Fri 4-October-2024

La marche du retour part de Jérusalem

samedi 5-avril-2008

Peut-être en raison de la complexité du moment ma famille s’abstient d’évoquer les problèmes du passé. Par inadvertance elle pourrait parler du poste que ma grand-mère a occupé comme gardienne à la porte Mandelbaum qui séparait Jérusalem en deux après l’occupation de 1948 ; et je sais que les noms de deux familles amies Liftawi et Karmi viennent du nom de leurs villages d’origine d’où elles ont été expulsées Lifta et Ein Karem.

Je ne sais plus vraiment comment j’ai appris la suite de l’histoire : il semble que la Nakba depuis qu’elle a eu lieu a jeté une ombre noire sur la mémoire le récit et l’identité de la communauté palestinienne. A Jérusalem l’histoire n’a pas besoin d’être transmise de bouche à oreille car nous vivons les deux côtés de la médaille : cette année alors qu’Israël fête le 60è anniversaire de son existence les Palestiniens pleurent la 60è année de la Nakba (l’expulsion d’une grande majorité de Palestiniens la séparation des familles la création d’une nation de réfugiés et la destruction d’une patrie).

A Jérusalem Israël poursuit sa subtile constante et systématique expulsion des Palestiniens : une Nakba par petites touches. Au moyen d’un dispositif de papiers de permis de justifications et d’autorisations par lequel Israël décide qui peut être dans la cité et qui doit rester à l’extérieur il cherche délibérément à étouffer toute croissance naturelle des familles palestiniennes qui vivent ici depuis des générations. Quand un homme de Jérusalem-Est a tué des étudiants Yeshiva radicaux en réponse aux massacres massifs dans Gaza certains Israéliens ont appelé au transfert des Jérusalémites palestiniens tels que moi et ma famille vers la Cisjordanie et à celui de la famille du tireur vers Gaza.

Du fait que ma tante et mes oncles natifs de Jérusalem étudiaient et travaillaient à l’étranger au moment de la guerre de 1967 ils ont perdu pour toujours leur droit de résidence à Jérusalem et ils ne sont même plus autorisés à venir nous rendre visite.

A cause du mur de séparation construit autour de Jérusalem ma famille s’est brusquement retrouvée à l’extérieur des limites de la cité selon le nouveau tracé israélien des frontières de la ville. Il lui a fallu alors trouver un endroit à l’intérieur de Jérusalem pour y vivre et démontrer qu’elle vivait à l’intérieur de la cité en présentant des factures d’électricité et de téléphone et les relevés des impôts payés à l’Etat d’Israël.

Ma sœur et son époux – lui est de Bethléhem – ont eu un moment difficile où il leur a fallu préserver l’intégrité de leur famille. Ils ont sur eux en permanence leur certificat de mariage pour pouvoir le présenter aux check-points et prouver leur statut marital. Son époux détient une autorisation qui lui permet de travailler à Jérusalem de 5 h du matin à 7 h du soir : son mariage ne suffit pas pour le lui permettre ! En dehors de ces heures il ne doit pas se trouver dans la ville sinon il risque l’arrestation.

A ma naissance j’ai reçu un certificat de naissance en tant que Jérusalémite. A 16 ans on m’a remis une carte d’identité bleue de Jérusalémite qui me reconnaît comme résidente « arabe » de Jérusalem. D’après mon permis de voyage israélien je suis résidente jordanienne d’Israël. Ce document de voyage a expiré alors que j’étudiais en France et le nouveau que j’ai obtenu à l’ambassade israélienne à Paris indique comme nationalité : non déterminée ! A chaque fois que j’allais voir ma famille il me fallait un visa israélien. Je ne pouvais rester à l’étranger plus de trois ans sinon je perdais mon droit de résidence permanente à Jérusalem.

Un été ma responsable française a décidé de m’accompagner en Palestine. Bien qu’elle n’y soit jamais allée auparavant elle n’a pas été obligée de demander un visa pour pouvoir venir dans mon pays.

Il y a des quantités d’histoires identiques qui ne sont jamais évoquées dans les médias. Non seulement Israël expulse les Palestiniens porteurs de passeports étrangers par exemple mais il leur confisque leurs biens et propriétés en vertu de la loi « des absents ». En annexant les blocs de colonies illégales Israël concentre les Palestiniens dans des ghettos sans aucune possibilité d’expansion.

Plusieurs quartiers palestiniens de Jérusalem-Est comme Ras Khamis Al Ram ou les camps de réfugiés de Shu’fat se retrouvent maintenant derrière le mur de séparation. Au lieu d’une porte Mandelbaum qui sépare les familles et coupe les agriculteurs de leurs terres aujourd’hui ce sont 12 portes qui séparent des dizaines de milliers de Palestiniens de leur quartier natal de Jérusalem et des services publics essentiels. L’armée ferme fréquemment les portes et les check-points durant les heures de pointe afin que les colons juifs puissent circuler plus aisément.

Les routes réservées aux seuls colons telles que les nationales 60 (Naplouse-Beersheba) et 443 (Lod-colonie Gival Ze’ev) accentuant la séparation et la ghettoïsation des Palestiniens ont été comme pour le tramway de l’apartheid à Jérusalem construites par deux entreprises françaises afin de relier le centre de Jérusalem aux colonies israéliennes. Les trains rouleront entre Pisgat Ze’ev et le mont Herzl faisant de Jérusalem et de ses banlieues un groupe de plusieurs bantoustans séparés et volant les citoyens palestiniens de leurs dernières perspectives de développement urbain dans ce qu’ils espèrent être un jour la capitale de leur futur Etat.

Israël continue de masquer l’importance culturelle et religieuse de Jérusalem pour les musulmans creusant des galeries sous les sanctuaires musulmans construisant un musée sur le cimetière musulman interdisant les galeries marchandes le théâtre de Jérusalem les parcs et autres équipements aux Palestiniens.

Lors d’une conférence de presse avec la chancelière allemande Angela Merkel et malgré la poursuite du prétendu processus de paix le Premier ministre israélien Ehud Olmert a annoncé qu’Israël n’arrêterait pas la construction de colonies dans Jérusalem et certaines de ses banlieues. « Il y aura des sites où nous construirons d’autres que nous agrandirons car ces lieux resteront dans Israël » a-t-il déclaré. « Ceci inclut d’abord et avant tout Jérusalem ».

Au 60è anniversaire de la Nakba alors que nous méditons sur sa signification nous reconnaissons aussi l’importance de Jérusalem et nous prenons conscience que la marche du retour part de cette ville. Cette année nous nous attardons sur le souvenir de nos anciens villages et de nos réfugiés jurant de ne pas abandonner le caractère palestinien de Jérusalem.

Lire les derniers articles de Samah Jabr :

– « Franchir le mur d’acier »
– « La psychopathologie suite à emprisonnements et tortures »
– « Négation de la Nakba palestinienne : 60 ans ça suffit ! »  
 
  Source : Les Amis de Jayyous   
  Traduction : JPP 

Lien court:

Copied