Sat 6-July-2024

Un symbole de la lutte populaire

mardi 17-juin-2008

Colonisation Juive. Israël a donné le coup d’envoi à de nouvelles colonies à Jérusalem en violation des accords internationaux. La judaïsation des territoires se poursuit. Bil’in village de Ramallah résiste à cette politique et symbolise toute la lutte en faveur de la terre palestinienne.

Un symbole de la lutte populaire

C’était un jour de 2005 … Bil’in un village palestinien comme beaucoup d’autres. Un village situé à l’ouest de Ramallah et habité juste par un peu plus de 3  000 personnes. Jusqu’à ce jour il n’était qu’inconnu. Depuis il représente un problème pour la colossale entreprise coloniale israélienne voire un emblématique centre de résistance pacifique contre le mur de l’apartheid.

Bien que la colonisation juive ait englouti la majorité de la Palestine historique et se soit étendue pour comprendre les territoires occupés en juin 1967 et notamment Jérusalem-Est ses banlieues Hébron et Bethléem Bil’in est autre.

Depuis l’arrivée des premières pelleteuses sionistes dans ce village venues sur décision israélienne pour s’emparer de 75 % de sa superficie pour la joindre à une colonie voisine et construire une partie du mur de séparation la résistance s’est déclenchée et sans le moindre coup de feu. Ce territoire qui ne dépasse pas les 1 000 feddans (un feddan : 042 ha) a organisé sa première campagne contre les tentatives sionistes et depuis cet instant il a joui d’une célébrité mondiale. Tous les vendredis se déroule une campagne de résistance pour attirer l’attention du monde sur son drame. La participation à la marche du vendredi est devenue une partie intégrante de la visite de tout responsable international neutre. Ainsi pendant plus de trois ans et demi ce village pôle des activistes des droits de l’homme de Palestine voire du monde entier dérange les forces d’occupation israéliennes.

A Tel-Aviv l’annonce se faisait : « Nous allons construire 121 logements à Har Homa et 763 autres à Pisgat Zeev des quartiers de colonisation érigés à Jérusalem-Est » a indiqué le porte-parole du ministère de l’Habitat Eran Sidis. De plus le ministre de l’Habitat Zeev Boïm a annoncé au gouvernement la publication la semaine d’après d’appels d’offres en ce sens. Il a précisé que cette annonce a été faite à l’occasion de la célébration du « 41e anniversaire de la réunification de la ville » … C’est-à-dire la conquête et l’annexion de sa partie orientale par Israël en juin 1967. Le 30 juillet 1980 une « loi fondamentale » votée par le Parlement israélien a proclamé Jérusalem « réunifiée et capitale éternelle d’Israël ».

A Bil’in le symbole la participation du vice-président du Parlement européen Luisa Morgantini et d’un juge italien de renommée Guilio Toscano et le Nobel de paix Mairread Corrigan en plus des dizaines d’activistes palestiniens n’a pas empêché les Israéliens de tirer des gaz lacrymogènes contre cette marche opposée à la colonisation. Des blessés tombent mais sans annuler pourtant pas un match de football entre activistes palestiniens et autres européens.

Ce vendredi se tenait la troisième conférence internationale de la résistance populaire … Occasion d’afficher la détermination des Palestiniens de rester attachés à leurs terres en dépit de toutes les mesures israéliennes de colonisation de judaïsation et de changement de la géographie.

Jebril Rajoub ancien chef de la sécurité préventive tire le premier ballon à côté de lui la parlementaire européenne … le jour même a été lancé l’Euro 2008. Le message est clair : il y a ici un peuple qui est privé de jouer sur son propre terrain qui lui est sans cesse confisqué. Quelques minutes après le sifflet de l’arbitre annonçant le début du match le terrain est inondé de bombes lacrymogènes et le match est finalement suspendu.

Le lendemain la parade a défilé jusqu’au mur. C’était l’occasion pour Salam Fayad chef du gouvernement palestinien de lancer aux Israéliens : « La politique de colonisation et du fait accompli ne réalisera pas la sécurité d’Israël ». D’autre part le chef du cabinet de la présidence palestinienne Rafic Al-Hosseini a mis l’accent sur l’importance de l’action populaire et de la mise au point de nouvelles méthodes pour faire face à la politique de colonisation. « La libération de Jérusalem la destruction du mur le démantèlement de la colonisation la libération des Palestiniens retenus dans les prisons israéliennes la réalisation des droits du peuple palestinien garantis par la légitimité internationale passe par Bel’in ». Dans un message adressé par l’ancien président Jimmy Carter qui a provoqué l’ire d’Israël et de l’establishment américain pour ses récentes rencontres avec le Hamas il a souligné : « Vous êtes l’expression du fait que le rêve palestinien ne pourra être détruit … la poursuite de la politique de saisie des terres palestiniennes est l’un des plus dangereux obstacles face à la paix ». Un autre message de soutien celui de l’ancien directeur général de l’Unesco Frederico Mayor sans oublier des interventions d’activistes israéliens et d’autres pays du monde. Pour eux la résistance populaire doit être adoptée comme dans le cas de la première Intifada.

