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Pourquoi je vais passer le Jour de l’An à Gaza

mercredi 23-décembre-2009

Par Pierre Thivend

À ma famille mes proches mes amis mes connaissances
À celles et ceux que je rencontre dans les engagements de solidarité Nord-Sud auprès des étrangers et des demandeurs d’asile dans les missions d’observation des comparutions immédiates…
Aux élu(e)s aux médias…

Pourquoi je vais passer le jour de l’an 2010 à Gaza
Avec une quarantaine d’autres lyonnaises et lyonnais
Avec près de 500 françaises et français
Avec plusieurs milliers d’hommes et de femmes du monde entier : Etats-Unis Canada Europe Asie Afrique…
Je vais participer à la « Marche pour la liberté de Gaza » (« Gaza Freedom March ») les 31 décembre 2009 et 1er janvier 2010.

Il y aura deux marches :
 L’une partira de Jérusalem avec les israéliens anticolonialistes les palestiniens israéliens et des internationaux pour tenter d’entrer au nord de Gaza par le « check point » d’Erez (voir carte en annexe)
 L’autre partira d’Egypte pour traverser la bande de Gaza jusqu’à ce point de passage d’Erez et tenter la jonction avec l’autre marche.

Je participerai à la marche côté égyptien.
Il y a juste un an Israël perpétrait des crimes de guerre et sans doute des crimes contre l’humanité d’une violence et d’une barbarie incroyables et inimaginables sur une population d’un million et demi de civils soumis depuis deux ans à un blocus impitoyable et qui dure toujours.
 Des associations reconnues pour leur indépendance et leur sérieux : Amnesty International Human Rights Watch le PCHR (Centre Palestinien des Droits Humains)…
 Mais également le rapport de la commission spéciale de l’ONU présidée par le juge sud-africain (qui se dit sioniste) Richard Goldstone ont qualifié sans aucune ambiguïté ce qui s’est passé et exigent après enquêtes indépendantes et approfondies des sanctions contre les responsables des massacres.

 Nos gouvernants occidentaux se sont abstenus de voter une résolution contraignante pour Israël ou se sont même prononcés contre.
 Timidement ils demandent bien la levée de ce blocus qui continue aujourd’hui empêchant la reconstruction des maisons des écoles des hôpitaux des bâtiments administratifs détruits l’an passé mais ne font aucune pression sur Israël ; pire ils rehaussent les relations économiques culturelles scientifiques et même les relations militaires avec Israël considérant cet état comme « un partenaire naturel » (Javier Solana haut représentant de l’Union Européenne pour sa politique étrangère et de sécurité commune).

 Je vais à Gaza petite voix parmi les milliers de celles représentant la société civile mondiale pour exiger la levée de ce blocus.
 Je vais à Gaza pour tenter d’attirer l’attention des médias au moment des fêtes de fin d’année afin qu’ils montrent ce blocus et ses effets sur la population de Gaza : sa sous-alimentation sa privation de soins d’éducation… pensez qu’Israël interdit l’entrée à Gaza des crayons des cahiers des biberons des tétines des jouets des couvertures des matelas des semences et produits vétérinaires…
 Je vais à Gaza aussi pour rencontrer ce peuple meurtri et lui dire que la population française dans sa très grande majorité n’accepte pas les conditions qui lui sont faites.
 Je vais à Gaza également pour témoigner à mon retour de ce que j’aurai vu ce que j’aurai ressenti ce qu’on m’aura expliqué et partager avec vous les analyses qui s’imposent les actions à mener…
 Je vais à Gaza pour que s’amplifie ici à Lyon comme ailleurs le soutien à ce peuple jusqu’à ce qu’il obtienne enfin le droit de disposer de lui-même sans blocus sans occupation sans contrôle par Israël de son espace terrestre maritime et aérien sans mainmise de ce même État sur son administration son état-civil… bref jusqu’à son INDÉPENDANCE.

En avançant toutes ces raisons je vous parais sans doute bien prétentieux et même quelque peu imprudent. Celles et ceux qui me connaissent bien savent que la Palestine tient une place particulière dans ma vie mes pensées mes réflexions et mes engagements depuis les années 60. Dans ma jeunesse j’ai célébré l’État d’Israël avec ses kibboutz : une humanité nouvelle égalitaire et solidaire j’ai dansé les danses folkloriques israéliennes (j’ai su plus tard bien plus tard que c’étaient des danses palestiniennes revisitées pour le projet sioniste) et puis la guerre d’Algérie que je n’ai pas faite a formé ma jeune conscience politique contre tout colonialisme. Israël est un état colonial ; il ne pourra durer dans le temps long de l’histoire que s’il s’intègre dans son environnement. Le véritable service que nous pouvons apporter aux israéliens pour qu’ils ne soient pas rejetés de cette partie du monde c’est de leur ouvrir les yeux à cette réalité.

Je ne suis pas sorti de France à l’exception des pays limitrophes depuis plus de 30 ans. J’aurais voulu consacrer mon 1er voyage lointain à la Corée en raison de l’histoire de mes enfants. La guerre de Gaza et cette marche bousculent mon programme. Je le ressens comme une nécessité intérieure : c’est maintenant et pas demain que je dois accomplir ce geste. On ne nous laissera peut-être pas entrer à Gaza tant l’emprise d’Israël sur l’Egypte est grande. Peu importe si on parle partout dans le monde de cet insupportable blocus.

