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Obama cède aux Israéliens

mardi 28-septembre-2010

Le président Mahmoud Abbas est l’homme le plus accommodant dans le camp palestinien que les Américains et les Israéliens auront jamais eu comme interlocuteur dans le conflit israélo-palestinien.

Alors que Barack Obama en a fait «un homme d’un grand courage» et que Benjamin Nétanyahou a déclaré voir en lui «un partenaire de paix» il a été traité de tous les noms par plusieurs de ses compatriotes: vendu lavette jouet des impérialistes… En somme le dindon d’une tragi-comédie sans fin intitulée «Les négociations israélo-palestiniennes».

En 2009 le monde entier demandait à l’État d’Israël de suspendre immédiatement et complètement les constructions nouvelles en Cisjordanie. Dans certains cas la demande s’étendait à Jérusalem-Est où des Palestiniens sont encore en 2010 chassés manu militari de leurs demeures pour faire place à des colons juifs qui ont tous les droits.

L’arrêt net de cette colonisation est une condition sine qua non pour discuter d’une éventuelle paix en Cisjordanie et à Gaza: telle était la position de Barack Obama lui-même lorsqu’il est arrivé à la présidence.

Fin novembre 2009 le premier ministre israélien cédait un pouce: «Bon d’accord on suspend les permis de construction. Mais pour dix mois. Et en Cisjordanie pas à Jérusalem-Est.» C’est cette suspension qui vient d’arriver à échéance. Suspension que M. Nétanyahou a refusé de prolonger ce qui cause aujourd’hui un énième psychodrame israélo-palestinien.

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On se retrouve dans la situation ironique où une position israélienne «intransigeante» au printemps 2009 devient tout à coup après mûre réflexion acceptable à Washington… moyennant quelques changements de détail.

En substance on disait aux autorités israéliennes: arrêtez s’il vous plaît cette provocation de tous les instants qui consiste non seulement à occuper un territoire que les Palestiniens considèrent leur mais à augmenter continuellement la proportion du territoire couvert par les constructions juives.

Mais Benjamin Nétanyahou depuis un an et demi — et avec cette pause tactique de dix mois qui a permis début septembre la belle annonce d’une «reprise des négociations» sous ombrelle américaine — a tenu tête et roulé dans la farine ses chers «partenaires-alliés-arbitres» de Washington. Au point que le tandem Obama-Clinton ne pose même plus cette condition — le fameux «maintien du moratoire» — comme un absolu… Le moratoire devient plutôt un élément de négociation supplémentaire!

Plus encore on demande maintenant à la partie palestinienne n’est-ce pas d’être «modérée» et de ne pas jeter de l’huile sur le feu en «instrumentalisant» une éventuelle reprise de la construction de colonies pour quitter la table des négociations ou relancer les troubles… Ah les vilains Palestiniens!

En éditorial le quotidien Haaretz de Jérusalem écrivait pourtant hier: «Il n’y a pas de plus grande folie que l’expansion de la colonisation au moment même où l’on tient des négociations censées mener à la création d’un État palestinien.»

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Cet épisode est un test crucial pour Israël son caractère démocratique et son image dans le monde. C’est aussi un test pour la crédibilité de la politique étrangère américaine.

En Israël un mouvement très fort à la base du succès politique de Nétanyahou mais dont il essaie aujourd’hui — de façon plus ou moins convaincante — de se distancier a fait de la colonisation de toute la Judée-Samarie (la Cisjordanie en langue moderne) le devoir fondamental et éternel du peuple juif… Hier ce puissant lobby politico-millénariste triomphait et recommençait sans même attendre minuit (heure officielle de la fin du moratoire) les pelletées de terre symboliques en territoire contesté.

Ce jusqu’au-boutisme est de mauvais augure. Il projette d’Israël l’image d’un pays nombriliste obsédé par lui-même qui envoie promener le monde entier persuadé d’être haï tous azimuts et résistant obstinément aux appels venus d’ailleurs.

C’est aussi un grave moment pour la politique étrangère américaine. Marquée par quelques beaux discours de M. Obama par les navettes de Mm Clinton elle donne depuis 18 mois l’impression d’une politique de belles paroles et de bonnes intentions… mais sans plus.

À voir M. Obama céder aujourd’hui aux Israéliens et considérer comme négociable ce qui était hier un préalable — le gel de la colonisation — on se dit comme Mahmoud Abbas samedi aux Nations unies qu’«Israël doit choisir entre la paix et les colonies». Et l’on se désole qu’il ne soit pas capable de prononcer lui-même ces quelques mots précis.

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François Brousseau est chroniqueur d’information internationale à Radio-Canada. On peut l’entendre tous les jours à l’émission Désautels à la Première Chaîne radio et lire ses carnets dans www.radio-canada.ca/nouvelles/carnets.

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