Yaser Uqbi
Le village de Lifta dont la population a été expulsée en 48 risque d’être exproprié pour la construction d’une colonie
C’est une page de plus de l’histoire d’al-Quds qui est effacé
Hajj Muhammad Sulayman Abu Layl (81 ans) qui habitait le village de Lifta dans la banlieue d’al-Quds avant l’expulsion est debout devant le comité de planification dépendant du ministère israélien de l’intérieur. Il dit la voix émue : « Je suis né dans le village de Lifta en 1924 j’ai enterré mon père dans le cimetière du village 6 mois avant l’expulsion en 1948. Le cimetière est toujours là ainsi que les maisons de nos parents l’école est toujours là et la planification envisagée sur les terres de Lifta représente les plus hauts degrés de la tyrannie contraire à la démocratie ».
Hajj Abu Layl habite à présent dans une maison construite sur ce qui reste de Lifta à côté de ce qu’on nomme « al-talla al-faransia » (la colline française). Il a travaillé de longues années comme directeur de l’orphelinat islamique à al-Quds. Il ajoute : « Cela ne suffit pas ce qui a été construit comme quartiers juifs comme Ramot et d’autres sur les terres du village ? Je vous le dis ici tout ce que je souhaite dans ma vie est que je sois enterré près de la tombe de mon père dans le cimetière de Lifta et je suis prêt à payer tout ce que j’ai pour réaliser ce but ».
Ces paroles chargées d’émotion ont été prononcées au cours de la séance tenue jeudi dernier le 10 février au siège du comité régional de l’organisation et la construction un des bureaux du ministère israélien de l’intérieur à al-Quds pour entendre les protestations contre le plan de création d’un nouveau quartier juif sur les terres et les vestiges du village dont la population a été expulsée en 1948 plan nommé « Hi-mi Naftoah » que l’administration des terres d’Israël et la municipalité de Jérusalem veulent construire.
La fondation al-Aqsa pour la reconstruction des lieux saints musulmans a insisté pour inscrire la mosquée du village de Lifta en tant que lieu saint à préserver en vue de la réhabiliter ainsi que le cimetière du village alors que plusieurs habitants du village qui ont assisté à la séance ont demandé de ne pas détruire le village ni de changer ses traits affirmant qu’ils sont les premiers concernés pour y retourner et reconstruire leurs maisons dont ils ont été expulsés lors de la nakba en 1948.
En présence des représentants du comité régional de l’organisation et de la construction pour la région d’al-Quds et de représentants des architectes et planificateurs du projet Hi-Mi Neftoah et plusieurs villageois de Lifta qui représentent les habitants du village ainsi que des délégués de l’Institution al-Aqsa et plusieurs membres d’associations israéliennes hostiles au plan comme Zokhrot et Bamkom (centre alternatif de planification israélienne) et des membres Juifs prétendant qu’ils ont droit à certaines des maisons du village le comité régional a entendu toutes les oppositions au plan. Et le conseiller juridique de l’Institution al-Aqsa Muhammad Sulayman Aghbarieh a affirmé lors de son explication des raisons de l’opposition de l’Institution que le plan ignore la présence du cimetière et de la mosquée dans le village de Lifta.
En réalité la mosquée et le cimetière existent sur les terres de Lifta jusqu’à présent et c’est pourquoi il est nécessaire de les maintenir dans le plan proposé la mosquée en tant que lieu saint exigeant protection et soin et le cimetière où se trouvent de nombreuses tombes et dont les traits sont apparents jusqu’à présent. C’est ainsi que l’exige l’application de la loi ainsi que les lois internationales et divines.
L’exigence de protéger la mosquée n’a pas été du goût d’un des architectes responsableds du projet qui a refusé que la mosquée soit considérée comme un lieu saint voulant qu’elle soit un lieu public prétendant qu’il n’y a aucun signe indiquant qu’il s’agisse d’une mosquée. L’avocat de l’Institution a répondu catégoriquement que les signes indiquant qu’il s’agit d’une mosquée sont la présence du mihrab au sud et le seul bâtiment dans lequel il y a un mihrab au sud dans notre pays est la mosquée. De plus les habitants du village sont encore vivants et peuvent témoigner de la présence d’une mosquée tout comme les cartes mises au temps du mandat britannnique en 1936 ont clairement indiqué l’emplacement de la mosquée et du cimetière.
Concernant le cimetière a ajouté l’avocat l’emplacement des tombes est toujours apparent et pour protéger l’inviolabilité des morts il faut délimiter son emplacement et le déclarer lieu saint pour ne pas le détruire et modifier ses traits.
