me dire : « Prononce les Chahadéteine Imad ! ». Dès que je me suis réveillé de mon coma ma première question concernait ma caméra avant ma mère. Je leur ai demandé d’en retirer le film portant les images affreuses que j’avais prises pendant l’invasion pour sentir que j’avais accompli mon devoir comme il se doit ».

Sa grande dignité ne lui permet point de se qualifier d’incapable mais tout simplement d’un handicapé décidé à continuer la profession d’immortaliser la réalité même sur un fauteuil roulant même si cela lui coûte le reste de son corps : « A la chaîne satellitaire d’Al-Aqsa ils m’avaient proposé de travailler dans le montage ; j’ai refusé cette proposition. Je resterai avec mon premier amour qui est aussi le dernier la caméra. Quiconque a de l’ambition rien ne pourra l’arrêter même s’il perdait tout ce qu’il possède ».

Prends des photos

« L’image est comme l’amour tu la trouves où tu n’aurais jamais imaginé comme une surprise de la chance comme toutes les choses rares. Je croyais à cela toute ma vie ». Une question a surgi : « Quelle image tu aimes prendre ? » ; et il y a répondu : « Il est certain que ce sont les images d’invasions d’assassinats et de tous les crimes de l’occupation [israélienne]. Des photos comme celles que j’avais prises où se trouvent le photographe le photographié le témoin et la victime ».

A ce stade Imad adresse un appel aux journalistes leur demandant de continuer à mettre sous lumière les crimes de l’occupant de ne pas laisser le découragement entamer leur volonté aussi dur que l’agissement des occupants sera à leur propos. Avec préméditation ces derniers besognent pour tuer la réalité en tuant ceux qui la possèdent. Il assure tout le monde qu’il profite d’un moral intact. Il n’aime entendre aucun témoignage de sympathie ou de réconfort en soulignant qu’un groupe d’handicapés lui ont rendu visite pour le soutenir psychologiquement mais à leur grande surprise ce sont eux qui avaient profité de sa volonté aussi puissante selon son propre propos.

Une urgence

Le père d’Imad résistait contre ses larmes en entendant son fils : « Une fois que j’ai su que le photographe de la chaîne satellitaire d’Al-Aqsa Imad Ghanem a été atteint je suis sorti le chercher dans les hôpitaux. A l’hôpital d’Al-Chifaa je l’ai trouvé dans la salle d’opération. Tout ce que je pouvais alors répéter c’était implorer Allah (le Tout Puissant) de ne pas changer le destin mais de l’alléger ».

Interrogé pour savoir s’il avait peur pour Imad qui avait choisi une profession aussi difficile le père répond : « Imad a une place particulière dans mon cœur surtout avec son audace et son amour de sa caméra en sachant que tout cela le conduirait à un jour comme celui-là Dieu merci dans tous les cas ».

Ambitions

« Tu es allé photographier le silence de choses après le ravage de la mort le bruit de la destruction et les larmes de rescapés dans leur dernier silence ». Là le père s’est souvenu d’une scène montrant l’amour de son fils à son travail en disant : « Lorsque des chasseurs israéliens ont récemment bombardé une position de la force exécutive il prenait son déjeuner avec nous. Il a insisté pour aller sur le lieu du bombardement bien que je lui aie dit qu’à son arrivée tout serait terminé. Toutefois il est parti et à son arrivée tout était effectivement fini. Cependant un autre avion a relancé un nouveau missile qu’Imad a photographié sur le champ. Il est retourné content de sa réalisation ».

Une autre scène a impressionné le père d’Imad. Cet évènement est survenu la semaine dernière avant ce qui s’est passé : « Il était couché sur mon lit la main droite posée sur la gauche et les jambes étendues qui sortaient du lit étant bien grandes. Le destin a voulu qu’elles soient coupées ». Il espère que des membres artificiels les remplaceront le plus tôt possible afin que ses ambitions reprennent leurs essors sans être condamné à mourir.

Tous avec toi

Jour et nuit son ami Ahmed Al-Saïgh l’accompagne à l’hôpital. Il exprime sa douleur : « Imad était un ami d’école maintenant il est mon collègue à la chaîne satellitaire. Nous sommes plus que des frères. Je n’oublie jamais son courage son intelligence et sa détermination ». Il attire l’attention sur le fait que les activités d’Imad consistent la plupart du temps à couvrir des séminaires et des conférences de presse.

Enfin il restera fidèle à son ami dans son épreuve. A l’instar de leurs collègues et de leurs chefs il ne le quitte pas. Il ajoute : « Je suis sûr qu’Imad continuera son chemin avec sa caméra faisant partie de ces personnalités possédant une croyance forte et une détermination sans limites ».

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