Il y a quelques temps il y a eu dans le mur une ouverture assez grande pour le passage d’une voiture. Maintenant elle est fermée. L’endroit est vide. Un jeune homme marche vers moi me passe à côté et disparaît dans le fossé. Et il est parti. Je le suis dans le large fossé. Le fossé fait quatre mètres de large avec de l’eau sale et brune. Je vois quatre grosses canalisations de ciment. Trois d’entre elles sont bouchées par des blocs de ciment.
Les obstacles de la quatrième ont été enlevés. Ca pue ça sent l’égout. Je perds l’équilibre et mon pied droit glisse dans la boue de l’égout. Je me penche et je regarde dans la conduite en ciment mon appareil de photo prêt. Je vois une ombre au bout de la canalisation à 15 mètres. Je lève mon appareil mais immédiatement j’entends un homme qui me crie : « S’il vous plaît s’il vous plaît ne prenez pas de photo. »
Je vois un vieil homme arriver par le tunnel. Les jambes écartées sur les bords il essaie de passer. Parfois il s’aide de sa canne qu’il enfonce dans l’égout. De l’autre main il porte un petit sac. Il glisse un peu. Lorsqu’il sort du tunnel il me regarde voit mon appareil de photo et dit : « Merci ». Je le suis pendant quelques mètres.
D’abord il sort de son sac une paire de chaussures noires et met la paire sale dans le sac. Regarde ses pantalons voit qu’ils n’ont pas été salis. Nettoie sa canne avec un mouchoir. Me dit qu’il va voir sa femme à l’hôpital. Elle y est depuis quelques semaines. Sa femme a été transportée à l’hôpital lorsqu’il y a une ouverture dans le mur. Il me dit qu’il a toujours vécu à Jérusalem mais que le mur qui passe maintenant au nord le coupe de la ville. Il vit dans le quartier Al-Ram. Il repart vite pour avoir le plus de temps possible avec sa femme avant de devoir rentrer dans la soirée. « J’espère que l’eau n’aura monté d’ici là » dit-il.
Je traverse le tunnel. Monte de l’autre côté. Vois quelques gamins qui y grimpent. Ils me demandent ce que je pense du mur. Me disent qu’ils se sentent humiliés. Disent qu’ils arrivent sales à l’école tous les jours et sont sales lorsqu’ils rentrent chez eux. L’école est d’un côté du mur la maison de l’autre les Palestiniens des deux côtés.
Le mur sépare les Palestiniens. Scinde la terre. Tous les jours ils doivent passer par un égout pour aller à l’école pour aller travailler ou pour aller voir un bien-aimé malade.
Deux jeunes que j’ai pris en photo lorsqu’ils sortaient du tunnel me demandent de rester un peu. Ils me disent qu’ils passent par le tunnel pour aider leur mère. Leur mère porte une robe noire et un petit sac à main marron. Je leur promets que je ne prendrai pas de photo. Avec soin ils relèvent sa robe la portent presque à travers le tunnel. L’eau de l’égout est trop profonde son pied glisse dans l’eau et elle crie. Bientôt tous les trois reviennent en arrière. Un des jeunes dit qu’il faudra qu’ils essaient une autre fois lorsque l’eau sera plus basse.
Je suis arrivé tôt le matin. La plupart des gens d’Al-Ram passe par le tunnel pour aller à Jérusalem. Ils reviennent dans l’après-midi pour être chez eux avant la tombée de la nuit.
Il y a dans le mur une grille large fermée de 10 mètres de large près des canalisations de l’égout. Le mécanisme de fermeture de la grille est sophistiqué et elle ne peut être ouverte que par les forces de l’occupation par de jeunes soldats. Assez bizarrement de jeunes enfants peuvent se glisser à travers la grille parce qu’il y a une ouverture de 20 centimètres sur un côté. Quelques adolescents essaient mais ne peuvent pas se serrer suffisamment. Pour ceux qui ont moins de 15 ans il y a une ouverture étroite. Si vous êtes plus vieux vous devez passer par l’égout.
D’abord je n’ai pas compris pourquoi l’armée a laissé cette petite ouverture dans la grille. Et je n’ai pas compris pourquoi le tunnel d’égout restait ouvert. Après quelques heures j’ai commencé à voir la configuration et c’est dans celle-ci que se tient probablement la réponse.
En face de moi je vois la femme que ses fils essaient d’aider à traverser l’égout qui renonce parce que la boue est trop profonde qui veut garder sa dignité. Je vois l’homme que ne veut pas être photographié. L’homme qui ne veut pas que son humiliation soit montrée.
Source : Counterpunch
Traduction : MR pour ISM