L’institution al-Aqsa a refusé de façon catégorique de considérer la mosquée et le cimetière comme des lieux publivs affirmant : « si la mosquée est déclarée lieu public elle peut être transformée en musée ou salle d’expositions en restaurant ou café c’est ce qui est arrivé à plusieurs mosquées dans plusieurs villages de la Palestine de 48 d’où la population a été expulsée ce qui est en opposition et en contradiction avec la sacralité et l’inviolabilité de ces lieux saints ».
De son côté l’avocat Husni A bu Hussayn représentant l’association des habitants expulsés de Lifta » qui a présenté une opposition au plan a considéré que le plan proposé est un pas injuste car il n’est pas possible d’installer des gens autres que les habitants autochtones du village alors que plusieurs habitants de Lifta vivent dans la-Quds et dans des quartiers à proximité de leur village ».
Abu Hussayn a insisté qu’il y a de vastes superficies de terres à l’intérieur de la municipalité de Jérusalem où il serait possible de faire des projets d’habitation et commerciaux sans toucher aux maisons de Lifta surtout que ces maisons n’ont pas été touchées pendant ^près de 50 ans. Abu Hussayn réclame aussi la protection de la mosquée et du cimetière indiquant que dans les cas des cimetières juifs et des synagogues ils ne sont jamais touchés ni détruits donc il faut considérer la mosquée et le cimetière sur le même plan.
Pour Abu Hussayn il faut tout simplement annuler le projet.
Concernant le projet en cours
il s’agit d’un ancien plan que la municipalité de Jérusalem a dû remettre à plus tard à cause des complications techiques. Mais en 1996 l’équipe israélienne a de nouveau commencé les travaux d’étude pour le présenter vers le milieu de 2004. En Juillet le plan a été publié dans les journaux officiels appelant ceux qui s’y opposent à présenter leurs oppositions à un comité local spécial issu du comité de l’organisation.
Ce plan vise à prendre 455 dunums des terres du village de Lifta et notamment dans la partie où se trouvent encore des maisons arabes une mosquée un cimetière un pressoir d’olive une source d’eau et des arbres fruitiers (amandes figues et figues de barbarie).
Il vise à construire un quartier résidentiel avec des appartements de luxe et un centre commercial une synagogue un musée un hôtel avec 120 chambres des jardins publics une aire protégée; des rues et des parkings. Le plan prétend vouloir arranger partiellement certaines maisons anciennes.
Le plan a prévu de construire sur le terrain 216 un centre commercial et des appartements là où se trouve la mosquée. Quant au terrain 51 il comprend l’aire naturelle protégée ou « jardin public » là où se trouve le cimetière.
En septembre 2004 l’Institution al-Aqsa a présenté un document accompagné de cartes datant de l’époque du mandat britannique ainsi que des documents de propriété datant de l’époque ottomane.
Le plan HI-Mi Neftoah est clairement un plan visant à effacer la mémoire palestinienne et l’identité arabo-musulmane du village sa mosquée son cimetière ses maisons ses arbres. L’appellation Hi-Mi Neftoah vise à effacer l’histoire du village pour le nommer du nom de la source d’eau citée dans un des livres de la Bible qui dit que la source a été utilisée pour la purification. C’est ainsi que se met en place la judaïsation du village.
Des remarques racistes
Le jeudi 10 février était la date de la deuxième séance pour entendre les oppositions au plan. Au cours des séances les éléments extrémistes juifs étaient présents intervenant pour couper la parole aux personnes réclamant l’annulation du plan. Parmi les remarques faites par ces éléments l’un d’eux s’écria : « Vous demandez le droit au retour des réfugiés ? »
Lifta l’état de désolation d’un village dont la population a été expulsée
(Combien de personnes se sont-elles arrêtées sur le bord de l’autoroute menant à al-Quds pour regarder vers le bas ce village palestinien dont les maisons et les arbres témoignent de leur présence il y a plus de 50 ans ?)
La source d’eau est là. Le bassin de 60 m2 servait à abreuver les bêtes. Vous entrez dans la première maison ou ce qui en reste puis la seconde la troisième à travers les ruelles du village. Des maisons spacieuses à plusieurs étages aux fenêtres aux formes géométriques. Il semble que l’état économique des habitants était plutôt élevé ils se basaient pour vivre sur l’élevage des moutons et des vaches et sur le commerce comme le raconte Hajj Muhammad Sulayman Abu Layl. Mais sur chaque maison du village une inscription en hébreu » propriété privée interdit d’entrer ». Dans les coins de ces spacieuses maisons des traces de toxicomanes et autres personnes venues pour exercer toutes sortes d’actes au milieu des lits et des chaises à moitié cassés brûlées et des morceaux de tissus.
