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Gideon Levy : « Ahed Tamimi est une héroïne une héroïne palestinienne »

samedi 23-décembre-2017

Mardi dernier les Forces de défense d’Israël ont abattu Hamed al-Masri 15 ans d’une balle dans la tête blessant grièvement l’adolescent de Salfit qui par ailleurs ne portait pas d’arme. Vendredi les militaires ont fait de même avec Mohammed Tamimi de Nabi Saleh sans arme lui aussi le blessant tout aussi grièvement à la tête. Vendredi encore les militaires ont tué – toujours d’une balle dans la tête – Ibrahim Abu Thuraya amputé des deux jambes. Et le même jour Ahed Tamimi était dans la cour de sa maison avec une amie et a giflé un homme des FDI qui avait fait irruption chez elle.

Du coup Israël est sorti de sa colère vasouilleuse : Mais comment ose-t-elle ? Les trois victimes de cette fusillade barbare n’intéressent pas les Israéliens et les médias ne prennent même pas la peine d’en parler. Mais la gifle – et le coup de pied – d’Ahed Tamimi ont déclenché une colère furieuse. Comment peut-on oser gifler un soldat des FDI ? Un soldat dont les amis giflent tabassent kidnappent et – bien sûr – abattent presque quotidiennement des Palestiniens ?

Vraiment elle a tous les toupets la Tamimi. Elle a violé les règles. Gifler n’est permis que de la part des soldats. C’est elle la véritable provocation et non pas le soldat qui a fait irruption dans sa maison. Elle qui a eu trois proches parents tués par l’occupation elle dont les parents ont été arrêtés d’innombrables fois et dont le père a été condamné à quatre mois de prison pour avoir participé à une manifestation à l’entrée d’une épicerie – et c’est elle qui a osé résister à un soldat ! Voilà le culot des Palestiniens. Tamimi était censée tomber amoureuse du soldat qui avait forcé la porte de sa maison et ingrate qu’elle a été elle l’a récompensé d’une gifle. Tout cela à cause de « l’incitation à la violence ». Sans quoi elle n’aurait certainement pas manifesté cette haine à l’égard de son conquérant.

Mais cette pulsion de revanche à l’égard de Tamimi a d’autres sources (Le ministre de l’Éducation Naftali Bennett a déclaré : « Elle devrait finir ses jours en prison. »). La fille de Nabi Saleh a fait éclater plusieurs mythes chers aux Israéliens. Le pire de tout elle a osé détériorer le mythe israélien de la masculinité. Brusquement il se fait que le soldat héroïque qui veille sur nous jour et nuit avec audace et courage se fait vilainement contrer par une fille aux mains nues. Que va-t-il advenir de notre machisme si Hamimi le met en pièces si facilement et de notre testostérone ?

Tout d’un coup les Israéliens ont vu l’ennemi cruel et dangereux auquel ils sont confrontés : une gamine bouclée de 16 ans. Toute la diabolisation et la déshumanisation des médias flagorneurs ont volé en éclats d’un seul coup en étant brusquement confrontées à une gamine vêtue d’un sweater bleu.

Les Israéliens ont perdu la tête. Ce n’est pas ce qu’on leur a raconté. Ils sont habitués à entendre parler de terroristes et de terrorisme et de comportement criminel. Il est difficile d’accuser Ahed Tamimi de tout cela ; elle n’avait même pas de ciseaux en main. Où est la cruauté des Palestiniens ? Où est le danger ? Où est le mal ? On en perdrait la tête. Brusquement toutes les cartes ont été rebattues : Pendant un rare instant l’ennemi avait l’air si humain. Bien sûr on peut compter sur la machine israélienne de propagande et de lavage de cerveau si efficace pour assassiner sans attendre le personnage de Tamimi. Elle aussi se verra coller l’étiquette de terroriste née pour tuer ; on dira alors qu’elle n’avait pas de motifs justifiables et qu’il n’y a pas de contexte pour expliquer son comportement.

Ahed Tamimi est une héroïne une héroïne palestinienne. Elle est parvenue à rendre dingues les Israéliens. Que diront les correspondants militaires les incitateurs de droite et les experts de la sécurité ? Quelle est l’efficience de 8200 Oketz Duvdevan Kfir et toutes ces autres unités spéciales si à la fin de la journée les FDI sont confrontées à une population civile désemparée fatiguée de l’occupation et incarnée par une jeune fille portant un keffieh sur l’épaule ?

Si seulement il y en avait bien davantage comme elle ! Peut-être des filles comme elle seraient-elles en mesure de secouer les Israéliens. Peut-être l’intifada des gifles réussira-t-elle là où toutes les autres méthodes de résistance violente ou non violente ont échoué.

Dans l’intervalle Israël a réagi de la seule façon qu’il connaît : un enlèvement nocturne de son domicile et son arrestation ainsi que celle de sa mère. Mais dans le fond de son cœur tout Israélien décent sait sans doute non seulement qui a raison ou qui n’a pas raison mais aussi qui est fort et qui est faible. Le soldat armé de pied en cap qui fait irruption dans une maison qui ne lui appartient pas ou la gamine sans armes qui défend sa maison et son honneur perdu à mains nues par une gifle ?

Publié le 20/12/2017 sur Haaretz sous le titre : A Girl’s Chutzpah: Three Reasons a Palestinian Teenage Girl Is Driving Israel Insane. Traduction : Jean-Marie Flémal

http://www.pourlapalestine.be

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