Thu 4-July-2024

Appel des Anarchistes contre le Mur

mardi 22-juillet-2008

Faire connaître la lutte de Ni’lin bouleverserait l’idée stéréotypée que veulent donner les principales sources d’informtions du conflit israélo-palestinien.

La résistance à la confiscation de la terre par Israël

Un « terroriste » se déchaîne sur un bulldozer et tue trois personnes à Jérusalem titre un article CNN relatant la récente agression par un travailleur palestinien de la construction qui a fait trois tués et de nombreux blessés israéliens. Une recherche sur Google montre que cette attaque violente a été citée dans 3 525 articles d’informations. USA Today The New York Times The Los Angeles Times BBC Fox News et Al Jazeera ainsi que tous les autres grands médias ont couvert l’incident. Des sources moins connues comme The Khaleej Times dans les Emirats arabes unis le Edmonton Sun au Canada et B92 en Serbie ont également fait leur titre de l’évènement. En effet on peut sans se tromper affirmer que presque tous les supports d’informations dans le monde ont assuré une quelconque couverture de l’agression.

Une autre recherche sur Google mais cette fois sur le nom de Ni’lin n’a donné que 75 réponses. Quelques grands médias ont évoqué l’histoire de la courageuse résistance de Ni’lin contre les saisies de sa terre par Israël une résistance organisée par les habitants de cette ville palestinienne de Cisjordanie occupée mais pas CNN ni The LA Times ni USA Today. Des journaux comme le Wall Street Journal et The New York Times ont publié une courte légende pas plus. Considérant qu’au cours des deux mois qui viennent de s’écouler les habitants de Ni’lin ont réussi à marquer d’une croix l’histoire de l’opposition d’un peuple la couverture limitée de leur campagne ne relève pas de la simple négligence.

L’histoire de Ni’lin est celle d’une dépossession qui va crescendo. Les habitants de cette cité rurale ont perdu une grande partie de leur terre lors de la guerre de 1948. Après celle de 1967 Israël a profité de la localisation de la ville proche de la Ligne verte reconnue internationalement pour commencer à confisquer sa terre au profit des colonies juives. D’abord ce furent 74 dunums (4 dunums = un acre 10 dunums = 1 ha) qui ont été saisis pour la colonie de Shilat. Puis 661 autres dunums pour construire la colonie de Mattityahu. En 1985 934 dunums ont été confisqués pour construire Hashmonaim et 6 années plus tard Israël s’approprie 274 dunums pour la colonie de Mod’in Illit. Finalement en 1998 20 dunums de plus sont réquisitionnés pour la colonie de Menora. En tout les Palestiniens ont été expropriés de plus de 13% de la terre de leur ville au profit des colonies.

 Israël commence la construction du mur de séparation déclaré illégal par la Cour internationale de Justice de La Haye. Récemment a débuté la construction de la section du mur proche de Ni’lin ; si elle était achevée 2 500 dunums supplémentaires soit 20% de la terre restant en possession des habitants seraient saisis.

Cette fois cependant les habitants en ont eu assez. Début mai ils ont lancé une campagne populaire pour que cesse leur dépossession et en dépit des tentatives pour réprimer ce soulèvement par la violence – notamment avec un couvre-feu et des tirs qui ont fait près de 200 blessés – ils ne sont pas disposés à baisser les bras. Ce n’est pas un exploit mineur car selon les annales de l’histoire il est extrêmement rare qu’une ville tout entière se lève comme un seul homme et commette chaque jour des actes de désobéissance surtout en étant confrontée à de telles réactions violentes.

Les évènements qui se déroulent à Ni’lin fournissent aussi les ingrédients parfaits d’une véritable histoire. Durant les trois premiers jours de couvre-feu les ambulances n’ont pas été autorisées à rentrer dans la ville ; le corps d’un habitant décédé est resté pendant quatre heures à l’entrée de Ni’lin avant que l’armée ne laisse la famille le récupérer pour les funérailles ; une femme sur le point d’accoucher a été empêchée de quitter le village et a dû mettre son enfant au monde chez elle ; un garçon de 12 ans a été enlevé de son domicile par les soldats et détenu pendant deux jours sans aucune charge contre lui ; des vieilles femmes ont été frappées ; et trois habitants ont été gravement blessés par des tirs à balles réelles.

Alors pourquoi la plupart des médias ne parviennent-ils pas à couvrir cette campagne qui se déroule actuellement ? La raison en est simple : faire connaître la lutte de Ni’lin bouleverserait l’idée stéréotypée que veulent donner les principales sources d’informations du conflit israélo-palestinien. Contrairement à l’attaque au bulldozer qui renforce la version du conflit que l’on veut graver dans les esprits les évènements de Ni’lin mettent à nue une réalité beaucoup plus complexe. Cette histoire ne montre pas des Palestiniens en train de commettre des actes de terrorisme contre une population civile mais plutôt des actes généralisés de désobéissance civile réitérés en dépit d’une répression impitoyable par la puissance occupante.

