Israël axe sa stratégie dans la négociation avec les Palestiniens autour d’un pilier central. Le refus de discuter de tout ce qui s’est produit avant 1967.
Cela comprend plus que tout autre chose la question des réfugiés. La veille du sommet arabe de Riyad Israël faisait monter la mise en demandant à la Ligue arabe de retirer ce point de la proposition de paix de 2002. Cela a été refusé parce qu’il est simplement ridicule de concevoir un règlement définitif du conflit israélo-arabe sans une juste résolution à la question des réfugiés palestiniens.
L’initiative saoudienne adoptée par les dirigeants arabes au sommet de Beyrouth en 2002 expose dans les grandes lignes les principes qui proposent l’entière reconnaissance d’Israël en échange de son retrait sur les frontières de 1967 de l’établissement d’une Palestine indépendante avec Jérusalem-Est pour capitale et une juste solution à la question des réfugiés palestiniens conformément à la résolution 194 de 1948 de l’Assemblée générale des Nations unies.
Cinq ans plus tard la région se retrouve au beau milieu d’une agitation politique. Pendant que la menace d’une confrontation armée avec l’Iran plane dangereusement des millions de réfugiés iraquiens inondent les pays voisins. Face à ces défis qui montent les dirigeants régionaux ont voulu se rencontrer à Riyad.
Après la signature de l’accord initié par l’Arabie saoudite les Etats arabes ont eu à régler la question de la levée des sanctions contre le peuple palestinien conformément à la décision prise par les ministres des Affaires étrangères au Caire en novembre 2006.
Bien que n’y participant pas Israël était décidé à peser sur l’ordre du jour et le résultat du sommet de Riyad. La ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni profite de sa présence à la conférence politique annuelle du Comité américain pour les Affaires publiques d’Israël (AIPAC) qui se tenait à Washington le mois dernier pour presser les Etats arabes de normaliser leurs relations avec Israël. Livni prétend qu’il n’est plus possible d’attendre pour conclure un accord de paix. « N’attendez pas que la paix soit venue pour normaliser vos relations avec nous – normalisez dès maintenant et la paix viendra » plaidait-elle (JP 12 mars 2007).
Il y a aussi d’autres demandes. Pour la ministre des Affaires étrangères israéliennes il y a deux articles « très problématiques » dans l’accord de Beyrouth qui iraient à l’encontre du concept de la solution à deux Etats. Le retour des réfugiés sur la base de la résolution 194 et le retrait d’Israël sur les frontières d’avant 1967. Au lieu de se conformer à la volonté de la communauté internationale exprimée dans les résolutions des Nations unies Livni déclare que la légitimité émane des lettres Bush-Sharon d’avril 2004 dans lesquelles les Etats-Unis écartent le retour des réfugiés et déclare le retrait sur les frontières d’avant 1967 « irréaliste ».
Dans la logique d’Israël le retour des réfugiés serait au mieux une concession et non pas un droit. De plus aucune concession ne doit être faite à des extrémistes ceci pouvant être considéré comme une faiblesse dans une région où l’idée que l’on peut se faire est aussi importante que la réalité. Mais on peut retourner cet argument et dire que les Arabes sont fondés à affirmer que leurs concessions faites à Israël sont interprétées comme de la faiblesse. Malgré la reconnaissance par l’OLP de l’Etat d’Israël sur 78% de la Palestine historique – beaucoup plus que les Nations unies avaient accordé au moment de la partition – Israël n’est toujours pas disposé à reconnaître le droit des Palestiniens à un Etat dans les 22% qui restent.
Quelles que soient les raisons de leurs concessions généreuses ce serait vraiment extraordinaire si les Etats arabes capitulaient aujourd’hui devant un gouvernement conduit par le Premier ministre le plus faible qu’Israël n’ait jamais eu depuis sa création. Intervenant sur la Voix de l’Amérique le 16 mars 2007 Ehud Olmert disait : « Je suis un Premier ministre impopulaire. Les sondages le disent aussi et ils sont exacts. Je suis en effet un Premier ministre impopulaire. » Si la direction arabe n’arrive pas à résister à la pression d’un Premier ministre israélien raté les réfugiés palestiniens peuvent alors se demander quel espoir ils peuvent garder pour leur rapatriement.
Persécutions
Si les exigences des Israéliens visaient à faire planer une ombre noire sur le sommet elles ont certainement réussi. Leur demande pour un amendement de l’initiative de Beyrouth était à peine exprimée que les autorités libyennes accusaient les pays frères de comploter pour compromettre le droit au retour ceci pour qu’Israël reconnaisse l’initiative de 2002. Inutile de dire que l’on peut difficilement soutenir cette allégation surtout après que la Syrie l’Egypte et l’Arabie aient rejeté la demande israélienne.
