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Submergés par les déchets des colons israéliens

jeudi 21-septembre-2017

Salfit Cisjordanie occupée – Jamal Hammad se souvient du temps où la source al-Matwa à Salfit était une sortie qu’appréciaient les gens du coin. Il y a plusieurs décennies l’endroit était très fréquenté par les Palestiniens qui randonnaient dans la vallée et des familles qui pique-niquaient le long du ruisseau clair et fluide. Maintenant que les eaux usées se déversent dans la source l’odeur rance qui recouvre la vallée et les moustiques ont poussé beaucoup de villageois à partir.
« Tous ces déchets viennent des colonies israéliennes pour la plupart de la colonie Ariel » a dit Hammad à Al-Jazeera dans sa modeste ferme qui jouxte la source. « Nous sommes très inquiets des effets à long terme que cette pollution aura sur notre avenir. »

Le problème de la gestion des déchets perdure depuis des décennies en Cisjordanie occupée. L’année dernière quelques 83 millions de m3 d’eaux usées ont été déversés dans toute le territoire dont environ 19 millions de m3 venant des colonies israéliennes selon l’Institut de Recherche de la Knesset construites sur le territoire palestinien en violation du droit international.

Alon Cohen-Lifshitz chercheur travaillant à l’ONG israélienne Bimkom dit à Al-Jazeera que beaucoup de colonies israéliennes n’ont pas leurs propres usines de traitement des déchets. Environ 12 pour cent des déchets des colonies ne sont pas traités et se déversent dans les sources proches des communautés palestiniennes.

« Cela vient du fait qu’Israël a déclaré les terres non cultivées de Cisjordanie situées au sommet des collines « terres d’Etat » pendant son occupation militaire du territoire en 1967 » explique Lifshitz. « S’emparer des crêtes permettait aussi à Israël de contrôler facilement les zones. »

C’est là que les colonies israéliennes ont ensuite été construites.

Les communautés palestiniennes sont gravement touchées par les déchets produits par les colonies car de nombreux villages ont été obligés de cultiver des terres agricoles basses après l’occupation du territoire palestinien par Israël. « Le problème des déchets est donc un effet secondaire de la matrice de contrôle d’Israël en Cisjordanie » a ajouté Lifshitz.

Dans le cas de Salfit les usines de retraitement d’Ariel – l’une des plus grandes colonies en Cisjordanie avec une population de près de 19.000 colons – d’Ariel Ouest et des colonies de Barkan tombent en panne ou débordent d’où le déversement des eaux usées dans la vallée d’al-Matwan et dans la source exacerbant les problèmes de déchets déjà existants dans les communautés palestiniennes.

Le conseil local de Salfit a été obligé de construire des murs de quatre mètres de hauteur le long de la source al-Matwa pour protéger la station de pompage centrale de la ville contre les inondations par les eaux usées selon un rapport de B’Tselem.

Jusqu’il y a quelques années les déchets palestiniens de la ville ont contribué également à la pollution de la source. Mais la municipalité de Salfit a depuis construit un système souterrain d’évacuation des eaux usées pour qu’elles s’écoulent plus loin dans la vallée.

Cela fait des années que les Palestiniens de Salfit essayent de construire une usine de traitement des déchets ; mais comme c’est le cas pour de nombreuses autres communautés palestiniennes ils en ont été empêchés par les restrictions israéliennes sur le développement palestinien dans la plus grande partie de la Cisjordanie .

« L’odeur nous empêche de dormir »

« Je me souviens que nous cultivions dans ce secteur sans même utiliser de pesticides » dit Hammad à Al-Jazeera pendant qu’il regarde le ruissellement de selles liquides flottant dans l’eau. « Maintenant si nous n’utilisons pas de pesticides pour éliminer les insectes et les moustiques dans le secteur nos cultures ne survivent pas. »

Mais avec l’utilisation de pesticides sur les cultures Hammad dit que la qualité et la quantité de ses fruits et de ses légumes ont diminué depuis que les égouts ont commencé à toucher les fermes. Beaucoup de Palestiniens ont cessé également de manger les produits locaux de peur qu’ils soient contaminés par les eaux usées.

De l’autre côté de la rue de la ferme d’Hammad un autre habitant Hammad Azazma est assis sur une couverture devant une structure rudimentaire dans sa petite communauté bédouine située juste à côté de la source al-Matwa. Il dit à Al-Jazeera qu’entre 50 et 60 de ses brebis meurent tous les ans pour avoir bu l’eau polluée.

« Mes enfants tombent souvent malades. Ils ont de la fièvre et des éruptions cutanées. Même si on ne boit pas l’eau les bactéries se propagent par les chaussures ou les insectes » dit-il.

« Et l’odeur ! » s’exclame-t-il grimaçant de dégoût. « Elle nous empêche de dormir. »

Le rapport de B’Tselem notait que la pollution a provoqué l’extinction de plusieurs espèces qui peuplaient jadis la région dont des cerfs des lapins et des renards. Les seuls animaux continuant à y vivre sont les sangliers.