Un autre aspect de Ni’lin dément les stéréotypes existant c’est le fait que Palestiniens et juifs ne combattent pas dans des camps opposés dans cette bataille car nombre d’Israéliens juifs et de militants internationaux se tiennent aux côtés des habitants palestiniens quand il faut essayer de bloquer les bulldozers de l’armée qui détruisent la terre de Ni’lin. Et en effet parmi les blessés il y a de nombreux Israéliens.

L’histoire de Ni’lin est en d’autres termes celle d’un peuple colonisé qui résiste à la colonisation. Ce n’est pas ainsi que les principaux médias ont l’habitude de décrire le conflit israélo-palestinien et à en juger par les résultats de la recherche sur Google la plupart des éditeurs ne sont pas prêts de modifier leur approche. La campagne historique de Ni’lin – ainsi que toutes les autres campagnes non violentes de désobéissance civile de masse contre l’occupation comme à Bil’in et à A’ram – reste pour les journaux impropre à l’impression.

Epilogue

 Quand les militaires ont réalisé que la violence sur le terrain n’enrayait pas le dynamisme émancipateur des habitants ils ont alors procédé à l’arrestation de manifestants tant palestiniens qu’israéliens dans l’espoir que les frais juridiques extrêmement lourds y parviendraient.

Pour apporter votre aide aux dépenses juridiques résultant de la lutte à Ni’lin voir ci-dessous : « Appel des Anarchistes contre le Mur ».

Neve Gordon enseigne les sciences politiques à l’Université Ben-Gurion. Lire son nouveau livre ->L’occupation par Israël.

Du même auteur :

  Les « Anarchistes contre le Mur » sous le feu
  La mort de Samir Dari (avec Y. Bronner]
  Vin amer pour les Bédouins d’Israël

 

Appel des Anarchistes contre le Mur

 

Chers amis

Avec le coût juridique de plus en plus élevé du combat commun Palestiniens/Israéliens contre l’occupation et l’intensification du harcèlement juridique à l’encontre des militants palestiniens nous sommes contraints de lancer cet appel pressant à financement. Nous vous demandons votre soutien pour que le groupe israélien des Anarchistes contre le Mur (AATW) puisse continuer son action et peut-être plus important encore pour nous permettre de développer notre capacité de financement juridique et couvrir aussi le coût juridique de la défense des Palestiniens arrêtés lors des manifestations.

Depuis 2003 le groupe soutient la lutte des Palestiniens contre l’occupation israélienne et plus particulièrement contre le Mur de ségrégation d’Israël. Semaine après semaine AATW se joint à la résistance populaire palestinienne contre le Mur en divers secteurs de la Cisjordanie notamment dans les villages d’al-Ma’asara au sud de Bethléhem de Beit Ummar au nord de Hébron de Bil’in et récemment presque quotidiennement à Ni’lin à l’ouest de Ramallah. Sur ces sites l’armée prend des mesures extrêmes pour réprimer les manifestations allant parfois jusqu’à tirer à balles réelles à en faire le siège ou y imposer des couvre-feux.

Des centaines si ce n’est des milliers de militants ont été arrêtés et des dizaines ont été inculpés pour avoir participé à cette lutte. Heureusement le groupe est représenté par une avocate convaincue Gaby Lasky. Elle travaille sans relâche pour défendre les militants arrêtés lors des manifestations ou de différentes actions en Cisjordanie et en Israël. Bien que la défense qu’elle assure pour AATW lui demande quasiment un temps complet elle accepte de ne recevoir que des honoraires symboliques. Cependant et en dépit d’une campagne de financement réussie l’an dernier AATW reste devoir à l’avocate environ 15 000 dollars.

Récemment nous avons vu que le harcèlement juridique de nos partenaires palestiniens s’intensifiait. Par solidarité nous faisons actuellement une collecte d’argent pour élargir notre capacité de financement juridique et pouvoir couvrir également le coût de la défense des Palestiniens arrêtés. Ceci en plus de la couverture de la dette citée plus haut et des dépenses de fonctionnement telles que communications et transports.

Nous vous invitons ardemment à lire cet article dans The Nation : Le combat d’une ville de Cisjordanie pour sa survie sur la récente lutte à Ni’lin

et nous vous remercions de faire un don qui nous permettra de continuer ce combat.

Plus d’informations sur AATW nos actions et sur la façon de procéder à ce don : voir notre site

ou contacter nous par mel : [email protected]

 

1) – 19/20 juillet 2008 – Counterpunch
2) – 20 juillet – AATW
traductions : JPP

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