En dépit de ce rejet le journal Al Jamhooriyah (du 13 mars 2007) écrivait que les autorités libyennes effectuaient des consultations pour permettre à des milliers de Palestiniens vivant en Libye de revenir dans la Bande de Gaza avant que la conspiration n’ait fait son oeuvre.
Indépendamment de ce qu’elles valent on peut difficilement considérer de telles mesures comme utiles. Au contraire elles ne font qu’échanger simplement un lieu d’exil contre un autre et les Palestiniens n‘ont absolument aucune garantie qu’Israël les autorisera à rentrer. Ils pourraient bien se retrouver bloqués entre la Libye et l’Egypte ou au passage de Rafah à l’entrée de la Bande de Gaza.
Le passé est d’ailleurs éloquent car les réfugiés palestiniens de Libye ont déjà pris cette route. En 1995 le gouvernement libyen s’est brouillé avec l’OLP à propos des accords d’Oslo et il a mené la même campagne et laissé des milliers de réfugiés s’échouer à la frontière avec l’Egypte. Certains ont eu 24 h pour traverser l’Egypte pour finalement finir à Rafah. D’autres ont été mis sur des bateaux et se sont retrouvés en Syrie et au Liban. Le sentiment qui court parmi les Palestiniens est qu’ils seront une fois encore les boucs émissaires dans les controverses entre arabes. D’où les propos du Dr Atif Udwan l’ancien ministre palestinien pour les Affaires aux Réfugiés que ceci revenait à servir la politique israélienne.
Les menaces d’expulsion de Libye s’ajoutent à d’autres violations ailleurs et bien pire des droits des réfugiés palestiniens. En Iraq il n’y a aucune relâche dans la campagne violente de meurtres et d’expulsions des réfugiés palestiniens. Durant le mois de février 2007 plus de 30 agressions graves ont eu lieu contre les Palestiniens en Iraq. Dans le district de Baladiyat à Bagdad se sont produits les coups les plus durs par les milices armées et les escadrons de la mort. Beaucoup parmi les 15 000 résidents palestiniens de cette zone ont été contraints de payer 250 000 dinars iraquiens (environ 250 dollars) chacun pour pouvoir rester vivants. Au mieux ceux qui étaient incapables de payer ont eu deux jours pour partir pour le camp de réfugiés sur la frontière Iraq/Syrie. Dix d’entre eux ont été enlevés leurs biens endommagés et les enfants terrorisés. Plus de 500 Palestiniens ont été tués depuis le début de l’occupation.
La situation en Iraq reflète à certains égards les conditions dans les Territoires palestiniens occupés. L’OCHA (Bureau de la Coordination des Affaires Humanitaires) a confirmé que 678 Palestiniens dont 124 enfants ont été tués en 2006. Ces chiffres représentent une augmentation de 215% sur 2005. Il n’y a aucun doute que les exigences israélo-américaines pour amender la proposition de paix arabe que les menaces d’expulsions de Libye que les meurtres en Iraq et dans les Territoires occupés répondent tous à la volonté de faire renoncer les Palestiniens à leur droit au retour.
Un droit au retour à Gaza et en Cisjordanie est contraire à ce que la plupart des Palestiniens pensent être leur droit au retour dans leurs maisons d’origine. Toutes les tentatives de paix précédentes ont échoué parce qu’elles étaient élaborées en fonction des seuls intérêts israéliens au dépens de la grande majorité des Palestiniens qui est constituée des réfugiés. Pour faire la paix au Moyen-Orient il faut par conséquent arriver à tout intégrer dans le contenu aussi bien que dans les rôles. Il faut aborder toutes les questions et donner la possibilité de la plus large participation au processus. L’époque où on écartait une faction palestinienne ou un Etat arabe pour conclure un accord unilatéral est finie.
Faire des déclarations est une chose. Les mettre en application en est une autre. Quand les Etats arabes ont déclaré qu’ils allaient briser le blocus en 2006 ils se sont faits remettre dans la ligne. Seront-ils soumis à la même pression dans leur résistance face à la demande d’Israël d’annuler le droit au retour des Palestiniens ? En fait cela importe peu. Le droit au retour n’a rien à voir avec la reconnaissance de l’Autorité palestinienne ni avec les sanctions sur le peuple palestinien dans les Territoires occupés. C’est un droit aussi ancien que l’histoire du peuple palestinien lui-même. En 2001 Israël a promulgué une loi dite la loi pour garantir le refus du droit au retour. Chacun en Israël est tenu de la faire respecter. Si c’est le statut « légal » de cette question chez les Israéliens il est un devoir « sacré » pour les Etats arabes de la Ligue de promulguer une loi pour la protection du droit au retour palestinien.
L’auteur est un chercheur chevronné du Centre palestinien pour le retour à Londres.
4 avril 2007 – The Paletine Times – trad. : CCIPPP