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Pourquoi la suppression de l’aide des Etats-Unis à l’Autorité palestinienne n’est pas une mauvaise idée

dimanche 7-janvier-2018

De nombreux observateurs et analystes préviennent que la suppression de l’aide états-unienne à l’Autorité palestinienne (AP) est dangereuse et pourrait menacer la stabilité. Certains ont même fait valoir que la menace du Président Donald Trump sur l’aide aux Palestiniens est plus dangereuse que sa décision de déménager l’ambassade des Etats-Unis (EU) en Israël à Jérusalem.
« Pensez-vous que les jours de l’AP sont maintenant comptés ? » est l’une des questions les plus récurrentes des journalistes ces derniers jours après la déclaration de Trump que « nous donnons aux Palestiniens des centaines de millions de dollars par an et n’obtenons ni reconnaissance ni respect. Ils ne veulent même plus négocier. »
Actions contre les Palestiniens
Trump a continué en disant « avec les Palestiniens qui ne veulent plus parler de paix pourquoi devrions-nous continuer ces versements massifs à l’avenir ? ». Cependant la menace de Trump de retirer son aide à AP ne devrait pas être une surprise.
L’aide américaine a toujours été utilisée comme un outil politique et les conditions qui lui sont attachées ont été préjudiciables et dommageables aux Palestiniens.
Mais au cas où la menace de couper l’aide à l’AP se concrétise est-ce vraiment si mauvais ? Je pense que non ; ce n’est pas si mal. On peut dire que cela peut s’avérer bénéfique – peut-être pas à court terme mais à long terme certainement.
L’aide états-unienne à l’AP vise essentiellement à consolider son rôle en tant que sous-traitant de l’occupation israélienne et a rendu l’occupation israélienne moins couteuse et plus longue ce qui a bénéficié à l’économie israélienne ancré la fragmentation palestinienne et nié le potentiel de la démocratie palestinienne. Pour toutes ces raisons la coupe de l’aide des EU à l’AP n’est pas si mal.
Le premier objectif des EU vis-à-vis de la Palestine est de promouvoir « la prévention et l’atténuation du terrorisme contre Israël ». En d’autres termes l’aide est fournie aux Palestiniens pour sécuriser Israël ; mais est-ce une aide aux Palestiniens ou à Israël ?
Paradigme Israël-d’abord
Selon ce paradigme sécuritaire Israël-d’abord l’administration des EU a versé des millions de dollars d’aide à l’AP pour « professionnaliser » ses forces de sécurité pour la stabilité et la sécurité d’Israël son occupation et les colons de Cisjordanie occupée.
Cette logique biaisée signifiait que l’AP devenait un sous-traitant de l’occupation israélienne grâce à l’aide sous conditions des EU. Ce qui a non seulement soutenu l’occupation israélienne mais a aussi profité à Israël à son économie et à ses entreprises. L’aide états-unienne aux Palestiniens sert souvent à payer directement les créanciers de l’AP dont beaucoup sont des entreprises israéliennes qui pratiquent des tarifs prohibitifs et profitent de l’économie captive de l’AP.
En outre la majorité de l’aide des EU à la Palestine (jusqu’à 72%) en particulier l’aide titrisée finit dans l’économie israélienne. Par conséquent une grande partie de « l’aide » des Etats-Unis aux Palestiniens se traduit de fait par un soutien supplémentaire à Israël et à son appareil sécuritaire.
L’aide des EU a également ancré la fragmentation palestinienne au cours de la dernière décennie et alimenté le fossé entre la Cisjordanie et la Bande de Gaza. De plus l’aide nie non seulement le potentiel de la démocratie palestinienne mais parraine l’émergence d’un style de gouvernance autoritaire en Cisjordanie .
Les procédures de sécurisation sponsorisées par les EU visent à criminaliser la résistance contre l’occupation israélienne et à étouffer les besoins et les aspirations du peuple palestinien.
Intervention de l’aide des EU
Les opérations et les interventions de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) et le bureau du Coordonnateur de la sécurité des Etats-Unis (USSC) ont contribué à causer tous ces préjudices. Ce faisant ces deux institutions ont non seulement violé les principes internationaux clés de la fourniture de l’aide mais elles agissent également de fait comme un bras complémentaire de l’occupation coloniale israélienne.
Certes ces dommages et conséquences néfastes de l’intervention de l’aide des EU ne seront pas automatiquement inversés si la menace de Trump de supprimer l’aide devient une réalité.
