Journée extrêmement tendue à Jérusalem-Est la partie arabe de la ville où des centaines de musulmans ont tenté de pénétrer sur l’esplanade des Mosquées le troisième lieu saint de l’islam pour la prière du vendredi alors que les autorités israéliennes interdisaient l’accès de la zone aux fidèles de moins de 50 ans «pour des raisons de sécurité». A l’appel du Hamas et du Fatah qui avaient proclamé une «journée de la colère» des échauffourées ont éclaté devant les portes de la vieille ville mais également devant les points de passage de Kalandia et de A-Ram entre la Cisjordanie et Israël ainsi que dans plusieurs villes de Cisjordanie dont Hébron Tulkarem et Bethléem. En fin de journée d’autres émeutes ont éclaté le long de la ligne de séparation entre Israël et la bande de Gaza.
Selon le Croissant-Rouge palestinien trois manifestants ont été tués par balle et une centaine ont été blessés. Les médias palestiniens affirment que l’une des victimes – un ado âgé de 17 ans – aurait été «assassinée par un colon» de Ras al-Amoud (une petite implantation juive située au milieu du quartier arabe de Jérusalem du même nom) mais cela n’est pas démontré.
Portails magnétiques
Tout a débuté vendredi dernier lorsque trois Arabes israéliens ont abattu deux policiers de l’Etat hébreu de faction dans la vieille ville. Après une course-poursuite entrecoupée d’échanges de tirs ils ont été rattrapés sur l’esplanade et abattus. Le complice qui leur avait fourni des armes a été arrêté trois jours plus tard. Dans la foulée Benyamin Nétanyahou et son ministre de la Sécurité intérieure Gilad Erdan (Likoud) ont autorisé la police à fermer l’esplanade des Mosquées durant deux jours afin d’y procéder à des perquisitions. Des photos de manches de pioches de chaînes ainsi que d’un fusil-mitrailleur et de deux armes de poing ont ensuite été diffusées par les services d’Erdan.
Sur suggestion de la police Nétanyahou et Erdan ont alors décrété l’installation de portails magnétiques que les milliers de musulmans se rendant quotidiennement aux prières devront désormais franchir pour pénétrer sur l’esplanade. Une «humiliation inacceptable» pour le mufti de Jérusalem pour les organisations palestiniennes mais également pour les députés arabes israéliens qui appellent les fidèles à refuser les contrôles sécuritaires.
«Toucher à l’esplanade des Mosquées c’est toucher à l’âme d’un musulman et à ce qu’il y a de plus profond en nous» affirme le député Jamal Zahalka présent vendredi devant la vieille ville. «Si Nétanyahou et Erdan veulent que le calme revienne il doit laisser le Waqf [l’instance musulmane gérant les lieux ndlr] assurer la sécurité et pas lui imposer des mesures dont il ne veut pas.» Dans les ruelles vides de la vieille ville tous les magasins étaient fermés ce vendredi. A part les policiers un ou deux touristes japonais égarés et quelques pèlerins chrétiens on ne croisait personne.
Incidents nocturnes
Durant la semaine écoulée de nombreux incidents nocturnes se sont en tout cas produits entre des groupes de jeunes Palestiniens de Jérusalem et les forces de l’ordre de l’Etat hébreu (50 blessés dont certains par balle). Le mufti de Jérusalem a par ailleurs appelé «tous les musulmans» à délaisser leur mosquée habituelle pour venir prier à Jérusalem. «Le Haram al-Charif [l’esplanade des Mosquées ndlr] est plus important que tout et même que notre vie» a-t-il déclaré aux fidèles peu avant la grande prière du vendredi. «C’est un combat que nous devons mener jusqu’au bout.»
La situation était d’autant plus tendue que quelques heures auparavant le cabinet israélien de la Sécurité avait décidé de maintenir en place les portails métalliques malgré de nombreuses interventions européennes et américaines. En revanche il avait ordonné le déploiement de 6 000 policiers à Jérusalem ainsi que deux bataillons venus renforcer les trois postés de manière permanente en Cisjordanie. Un geste fort destiné à satisfaire l’opinion israélienne ainsi que les partis extrémistes de la coalition mais en contradiction avec les recommandations du Shabak (la Sûreté générale) pour lequel le gouvernement devrait agir avec doigté en raison du caractère explosif de la situation. De son côté après avoir écourté la visite officielle qu’il effectuait en Chine Mahmoud Abbas a demandé aux Etats-Unis d’intervenir. Revenu à Ramallah en urgence il a aussitôt réuni la direction de l’Autorité palestinienne et du Fatah pour décider de la suite des événements.