De nouvelles mesures américaines ont été prises ces dernières semaines pour renforcer la position israélienne et isoler l’Autorité palestinienne avant la publication officielle du prétendu « Accord du siècle » du président Donald Trump.
Mais si l’attention est concentrée sur les actions malfaisantes des États-Unis peu de temps a été consacré à la question des réponses options et stratégies de l’AP.
Les dernières mesures punitives prises par Washington ont été appliquées le 3 mars lorsque les États-Unis ont fermé leur consulat à Jérusalem dégradant ainsi le statut de sa mission diplomatique en Palestine. Le consulat a longtemps servi d’ambassade américaine de facto auprès des Palestiniens. A présent le personnel du consulat va fusionner dans l’ambassade américaine en Israël qui a été officiellement transférée à Jérusalem en mai dernier – en violation du consensus international concernant le statut de la ville occupée.
Robert Palladino porte-parole du département d’État américain a voulu justifier cette décision dans un communiqué affirmant que « cette décision a été motivée par nos efforts à l’échelle mondiale pour accroître l’efficacité et l’efficience de nos engagements et opérations diplomatiques ».
Foutaises diplomatiques mises à part «l’efficience et l’efficacité» n’ont rien à voir avec la fermeture du consulat. La décision n’est que la poursuite des mesures américaines successives visant à «retirer Jérusalem de la table» – selon les propres termes de Trump – de toute négociation future.
Le droit international qui reconnaît Jérusalem-Est en tant que ville palestinienne occupée n’a aucune pertinence pour l’administration Trump qui a totalement perdu tout semblant d’équilibre dans la mesure où elle adhère désormais pleinement à la position israélienne sur Jérusalem.
Pour amener les Palestiniens à s’aligner et forcer leurs dirigeants à accepter n’importe quelle version de « la paix » que le gendre de Trump Jared Kushner a en tête les États-Unis ont déjà pris plusieurs mesures visant à intimider l’Autorité palestinienne. Ces mesures comprennent la réduction de 200 millions de dollars de l’aide directe à Gaza et à la Cisjordanie et le gel de 300 millions de dollars supplémentaires versés chaque année à l’agence des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA).
Ces mesures ainsi que la fermeture du bureau de l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP) à Washington le 10 septembre dernier étaient tous les signes nécessaires à une bonne compréhensions de la nature de l’ultimatum lancé aux dirigeants palestiniens : accepter nos conditions ou en subir les conséquences.
Ce n’est un secret pour personne que divers gouvernements américains ont été les bailleurs de fonds voire les soutiens politiques de l’Autorité palestinienne à Ramallah. L’Autorité palestinienne n’a pas toujours été au diapason de la politique étrangère américaine mais sa survie était restée jusqu’à récemment une priorité absolue.
L’Autorité palestinienne a aidé Washington à maintenir sa prétention d’être un « honnête courtier pour la paix » jouissant ainsi d’une position de leadership politique dans toute la région du Moyen-Orient.
En outre en acceptant d’aider l’armée israélienne à maintenir l’ordre dans les Territoires occupés par le biais d’une « coordination de la sécurité » financée en grande partie par les États-Unis l’Autorité palestinienne a prouvé à ses bienfaiteurs américains qu’elle était digne de confiance.
Alors que l’Autorité palestinienne restait attachée à cet accord de fait Washington a retiré ses billes.
Du point de vue de la coalition gouvernementale israélienne d’extrême droite menée par Benjamin Netanyahu Mahmoud Abbas – le chef de l’AP – n’en fait tout simplement pas assez.
Du point de vue politique israélien « en faire assez » signifie que les Palestiniens abandonnent toute revendication sur Jérusalem-Est occupée en tant que future capitale de la Palestine et acceptent que les colonies juives en Cisjordanie – toutes illégales en regard du droit international – doivent rester en place quel que soit un éventuel « accord de paix » et d’abandonner également toute revendication juridique ou morale concernant le Droit au retour des réfugiés palestiniens.
