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HRW : Des habitants palestiniens de Jérusalem déchus de leur statut de résident par Israël

mardi 22-août-2017

(Jérusalem le 8 août 2017) – La révocation par Israël du statut de résident de milliers d’habitants palestiniens de Jérusalem-Est au cours de plusieurs années illustre le système à deux vitesses en place dans cette ville a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. Le système de résidence impose aux Palestiniens des exigences contraignantes pour maintenir leur statut avec de lourdes conséquences pour ceux qui ne parviennent pas à y répondre.
Entre 1967 – première année de l’occupation de Jérusalem-Est par Israël – et la fin de 2016 les autorités ont révoqué le statut de résident d’au moins 14 595 Palestiniens de cette municipalité selon le Ministère de l’Intérieur. Les autorités ont justifié la plupart des cas de révocation en se fondant sur l’incapacité d’apporter la preuve d’une « résidence principale » à Jérusalem mais ces dernières années ont aussi procédé à des révocations en guise de punition individuelle à l’encontre de Palestiniens accusés d’avoir attaqué des Israéliens et en tant que punition collective visant les familles d’attaquants présumés. Ce système discriminatoire oblige de nombreux Palestiniens à quitter leur ville natale ce qui équivaut à des transferts forcés une grave violation du droit international.
« Israël affirme que Jérusalem est gérée en tant que ville unifiée mais en réalité il s’agit de certaines règles pour les résidents juifs et d’autres règles pour les Palestiniens » a déclaré Sarah Leah Whitson directrice pour de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « La discrimination profondément ancrée à l’encontre des Palestiniens de Jérusalem – y compris des règles de résidence qui fragilisent leur statut juridique – contribue à l’aliénation de nombreux habitants de la ville. »
Human Rights Watch a mené des entretiens avec huit familles de Jérusalem dont le statut de résident a été révoqué durant la période mars – juillet 2017 ainsi qu’avec leurs avocats et a examiné divers documents officiels dont les courriers de révocation et les décisions des tribunaux. L’identité de plusieurs des personnes interviewées a été dissimulée afin de protéger leur vie privée et d’empêcher d’éventuelles représailles de la part des autorités.
Un Palestinien dont le statut de résident a été révoqué par Israël a déclaré qu’il avait dû escalader la barrière de séparation israélienne pour assister à un mariage dans sa famille dans une autre partie de la Cisjordanie. Un autre a déclaré que les autorités israéliennes ont refusé de délivrer des certificats de naissance à ses cinq enfants tous nés à Jérusalem. D’autres habitants de Jérusalem sans statut de résident qui ont été interviewés ont précisé être dans l’incapacité de travailler dans un cadre légal de bénéficier de prestations sociales d’assister aux mariages ou aux enterrements ou de rendre visite à l’étranger à des parents gravement malades de peur que les autorités israéliennes ne refusent de les autoriser à rentrer chez eux.
Les révocations du statut de résident font partie de diverses mesures – mise en place de colonies illégales démolitions de maisons et restrictions des permis de construire – qui ont modifié la démographie de Jérusalem-Est. Cette réalité reflète l’objectif – énoncé par le gouvernement israélien dans le « Plan Jérusalem 2000 » (« Jerusalem Outline Plan 2000 ») – de « maintenir une majorité solide de Juifs dans la ville » en limiteant le nombre d’habitants palestiniens. Apres avoir au départ établi un ratio-cible « de 70 % de Juifs et 30 % d’Arabes » les autorités ont ensuite reconnu que « ce but n’est pas réalisable » au vu des « tendances démographiques » et l’ont réajusté à un objectif de 60 % – 40 %. En 2015 les Palestiniens représentaient 37 % de la population de Jérusalem selon le Bureau Central israélien de atatistiques.
Après avoir occupé Jérusalem-Est en 1967 Israël a annexé le territoire et a commencé à lui appliquer sa législation nationale. Le gouvernement a appliqué la Loi sur l’Entrée (Law of Entry ) de 1952 aux Palestiniens de Jérusalem-Est et leur a offert le statut de résident permanent le même statut que celui offert à un étranger qui veut habiter en Israël. Les résidents permanents ont la permission d’habiter de travailler et de recevoir des prestations en Israël mais ce statut découle de leur présence et peut être retiré si on s’établit hors d’Israël. Il n’est pas automatiquement transmissible à ses enfants ou au conjoint non-résident et peut être annulé à la discrétion du Ministère de l’Intérieur.