Mon père ma compagne certains autres de mes proches sont inquiets pour moi ; ils craignent qu’il m’arrive quelque chose. Il est vrai que les palestiniens nous sont présentés le plus souvent avec un couteau entre les dents ou plutôt une kalachnikov dans les mains surtout le Hamas diabolisé comme « organisation terroriste » par les responsables israéliens et occidentaux alors que jamais il n’a mené d’actions violentes en dehors d’Israël/Palestine (en droit international c’est de la « résistance légitime à l’occupant »). Nombre de mes amis ont participé et participent à des missions de protection du peuple palestiniens (plus de 150 missions françaises ont eu lieu depuis 2000 en Palestine occupée) ; ils s’interposent fréquemment entre les villageois palestiniens sans armes et l’armée israélienne d’occupation ou les colons israéliens armés et fanatisés. Ils ont couru et courent des risques bien plus grands que ceux que nous aurons à affronter à Gaza. Nous allons sans doute nous trouver dans un confort rudimentaire au milieu des ruines qu’Israël empêche de relever ; nous aurons à subir le manque d’eau potable la pollution chimique et nucléaire résultant des frappes militaires de l’hiver dernier ; mais notre exposition à ces risques n’aura rien à voir avec celle des gazaouis littéralement enfermés dans ce réduit.

J’arrive au Caire le 27 décembre au soir. Dans la nuit avec mes amis de l’AFPS (Association France Palestine Solidarité) en bus nous rejoindrons dans le Sinaï El Arish à plus de 500 kms du Caire. Le 28 décembre nous nous présenterons à la frontière au point de passage de Rafah à une quarantaine de km de cette ville. Si l’armée égyptienne nous refuse le passage nous reviendrons coucher à El Arish et chaque matin nous retournerons à Rafah jusqu’à ce qu’on nous laisse traverser la frontière. À Gaza nous serons accueillis et pris en charge par le PCHR (Palestinian Center For Human Rigth) l’équivalent de la Ligue des Droits de l’Homme chez nous ; il nous mènera dans les zones les plus dévastées par l’invasion israélienne. Le 31 décembre nous marcherons pour rejoindre le Nord de Gaza jusqu’au point de passage avec Israël à Erez à 40 km de Rafah. Symboliquement pendant le séjour à Gaza nous participerons aussi à diverses activités comme la plantation d’arbres dans des zones agricoles détruites par Israël et nous reviendrons en Egypte le 2 janvier.

J’espère que vous pourrez suivre à distance cette « Marche pour la liberté de Gaza » J’enverrai des nouvelles par courriel en demandant à celles et ceux qui les recevront de bien vouloir les diffuser dans leurs réseaux. Vous pourrez aussi consulter tous les jours le site : urgence-gaza.com ; chaque jour en effet nous mettrons sur ce site des vidéos des photos des reportages des infos sur notre action.

À bientôt le plaisir de partager des moments forts car à notre retour nous prévoyons déjà des soirées témoignages. En attendant je vous présente dès aujourd’hui mes vœux pour 2010 dans l’espérance d’un monde plus respectueux de l’Homme.

Pierre Thivend
Villeurbanne le 17 décembre 2009

ANNEXE
Gaza est une bande de terre étroite de 365 km² (40 km de long 8 à 10 km de large) peuplée de 15 million d’habitants soit une densité moyenne supérieure à 4 000 habitants/km² l’une des plus élevée au monde.

 

Note 1 : au Nord : Erez point de passage très restreint pour diplomates internationaux et un nombre très limité de malades palestiniens (passage garanti pourtant dans les accords d’Oslo vers la Cisjordanie mais jamais appliqués).
Note 2 : à l’Ouest : port de Gaza toujours en projet toujours interdit par Israël malgré les accords.
Tout au long de la côte Israël limite l’accès en mer à 400m des côtes pour les pêcheurs.
Note 3 : à l’Est : point de passage de Karmi principal terminal pour les marchandises aujourd’hui fermé (sauf quelques tonnes de fourrage et de céréales).
Tout au long de la frontière avec Israël zone tampon de 500m. à 1km interdisant toute culture et présence humaine.
Note 4 : au centre de la bande de Gaza : centrale électrique en partie détruite en décembre 2008 ; son fonctionnement est limité en raison surtout du blocus israélien sur le fioul.
Note 5 : au Sud : Rafah le seul point de passage avec le monde extérieur pour les Palestiniens de Gaza selon le bon vouloir d’Israël et de l’Egypte.
Tout le long de la frontière avec l’Egypte plus de 1 000 tunnels dispositifs très précaires au grand jour coté palestinien servent surtout aux approvisionnements de survie.
Note 6 : tout au Sud : l’aéroport construit après les accords d’Oslo financé par l’Europe détruit par l’armée israélienne en 2001 et jamais reconstruit.
Note 7 : à coté de l’aéroport : point de passage de Karem Shalom : terminal de faible capacité le seul aujourd’hui pour l’aide humanitaire.

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