Alors que l’Autorité palestinienne a maintes fois prouvé sa soumission politique et morale par le passé il existe certaines lignes rouges que même Abbas lui-même ne peut pas franchir.
Il reste à voir comment la position de l’Autorité palestinienne évoluera à l’avenir en ce qui concerne le « deal du siècle » qui sera annoncé prochainement.
Cependant étant donné que le soutien aveugle de Trump à Israël a été clairement appliqué au cours des deux dernières années on est déconcerté par le fait qu’Abbas et son gouvernement n’aient guère agi pour contrecarrer la nouvelle stratégie agressive de Washington à l’égard des Palestiniens.
Hormis quelques « victoires » très symboliques aux Nations Unies et dans des instances apparentées Abbas n’a guère agi par le biais d’une action palestinienne concrète et unifiée.
Franchement reconnaître un État palestinien sur le papier n’est pas une stratégie en soi. La demande d’une plus grande reconnaissance est en cours depuis la conférence de l’OLP à Alger en 1988 lorsque le Conseil national de la Palestine a déclaré un État palestinien à la joie de millions de personnes dans le monde. De nombreux pays en particulier ceux du Sud ont rapidement reconnu l’État de Palestine.
Mais au lieu d’exploiter une telle déclaration symbolique comme élément d’une stratégie plus vaste visant à réaliser cette indépendance sur le terrain l’Autorité palestinienne a tout simplement envisagé de reconnaître la Palestine comme une fin en soi. Aujourd’hui 137 pays reconnaissent l’État de Palestine. Malheureusement Israël a volé beaucoup plus de terres palestiniennes pour étendre ou construire de nouvelles colonies exclusivement juives sur les terres désignées pour faire partie de ce futur État.
Il aurait dû être clair maintenant que placer un drapeau palestinien sur une table lors d’une conférence internationale ou même d’avoir un responsable palestinien à la coalition des pays en développement du G77 à l’ONU ne saurait se substituer à une véritable stratégie de libération nationale.
Les deux principales factions palestiniennes le parti du Fatah et le Hamas sont toujours aussi divergents. En fait Abbas semble concentrer plus d’énergie sur l’affaiblissement de ses rivaux politiques en Palestine que sur la lutte contre l’occupation israélienne. Ces dernières semaines Abbas a pris des mesures financières encore plus drastiques visant divers secteurs de la société de Gaza. La punition collective touche même les familles des prisonniers et des personnes tuées par l’armée israélienne.
Sans un front commun une véritable stratégie ou toute forme de résistance tangible Abbas est maintenant vulnérable à davantage de pressions et de manipulations américaines. Pourtant au lieu d’agir rapidement pour consolider le front palestinien et rechercher de véritables alliés au Moyen-Orient et dans le reste du monde pour contrer la campagne américaine acharnée Abbas ne fait rien.
Le dirigeant palestinien continue de chasser les mirages politiques profitant de toutes les occasions pour déclarer plus de victoires symboliques dont il a besoin pour maintenir encore un peu plus longtemps sa légitimité auprès des Palestiniens.
La douloureuse vérité cependant est la suivante : ce n’est pas seulement l’intimidation américaine qui a poussé l’Autorité palestinienne dans cette position peu enviable mais malheureusement la nature intéressée et la banqueroute politique des dirigeants palestiniens eux-mêmes.
* Ramzy Baroud est journaliste auteur et rédacteur en chef de Palestine Chronicle. Son prochain livre est «The Last Earth: A Palestine Story»(Pluto Press). Baroud a un doctorat en études de la Palestine del’Université d’Exeter et est chercheur associé au Centre Orfalead’études mondiales et internationales Université de Californie. Visitezson site web: www.ramzybaroud.net.
13 mars 2019 – RamzyBaroud.net – Traduction : Chronique de Palestine – Lotfallah