Malgré un jugement de la Cour suprême israélienne en septembre 2007 demandant au ministère israélien de la Défense de modifier le tracé du mur parce qu’il passe au milieu des terres de Bil’in rien dans ce contexte n’a avancé. En fait le mur sépare les colonies de Metityahu Mizrah Modi’in Elite et Hashmonaim des villages palestiniens de Bil’in Deir Qedis et N’ilin occupant ainsi environ 260 donèmes (un donème=1 000 mètres carrés) des territoires palestiniens outre un terrain de 1 600 donèmes entre le mur et ladite zone verte. Le tracé du mur dévoile sans équivoque que l’objectif est d’assurer la sécurité d’une colonie qui n’est pas encore construite il permet en autre d’élargir les colonies en place.

Ce jugement avalisait cependant de facto le vol de la moitié des terres de Bil’in puisqu’il a rejeté la demande du conseil du village et du mouvement « la paix maintenant » demandant de suspendre le projet du « quartier colonial » qui prend place sur les terres palestiniennes. Ce qui signifie concrètement que les colons qui ont fait maison dans le village palestinien ne seront pas sommés d’abandonner les terres à leurs propriétaires. Du coup la première phase de la colonie Metityahu Mizrah restera inchangée seule la seconde phase sera suspendue. L’armée n’a pas jugé bon de modifier jusqu’aujourd’hui le tracé du mur ni le départ des colons. La prétendue démocratie israélienne se soumet au bon vouloir de l’armée d’occupation.

 Un exemple de courage

Une situation qui n’a fait que motiver plus les résistants ; tel ce récit qui nous provient de l’héroïque village. Achraf Abou-Rahme prend une initiative personnelle. Il vit dans un « avant-poste » du village une petite cabane sur la terre des villageois derrière le mur près de la colonie. Il se tient prêt là pour tenter d’empêcher toute construction sur la terre confisquée pour prouver que cette terre n’est pas « disponible » ni « abandonnée ». La colonie de Modi’in Elite est actuellement en expansion en violation de tous les accords et de toutes les promesses du gouvernement israélien à Annapolis pour arrêter ces champignons illégaux. Les colons apportent des mobil-homes chargés sur des camions et utilisent une énorme grue pour les mettre en place. Achraf voit là une occasion unique et il n’hésite pas une seconde il se précipite et escalade la grue placée en plein milieu du chantier des colons : « Quand j’arrive à trois heures avec Neta Golan co-fondateur d’ISM (International Solidarity Movement) 4 militants israéliens d’anarchistes contre le mur sont sur les lieux depuis une demi-heure ». Achraf a déjà passé trois heures sur la grue perché au plus haut qu’il a pu grimper. Son drapeau palestinien flotte au vent on le voit de loin message on ne peut plus clair : « Arrêtez d’étendre les colonies sur notre terre palestinienne ».

Des colons furieux arrivent de la colonie voisine Matiyahu East ils n’arrêtent pas de pousser des cris de hurler d’écumer cherchant à se saisir des appareils photo et nous attaquant à jets de pierres. Après un moment la police israélienne écarte les colons bagarreurs sur le côté et nous laisse entrer sur le chantier où policiers soldats ouvriers et colons sont en pleine discussion. Achraf est plus que content de voir Neta et d’autres amis au milieu de cette foule hostile. Donc nous sommes là vilipendés par les colons mais exprimant physiquement notre solidarité soit directement en étant proches de la grue soit à quelques mètres derrière une fois que les soldats nous aient obligés à nous écarter. Seul un rabbin réussit à convaincre les colons juifs de quitter le chantier … Quelques mots lui ont suffi.

Mohamad Khatib militant bien connu et habitant Bil’in rejoint Neta et ensemble ils exigent un traitement juste pour Achraf le négocient avec la police. Quand la police assure qu’un professionnel de l’équipe de négociations va venir et qu’Achraf sera protégé de la violence des colons celui-ci accepte finalement de descendre de la grue plus de 4 heures après l’avoir escaladée. Durant tout ce temps il n’a eu que son drapeau ; pas de nourriture pas d’eau.

Quand la grue est baissée les colons s’approchent tapent des mains et se mettent à railler. Je ressens une profonde colère et une grande déception. Evidemment il n’y a pas de place pour la compréhension. Mais comme le dit Neta pour son action symbolique Achraf « mérite d’être considéré comme un héros ».