Tout autour des figuiers des figues de barbarie debout résistant mais souffrant gémissant…
D’un coup des jeunes juifs sortent d’une maison une juive portant une caméra. Ils viennent filmer un film porno avec les maisons de Lifta pour cadre. Plusieurs films du même genre et des clips de chansons l’ont déjà fait.
Dans la mosquée le mihrab est visible. Mais l’état de la mosquée fait frissonner : de l’urine des bouteilles de vin des inscriptions d’amour en hébreu et d’autres inscriptions ont recouvert les murs et le sol de la mosquée.
Nous entrons dans le pressoir là où l’huile d’olive bénie d’al-Quds était pressée. De là on aperçoit les maisons que les Juifs ont pris de force plantant le drapeau israélien sur leurs toits.
Le village de Lifta était considéré en 1945 selon les statistiques britanniques comme le deuxième village par sa superficie (8743 dunums) se situant entre le village et la ville.
Les limites du village de Lifta sont au nord les villages de Shaf’at Beit Hanina et Beit Iksa à l’ouest Beit Iksa Qalounia au sud al-Quds et Deir Yassine et à l’est les villages de Tor Issawiya Shaf’at.
Les Awqaf (fondations religieuses) de Lifta sont nombreuses à cause de son emplacement géographique
Pendant toute la période précédent le mandat britannique les terres de Lifta ont été considérées comme des fondations religieuses les divers sultans ou hommes pieux se faisant compétition pour cela. Pendant une période de l’époque ottomane toutes les terres de Lifta étaient considérées comme des fondations religieuses pour le Dôme du Rocher à al-Quds et la mosquée d’Ibrahim à al-Khalil.
La mosquée
La mosquée de Lifta se trouve au milieu du village il s’agit de deux pièces faisant chacune 60 mètres. La mosquée a un mihrab et à proximité le masla du cheikh Sayf Dine et la mosquée est appelée mosquée Sayf Eddine il s’agit d’un des émirs de Salaheddine (Saladin). L’histoire raconte qu’après la bataille de Ayn Jalout contre les Tatars il est venu s’installer à Lifta en 656 de l’hégire.
Le khan Dhaher Baybars
Il se trouve dans la partie est des terres du cheikh Badr et c’est Dhaher Baybars lui-même qui a ordonné sa construction à cause de l’emplacement stratégique du site en tant qu’axe de communication afin que les voyageurs d’y reposent. Il a été construit en 622 de l’hégire.
Maqam Cheikh Badr
Les habitants de Lifta pensent qu’il s’agit d’un maqam construit par un des compagnons du calife Umar mais des historiens disent qu’il s’agit d’un lieu de prière construit par Cheikh Shihabeddine AbilKhayr Bardar qui est mort en 780 de l’hégire. En 1935 le comité d’al-Awqaf a décidé de reconstruire le maqam qui avait subi beaucoup de dégâts à cause de pluies torrentielles.
La vie culturelle
En plus de nombreuses écoles coraniques qui se trouvaient dans le village il y avait également une école fondée en 1929 par les habitants eux-mêmes. Il s’agit d’un bâtiment de trois salles. En 1934 l’école s’agrandit pour devenir primaire avec tous les cycles. En 1940 il y avait 300 élèves dans l’école primaire de Lifta et des villages avoisinants. Pour ceux qui poursuivaient leurs études au-delà ils allaient dans les écoles d’al-Quds comme l’école Rachidiya ou dans les pays arabes.
En 1922 la population de Lifta s’élevait à 1451 habitants et en 1945 à 2550.
Les organisations armées sionistes ont détruit le village expulsé sa population qui étaient en 48 au nombre de 2958 personnes. C’était le premier janvier de l’an 48. Avant les destructions il y avait 450 maisons il n’en reste que quelques dizaines. Aujourd’hui il y a encore 55 maisons et les réfugiés de ce village sont au nombre de 42.000 personnes. Ils vivent en Cisjordanie dans les villes ou les villages et dans les pays arabes. Certains se sont réfugiés dans la ville d’al-Quds dans les quartiers de Cheikh Jarrah et quelques familles sont restées à côté habitant sur la « tallat al-faransiyya » dont les terres appartiennent au village de Lifta.
Aujourd’hui le village de Lifta est en danger de judaïsation. Soutenez la lutte de la population qui souhaite y retourner. Le droit de retour s’applique aussi et maintenant à tous les Palestiniens qui ont été expulsés de leurs villages et villes et qui vivent à l’intérieur du pays.