Hammad et Azazma ont exprimé leurs craintes sur les effets à long terme pour leurs communautés et les terres. « Mais tout le monde s’en fiche » a dit Hammad à Al-Jazeera. « La situation empire et personne ne sait ce qu’il adviendra ici pour les habitants. »

Les colons israéliens par contre ne souffrent pas de la pollution puisque toutes les colonies sont reliées au système d’approvisionnement en eau d’Israël et que les eaux usées non traitées sont généralement déviées vers les communautés palestiniennes.

« Nous ne nous habituons pas à l’odeur des produits chimiques »

Depuis les années 1980 le village bédouin de Wasi Abu Hindi situé dans une vallée coincée entre les colonies israéliennes Maale Adumim et Qedar près de Al-Eizariya à l’est de Jérusalem a été touché par le déversement massif d’ordures israéliennes. La décharge d’Abu Dis était la plus grande de Cisjordanie occupée et pendant des décennies elle a causé des ravages dans les vies des communautés bédouines voisines dans le district de Jérusalem.

Il y a deux ans environ Israël l’a fermée – bien que Lifshitz ait noté qu’elle continuait à être utilisée de temps en temps – et a déversé de la terre sur l’énorme monticule de déchets.

Khalid Hammad un habitant de Wadi Abu Hindi dit à Al-Jazeera que les Bédouins continuent à faire face aux mêmes problèmes bien qu’à un degré moindre et que la décharge a rendu les vies des habitants misérables.

Il dit qu’il y a encore quelques années le village était couvert de sacs en plastique et que près de 200 brebis mourraient tous les ans étouffées par les sacs ou pour avoir bu dans le bassin de rejets liquides.

« Le pire reste l’odeur constante de produits chimiques. C’est toute la journée et nous ne nous habituons pas » dit-il ajoutant que la nuit les habitants peuvent quelquefois voir des feux près de la décharge à cause de l’importante concentration de méthane exsudant du bassin de déchets.

Khalil lui-même a dû être traité pour des problèmes respiratoires plusieurs fois à cause de la pollution.

Selon Lifshitz la fermeture de la décharge par Israël n’a pas grand-chose à voir avec l’impact grave sur la santé et l’environnement des communautés palestiniennes voisines mais elle a plutôt été motivée par le désir de promouvoir un plan hautement contesté de relocalisation forcée des communautés bédouines.

« On ne nous déplacera plus »

« La raison principale pour laquelle ils ont fermé le site de la décharge était pour pouvoir y transférer les Bédouins » dit Lifshitz directement. Israël menace la tribu bédouine Jahalin – devenue une première fois réfugiée en 1948 lors de la création d’Israël – qui vit près de Maale Adumim de transfert forcé car sa présence empêche l’expansion prévue de la méga-colonie.

Les Bédouins du village voisin al-Jabel ont été relocalisés de force près du site de la décharge après qu’Israël a démoli leurs maisons et les a expulsés d’une zone rurale près de Maale Adumim dans les années 1990 pendant la première expansion de la colonie.

Selon Lifshitz Israël a maintenant un nouveau plan pour la communauté qui une fois encore se trouve sur le chemin de l’expansion coloniale implacable d’Israël : le transfert forcé de la population vers le site de la décharge d’Abu Dis. Le projet de relocalisation va toucher quelques 20 communautés bédouines.

Lifsitz lisant un document en hébreu dit à Al-Jazeera qu’en mai dernier une commission officielle israélienne a discuté des manières de réhabiliter le secteur pour préparer les transferts de population. Pour la commission le plan le plus réalisable était de répandre les déchets vers l’autre côté de la vallée de manière à niveler les ordures et la terre.

Khalil dit que l’administration civile d’Israël a également approché la communauté de Wadi Abu Hindi pour qu’elle déménage sur le site de la décharge. « Ils nous disent qu’ils déverseront davantage de terre sur les déchets et que ça sera un joli endroit où vivre dans le futur » dit-il d’un air incrédule.

En plus de la décharge et des craintes d’une expulsion forcée de Wadi Abu Hindi les habitants ont aussi affaire aux Israéliens de la colonie Qedar qui vident l’eau de leurs piscines dans la partie inférieure de la vallée où résident les Bédouins.

« Ils le font tous les deux ou trois jours » dit Khalil à Al-Jazeera. « Nous essayons d’empêcher nos brebis de boire l’eau. Mais nous n’y arrivons pas tout le temps. Le chlore les rend malades et il arrive qu’elles en meurent. » L’eau des piscines détruit aussi l’herbe dans la zone dont la communauté dépend pour faire paître les troupeaux ajoute Khalil.

Selon lui les colons évacuant leurs déchets sur la communauté est une autre des tactiques israéliennes pour les forcer à quitter la région. « Mais nous ne partirons pas » dit-il. « On nous a déplacés une fois mais on ne nous déplacera plus. »

http://www.ism-france.org

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