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Gaza : l’UNRWA en difficulté alors que la pauvreté augmente

mardi 11-février-2014

Ville de Gaza – « Veuillez noter qu’à partir du mois d’avril 2014 votre statut passera de ‘pauvreté absolue’ à ‘pas pauvre’ » Si vous recevez ce message vous penserez sans doute que vous venez de trouver la poule aux œufs d’or ou alors de gagner à la loterie. Pour en avoir le cœur net vous vous précipiterez vers le siège le plus proche de l’expéditeur qui n’est autre que l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) pour enfin trouver que l’aide alimentaire de l’Office prendra bientôt fin car à ses yeux vous n’êtes « plus pauvre. »

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Le 7 janvier 2009 – Une Palestinienne devant le siège de l’UNRWA en attente de sa ration de nourriture que l’Office fournit aux habitants de Gaza – Photo : Reuters/Mohammed Salem

C’est ce qui est arrivé à Mohamed Jaber 44 ans habitant du camp de réfugiés de Bureij au centre de Gaza et qui a six enfants et une épouse à sa charge. En 2007 l’Autorité Palestinienne (AP) a cessé de lui payer son salaire.

Jaber raconte à Al-Monitor : « J’ai reçu ce message le 16 janvier 2014 à 9h. Au début j’ai pensé à une nouvelle positive mais en me rendant au bureau de l’UNRWA de notre camp j’ai été informé que leur aide alimentaire cessera au mois d’avril de cette année. »

C’est en effet depuis que son salaire versé par l’AP a été interrompu en 2007 qu’il a commencé à bénéficier d’une aide alimentaire supplémentaire connue également comme le « coupon jaune. » Cependant il y a deux ans le coupon jaune est réduit à un « coupon simple » qui à son tour disparaîtra pour mettre fin à cette aide.

Jabber a ajouté que sa famille et lui ont vécu aux crochets de leurs voisins. Son fils qui a obtenu une excellente moyenne au baccalauréat est inscrit à l’université ce qui veut dire qu’il est tenu de payer les frais de scolarité. « J’ai pris tous mes papiers et je me suis présenté à l’UNRWA pour me plaindre de la décision et pour leur prouver que je n’ai plus de salaire et que je suis sans emploi. Qu’est-ce qu’ils veulent que je fasse ? » s’est-il lamenté.

Hélas le cas de Jaber n’est pas unique. Plusieurs seront affectés par l’imminente réduction. Agé de 29 ans Anwar al-Maghribi vit dans la ville de Gaza et travaille comme chauffeur de taxi dans une entreprise locale. Il gagne 1200 shekels par mois ($339) dont 600 vont pour le loyer et l’autre moitié pour les dépenses courantes de sa famille composée d’une épouse et de deux filles.

« Au mois d’octobre dernier mon aide alimentaire a été suspendue. Je recevais une assistance qui comprenait une allocation mensuelle de 2 kg de lait 12kg de sucre un gros sac de farine 4 bouteilles d’huile 4 boîtes de conserve de viande et environ 6kg de riz » a précisé Maghribi.

Par ailleurs le porte-parole de l’UNRWA Adnan Abu Hasna a informé Al-Monitor que quelques mois auparavant 11.000 familles ont été touchées par la suspension de l’aide alimentaire et ce à cause du budget limité de l’Agence. Il a souligné : « Nous avons reçu des plaintes et des griefs de la part de 7000 de ces familles. En conséquence nous avons réuni un comité qui a examiné les situations des familles suite auquel nous avons rétabli l’aide à 4000 d’entre elles. »

Et d’ajouter : « Le blocus a considérablement ébranlé l’UNRWA dont l’effet majeur reste l’effondrement du secteur privé et le nombre croissant des sans-emploi. La crise a tout particulièrement touché les travailleurs de l’industrie des tunnels ainsi que ceux de certains secteurs à l’instar de la sidérurgie de la métallurgie et de la menuiserie. De ce fait ces nouveaux chômeurs se sont adressés à notre office à la recherche d’une assistance et de nouvelles possibilités d’emploi chose qui dépasse les capacités de l’UNRWA. »

Conformément au mouvement international pour l’élimination de la pauvreté Abu Hasna estime que l’UNRWA est également préoccupé par les dépenses de chaque famille et leur capacité de s’acquitter de leurs obligations.