C’est beaucoup plus complexe que cela car il faudra démanteler des structures complexes des dynamiques et des institutions qui ont émergé et se sont consolidées au cours du dernier quart de siècle.
Ce qui est crucial à ce stade c’est que les Palestiniens ne paniquent pas et ne maudissent pas leur chance de « perdre » 300 millions à 400 millions de dollars par an ; ils devraient plutôt agir – et ils ont beaucoup de choix. Pour commencer ils devraient tenir l’USAID et l’USSC pour responsables et abroger les dérogations que le défunt dirigeant palestinien Yasser Arafat a données à l’USAID pour fonctionner sans aucune surveillance palestinienne.
Inversion du processus de contrôle
Il est temps d’inverser le « processus de contrôle » ; au lieu que ce soit l’USAID qui contrôle les Palestiniens il est temps que les Palestiniens procèdent au contrôle nécessaire de l’USAID et autres organismes états-uniens dans l’industrie de l’aide en Palestine.
Pour ce faire il faut de la volonté et du courage politiques parmi les dirigeants politiques palestiniens. Mais la direction actuelle de l’AP reste bloquée sur ses approches et formules d’échec.
L’incapacité de la direction de l’AP à réaliser de petites actions telles que la révocation des exemptions d’enregistrement de l’USAID reflète une crise de légitimité plus profonde et illustre les manœuvres tactiques des dirigeants actuels de l’AP pour gagner du temps rester au pouvoir ou réorganiser les cartes des pourparlers de « paix ». Il faut d’urgence résister à ces idées et les remplacer par de nouvelles directions stratégiques qui soient dictées par le peuple palestinien.
Le principal défi qui reste à relever est toutefois de savoir comment canaliser les revendications et les aspirations du peuple palestinien vers des institutions politiques et représentatives légitimes.
Du point de vue du peuple palestinien ordinaire il y aura des conséquences négatives à court terme dans l’éventualité où la menace de Trump de couper l’aide se matérialise. Cependant il est également crucial de reconnaitre que l’aide à l’AP ne se traduit pas automatiquement par une aide au peuple palestinien.
Il est trompeur d’affirmer que l’aide et ses avantages se répercutent sur le peuple palestinien ordinaire. L’industrie de l’aide est conçue pour bénéficier à peu et à nuire à beaucoup.
Sam Bahour le président des Américains pour une économie palestinienne dynamique a récemment déclaré : « Je ne vais pas perdre le sommeil si le Congrès cesse totalement de financer l’Autorité palestinienne. Cela ne facilitera pas la vie quotidienne sous occupation mais peut-être cela réveillera suffisamment de leaders américains qui verront l’absurdité d’être menés comme un troupeau de moutons par leur éleveur israélien. »
Cela ne va m’empêcher de dormir moi non plus. Alors qu’une coupure de l’aide états-unienne aura quelques conséquences négatives sur les vies des Palestiniens les perspectives à long terme pourraient s’avérer plus positives car cette action pousserait l’AP à abandonner le cadre du modèle d’aide d’Oslo. Il est temps d’enterrer le modèle d’aide d’Oslo qui a échoué.
Mais un processus d’abandon progressif requiert des actions sérieuses des mesures concrètes et claires et un plan d’action/sauvetage national pour une transition vers une formule post-Etat et un cadre post-accords d’Oslo.
Enfin alors que l’aide humanitaire est importante ce qui importe plus pour les Palestiniens ordinaires n’est pas un bon pour avoir du blé ou des sardines mais plutôt les racines politiques pour lutter contre le déni de leurs droits.
Tant qu’on n’abordera pas la question de ces racines politiques peu importe la dimension de l’aide les Palestiniens ordinaires ne ressentiront pas le bénéfice positif de l’aide qu’elle vienne des Etats-Unis d’Europe ou des pays arabes.
La menace de Trump de couper l’aide offre aux Palestiniens ordinaires une nouvelle opportunité de placer les principes d’auto-détermination et de dignité au cœur du cadre et de l’industrie de l’aide.

Le docteur AlaaTartir est directeur de programme à Al-Shabaka : le réseau politiquepalestinien et chercheur associé au Centre sur les conflits le développementet la construction de la paix (CCDP) et à l’Institut de hautes étudesinternationales et de développement (IHEID) à Genève Suisse.

Source : Middle East Eye

Traduction : MR pour ISM

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