Les habitants palestiniens de Jérusalem ayant le statut de résidents permanents ont la possibilité de demander la citoyenneté israélienne mais la majorité d’entre eux s’abstiennent de le faire en raison de l’obligation dans ce cas de faire serment d’allégeance à Israël la puissance occupante. En outre la citoyenneté n’est pas accordée à tous ceux qui en font la demande. Depuis 2003 parmi les 330 000 habitants palestiniens de Jérusalem environ 15 000 personnes ont demandé la citoyenneté israélienne ; les autorités israéliennes n’ont répondu favorablement qu’à moins de 6 000 des demandes.
Pendant des décennies les autorités israéliennes ont révoqué le statut de résident d’habitants palestiniens de Jérusalem qui avaient vécu à l’extérieur d’Israël pendant sept ans ou davantage sans renouveler leur autorisation de sortie ou avaient obtenu un statut de résident permanent ou la citoyenneté d’un autre pays. La plupart des révocations cependant ont eu lieu depuis 1995 après que le Ministère de l’Intérieur a réinterprété la Loi sur l’Entrée de 1952 pour permettre l’annulation du statut de résident pour ceux qui n’ont pas maintenu activement un « lieu de vie principal » (« center of life ») à Jérusalem. En fonction de la nouvelle interprétation les autorités israéliennes ont commencé à annuler aussi le statut de résident quand les habitants palestiniens de Jérusalem habitaient dans d’autres parties de la Palestine en dehors des limites de la municipalité ou étudiaient ou travaillaient à l’étranger pendant des périodes prolongées.
Les habitants de Jérusalem qui sont citoyens israéliens n’ont pas à faire la preuve qu’ils maintiennent « un lieu de vie principal » dans la ville afin de sauvegarder leur statut juridique.
Les autorités israéliennes ont aussi ces dernières années annulé le statut de résident de Palestiniens de Jérusalem-Est en application de la Loi sur l’Entrée pour avoir enfreint leur « obligation minimale de loyauté envers l’État d’Israël ». Après l’avoir utilisée pour la première fois à l’encontre de quatre membres du Hamas élus au Conseil Législatif Palestiniens en 2006 les autorités ont suite à un décret gouvernemental d’octobre 2015 invoqué cette justification à l’encontre de personnes accusées d’avoir attaqué physiquement des Israéliens et à l’encontre des familles des suspects.
Les révocations du statut de résident forcent souvent les habitants palestiniens de Jérusalem-Est – qui sont pourtant en théorie protégés par les obligations incombant à toute puissance occupante dans le cadre de la Quatrième Convention de Genève – à quitter le territoire dans lequel ils habitent. Cela constitue des transferts forcés quand elles provoquent un déplacement vers d’autres parties des Territoires Palestiniens Occupés et des déportations quand le déplacement se produit vers l’extérieur du pays. La Convention autorise de telles mesures uniquement à titre temporaire en cas d’« impérieuses raisons militaires » (art. 49). Echouer à maintenir un « lieu de vie principal » à Jérusalem ne répond toutefois pas à la norme restrictive contenue dans la Convention.
La déportation ou le transfert forcé d’une quelconque partie de la population d’un territoire occupé pourraient représenter des crimes de guerre dans le cadre du Statut de Rome de la Cour pénale Internationale. L’interdiction du transfert forcé s’étend au-delà des cas dans lesquels une force militaire installe directement ailleurs une population qui est sous son contrôle à des cas dans lesquels la force militaire rend la vie si difficile que les gens sont par nécessité obligés de partir. Le droit humanitaire protège aussi le droit de quitter librement son propre pays et d’y revenir.
Le droit humanitaire interdit aussi expressément à une puissance occupante d’obliger les gens sous occupation à lui promettre allégeance ou loyauté.
Dans une décision de mars 2017 la Haute Cour de Justice israélienne a statué que les Palestiniens de Jérusalem-Est bénéficient d’un “statut spécial” en tant que résidents “autochtones” dont les autorités doivent tenir compte en déterminant leur statut de résident. En accord avec la stricte interdiction par le droit international du déplacement forcé ou de la déportation les autorités israéliennes doivent accorder aux habitants de Jérusalem le droit de résidence auquel ils sont habilités en tant que population d’un territoire occupé ainsi qu’en application du droit humanitaire international. Les Palestiniens ne doivent pas devoir chercher à obtenir la citoyenneté tandis qu’ils sont sous occupation pour que leur statut et leurs droits soient garantis.
« Dans le cadre de leurs efforts visant à consolider une majorité d’habitants juifs à Jérusalem les autorités israéliennes forcent les habitants palestiniens de cette ville à vivre comme des étrangers dans leurs propres foyers » a conclu Sarah Leah Whitson. « Leur statut de résident n’est garanti que s’ils s’abstiennent de voyager à l’étranger pour y étudier ou travailler de déménager vers un quartier mal vu ou de demander un statut de résident dans un autre pays. »

Source: https://www.hrw.org/fr/news/2017/08/08/israel-des-habitants-palestiniens-de-jerusalem-dechus-de-leur-statut-de-resident

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