Par ailleurs Abu Hasna a précisé que l’arrêt de 20 projets de l’UNRWA qui totalisent $60 millions et qui offrent des milliers de postes de travail a également eu un effet négatif. Récemment a-t-il ajouté Israël a accepté de rétablir 12 projets en autorisant l’entrée des matériaux de construction. Toutefois huit projets demeurent encore suspendus.

Abu Hasna a dévoilé que Gaza compte actuellement 833.000 réfugiés qui reçoivent une aide de l’UNRWA et que dans les deux prochains mois ce chiffre grimpera jusqu’à 1 million de réfugiés. Au cours de ces trois dernières années l’UNRWA a lancé plusieurs appels demandant des fonds supplémentaires destinés à soutenir Gaza et la Cisjordanie.

A l’instar d’Abu Hasna l’analyste économique Muin Rajab s’est entretenu avec Al-Monitor au sujet du blocus qui a donné lieu à la suspension des projets de l’UNRWA impliquant la construction des écoles et des cliniques et qui nécessitent un budget solides et l’importation de matériaux de construction. Toutefois l’analyste estime que « La raison principale de cette crise est la promesse non tenue des pays donateurs. En l’absence de cet argent c’est toute la capacité de l’UNRWA à offrir des services qui est réduite et compromise. Bien évidemment ces promesses ne sont pas contraignantes il s’agit de contributions volontaires qui varient en quantité de temps en temps en raison de la crise économique mondiale et son impact sur l’Europe. »

Le 29 janvier dernier dans une réunion avec des reporters dans son bureau à Gaza le directeur des opérations de l’UNRWA a souligné que le soutien financier pour l’UNRWA a certes augmenté mais en parallèle les coûts des projets ont flambé. Robert Turner a expliqué que les problèmes financiers de l’UNRWA touchent les pays donateurs et leurs priorités en matière d’aide. Les Etats-Unis fait-il remarquer sont le pays qui contribue le plus.

Turner a informé les reporters que le budget global annuel de l’UNRWA pour les réfugiés Palestiniens en Jordanie en Syrie au Liban en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza est estimé à $650 millions et que pour l’année en cours le déficit est de $65 millions. En outre il ajouté que le budget alloué aux programmes d’urgence de l’UNRWA en Cisjordanie et à Gaza s’élève à $300 millions dont $250 millions pour Gaza. Le budget envisage un déficit de $20 millions.

Interrogé par Al-Monitor au sujet de la crise syrienne et son impact sur le soutien de l’UNRWA à Gaza Turner a répondu : « La crise en Syrie a coûté $6 milliards à la communauté internationale ce qui représente le coût le plus élevé de l’histoire. Evidemment cette situation a frappé le budget de l’UNRWA ici à Gaza. J’ajoute à cela la situation aux Philippines au Mali et au Soudan qui a visiblement réduit la part de Gaza de l’aide internationale car on estime que les Philippines et la Syrie sont plus touchés et leur besoin en aide est prioritaire. C’est pourquoi nous devons à tout prix attirer plus de soutien et d’assistance. »

De retour auprès de Jaber qui a reçu le message bouleversant sur son téléphone. Afin de montrer son mécontentement quant à un arrêt imminent de l’aide alimentaire Jaber a pris part à une manifestation dans un entrepôt alimentaire de l’UNRWA au centre de Gaza. Ils étaient des centaines de réfugiés qui ont reçu le même message. Mais l’UNRWA n’en est pas à son unique manifestation. Durant les trois derniers mois les réfugiés Palestiniens venus de Syrie à Gaza avaient également organisé des manifestations tout comme le syndicat des travailleurs de l’UNRWA et les employés contractuels. Tout ce monde a exigé que l’UNRWA assume les nouvelles obligations financières même si elle est dans une phase où les pressions financières majeures associées au blocus israélo-égyptien sur Gaza plonge de plus en plus les Palestiniens dans le gouffre de la pauvreté.

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* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain du camp de réfugiés de Rafah dans le sud de la bande de Gaza.

6 février 2014 – Al Monitor – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori…
Traduction : Info-Palestine.eu – Niha

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