Qu’il s’agisse des colonies en tant que telles ou du mur de la honte de l’apartheid les violations israéliennes s’inscrivent dans le cadre d’une même logique voire d’une véritable croyance. Cette idée de retour vers une terre « biblique » rend aléatoire tout dessein politique c’est-à-dire la négociation pour parvenir à une solution conforme aux différents accords. Résister c’est ce qui reste aux Palestiniens.                Achraf Aboul-Hol

Une violation permanente

Les colonies ont toujours été l’obstacle principal quant à mettre en application tout accord de paix. Oslo Camp David Wye Plantation Feuille de route à chaque fois Israël signe une série d’engagements incluant de geler les colonies mais ce sont des engagements que jamais au grand jamais il n’a pas remplis. Et sa politique de colonisation poursuivie toujours envers et contre tous les accords signés.

Accord d’Oslo 1993

C’est Israël lui-même qui a dit approuver l’accord d’Oslo avec son 7e paragraphe où il est écrit : « Nous nous sommes engagés à ce qu’aucune des parties ne prenne de mesures unilatérales modifiant la situation sur le terrain avant l’achèvement des négociations sur un statut définitif ». Paradoxalement au lendemain de la signature des accords d’Oslo en 1993 la colonisation s’est fortement accélérée. Un effort particulier a été déployé pour encercler Jérusalem-Est et l’isoler des territoires palestiniens. Entre l’accord d’Oslo de 1993 et l’automne 2000 le nombre de colons a quasiment doublé. 80 000 colons se sont installés en Cisjordanie depuis les accords d’Oslo.

Accords de Wye Plantation 1998

Sur la question des colonies Wye Plantation était assez obscur. Cet accord prévoyait un redéploiement de 13 % de la Cisjordanie mais ne fournissait aucune garantie sur l’arrêt de la colonisation. Un mois après l’approbation les accords de Wye Plantation Benyamin Netanyahu a d’ailleurs annoncé le lancement des travaux de construction de logements à Har Homa à Jérusalem-Est.

Et c’est en novembre 1998 que plusieurs dizaines d’hectares de terrains seront confisqués près d’Hébron en Cisjordanie pour édifier une route et douze autres routes de « contournement » tracées en Cisjordanie. De plus 1 025 logements ont été construits. « Ne peut-on faire la paix avec les Palestiniens et conserver Beil El (une colonie au nord de Ramallah) ? Et Ofra qui est une implantation située auprès d’un des points les plus stratégiques (…). Eux ils ont déjà Jénine Naplouse Ramallah Hébron et Bethléem » dit Ehud Barak le successeur de Netanyahu qui a demandé que soient introduits des changements dans le texte de Wye Plantation quant au calendrier et à l’ampleur des retraits de Cisjordanie.

 Sommet de Camp David 2000

Les négociations du Camp David ont été avortées devant l’insistance israélienne à conserver les colonies et 9 % de la Cisjordanie. Après l’échec de ce sommet et suite à l’éclatement de la seconde Intifada le rapport établi par la commission internationale dirigée par le sénateur américain George Mitchell souligna le fait que les colonies juives ne pouvaient aller de pair avec l’établissement de la paix. La commission en recommanda le gel présenté comme condition d’un cessez-le-feu et d’une reprise des négociations. Au contraire Ariel Sharon approuva un budget supplémentaire de 400 millions de dollars pour les colonies.

 Feuille de route 2003

La Feuille de route élaborée par le Quartette appelle à ce que « le gouvernement d’Israël gèle toute activité de colonisation conformément au rapport Mitchell y compris la croissance naturelle des colonies et démanteler les avant-postes non autorisés ». Et que s’est-il passé sur le terrain ? Un afflux de nouveaux colons a eu lieu. « Des colonies peuvent être construites mais il n’est pas besoin d’en parler et de venir danser à chaque fois qu’un permis de construire est délivré. Construisons-les mais sans en parler » dit Ariel Sharon à son gouvernement en 22 juin 2003.

Et c’est entre janvier et avril 2003 qu’Israël a émis 134 appels d’offres. A la suite desquels 1 646 logements ont été construits.

Conférence d’Annapolis 2007

Une semaine après le sommet d’Annapolis le gouvernement israélien annonce de nouvelles constructions à Har Homa et à Pisgat Zeev.

En mars 2008 la mairie de Jérusalem annonce à son tour 600 logements nouveaux à Jérusalem-Est ce plan faisant partie « d’une initiative globale pour la construction de 40 000 unités de logement dans la ville afin de faciliter à de jeunes couples l’accès au logement ».

Ces jours-ci Olmert vient d’annoncer la construction de 884 logements juste quelques jours avant sa rencontre avec Bush pour rendre compte des progrès du sommet d’Annapolis.

Aliaa Al-Korachi

 

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