Urgent

Fri 20-September-2024

Salah Hamouri prison du Néguev section 24: le peuple palestinien comme les autres ne veut pas vivre à genoux

mardi 14-novembre-2017

Arrêté le 23 août dernier chez lui à Jérusalem-Est par l’armée israélienne l’avocat Franco-Palestinien Salah Hamouri n’a toujours pas retrouvé la liberté. Cet avocat de 32 ans a été placé en détention administrative pour une durée de six mois sur simple ordre du ministère de la Défense de l’Etat israélien.
Selon l’avocate de Salah Hamouri les autorités israéliennes le suspecteraient de liens avec le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Une accusation que Salah Hamouri a contesté sans parvenir à se faire entendre.
Depuis sa prison du Negev où il est détenu arbitrairement (détention administrative sans procès ni charge) Hamouri réussi à faire parvenir à ses avocats cette lettre émouvante dont nous publions ci-dessous le texte intégral.
« J’ai ressenti une étrange sensation lorsque le 23 août aux alentours de 4h30 si je me souviens bien j’étais tiré de mon sommeil par des bruits sourds. Quelqu’un s’acharnait sur la porte de mon appartement et appuyait nerveusement sur la sonnette à répétition. Je me suis dit que je connaissais ce type de vandalisme mais dans les toutes premières secondes je pensais qu’il s’agissait d’un rêve. Je vis dans un bâtiment de six étages à Jérusalem-Est. Chaque étage est composé de deux appartements. Les soldats et leur commandant ne savaient exactement dans quel appartement je vivais alors ils ont frappé brutalement à chaque porte. J’ai alors eu une pensée pour mes voisins tous réveillés en plein nuit par les soldats terrorisant chaque famille je pouvais entendre des enfants pleurer.
Les soldats n’ont pas cessé de frapper sur ma porte jusqu’à ce que je finisse par ouvrir encore engourdit par le sommeil. Le premier soldat que j’ai vu portait une cagoule. Je ne pouvais voir que ses yeux remplis de haine. Il m’a alors hurlé dessus me demandant ma carte d’identité. Après vérification les soldats présents ont appelé du renfort en criant qu’ils avaient trouvé la personne qu’ils cherchaient. A la seconde où j’ai compris que la force occupante venait bien pour moi mon cerveau m’a envoyé un ordre clair : « Une nouvelle bataille commence là pour toi cet ennemi ne doit pas te vaincre une seule seconde ». Ils m’ont forcé à m’asseoir sur une chaise et trois soldats m’entouraient leurs armes pointées sur moi. Pendant ce temps-là leurs collègues ont fouillé tout l’appartement bouleversant les meubles les livres les vêtements… Je les sentais fébriles ils s’énervaient ils ne trouvaient rien de ce qu’ils cherchaient dans cet appartement. Le commandant a fini par donner l’ordre de repli. Ils m’ont alors ordonné de m’habiller pour partir avec eux. En marchant vers la porte d’entrée de mon appartement avant d’en sortir pour une durée qui m’était inconnue je fixais la photo de mon fils accrochée au mur. Dans son regard j’ai puisé de la force pour affronter les durs moments qui m’attendaient. Je l’imaginais me dire « Papa sois fort on sera vite réunis tous les trois ».
Je lui promettais alors de rester fort et de ne jamais donner l’occasion à cette occupation de nous confisquer notre humanité et de détruire notre vie comme elle s’acharne à le faire. Ils me bandèrent ensuite les yeux et me conduisaient dans une voiture blindée. La marche vers ce nouveau destin commençait. Une marche pénible vers un monde que je ne connais que trop bien. Un monde dans lequel nous devons rester forts humains et garder notre sourire en toute circonstance. Une nouvelle fois je suis conduit dans ce véhicule blindé vers l’endroit le plus sombre et le plus misérable pour un être humain : une prison de l’occupant.
En arrivant dans la prison du Neguev après deux semaines passées dans le centre d’interrogatoire tout me semblait tristement familier. Je suis rentré dans la section 24 j’ai vite reconnu les visages que j’avais quittés il y a quelques années. Je n’ai pas su quoi leur dire j’étais soudainement impressionné de les retrouver ici. Parmi eux certains sont derrière les barreaux depuis plus de quinze ans. Ils me questionnaient et je ne savais pas quoi leur répondre. « Qu’est ce qui est arrivé pourquoi es-tu là ? ». Je n’avais pas les réponses à leurs questions. Pas plus que je n’arrivais à leur parler de l’extérieur eux qui sont là depuis tant d’années. Que faisons-nous pour eux pendant qu’ils paient le prix de leur lutte?
En les retrouvant je me demandais si j’avais assez agi pour parler d’eux à l’extérieur. On a ensuite énormément discuté. Un détenu m’a dit « Ah tu es de retour on va parler de nous en France alors ! ». J’ai réalisé alors que malgré ma nouvelle privation de liberté je n’avais aucun doute sur le fait que la mobilisation allait se mettre en place en France c’est un véritable espoir pour moi et pour eux. J’ai pensé à toutes les personnes qui avaient déjà lutté pendant ma première incarcération et depuis toutes celles et ceux que j’ai rencontrés en France et en Palestine. Aucun doute qu’ils seraient tous à nouveau au rendez-vous pour dénoncer l’injustice qui nous frappe.
Et des éléments que je reçois par fragments je sais que vous êtes même plus nombreux que la dernière fois ! Des personnalités que j’apprécie des élu-e-s des citoyen-ne-s en nombre plus nombreux encore vous vous êtes mobilisés pour dénoncer l’injustice l’arbitraire et pour exiger ma libération.
Je vous en remercie très sincèrement. Je veux vous dire aussi que je serai digne du soutien que vous m’accordez. On ne marchande pas la liberté même si on la paie parfois très chère. Ce n’est pas une question d’entêtement mais de dignité et de principe : pour la liberté je ne lâcherai rien. Le peuple palestinien comme tous les autres ne veut pas vivre à genoux. Et quelle force cela nous procure que de savoir que vous aussi vous n’avez pas l’intention de lâcher. Cela l’occupant ne le mesure pas. Moi je le ressens au fond de moi. Et c’est pourquoi même quand il pleut je pense au soleil qui vient… »

Salah Hamouri prison du Negev section 24

http://www.huffpostmaghreb.com

Lien court:

Copied