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La France doit reconnaître l’Etat palestinien

lundi 5-février-2018

La colonisation avance mais n’efface pas le droit des Palestiniens. Alors que les Etats-Unis doivent bientôt annoncer les détails de leur initiative de paix israélo-arabe l’Europe et la France ne peuvent se désintéresser de cette cause estiment Benoît Hamon et les membres de Génération.s
Les votes au Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale des Nations unies contre la décision américaine de reconnaître en Jérusalem la capitale d’Israël ont suscité une forte attention à travers le monde. Les Nations unies y ont démontré un bel exemple de ce qu’est le multilatéralisme que nous soutenons : celui où le droit ne le cède pas à la force où le collectif des nations ne se laisse pas dicter sa loi par le plus fort. C’est que le sujet est d’importance.
Nul besoin d’exposer le sujet dans toute sa complexité pour prendre la mesure de l’enjeu. Donald Trump pour des raisons de politique intérieure et parce qu’il méprise profondément le multilatéralisme et le droit bafoue le consensus international et entend faire reconnaître la réalité : Jérusalem appartient à Israël comme tout ce qu’Israël a conquis ou se réserve la possibilité de conquérir. Quelle ne fut pas sa surprise de s’entendre dire que ces réalités le monde entier ou presque se refusait à s’y résigner : les bulldozers ne dicteront pas leur loi à la communauté internationale et ne priveront pas les Palestiniens de leur droit légitime. Bien sûr la résistance de 14 membres du Conseil de sécurité et de 130 membres de l’Assemblée générale contre le diktat d’un seul ne renversera pas à lui seul le fait accompli de la colonisation israélienne. Mais Donald Trump a compris une chose avec les deux revers qu’il vient d’essuyer : la colonisation avance mais n’efface pas le droit des Palestiniens.
Nous devons en prendre acte et agir en conséquence. Les conditions sont réunies désormais pour reconnaître l’Etat palestinien. Dans quelques semaines l’administration américaine annoncera les détails de son initiative de paix israélo-arabe. Les contours n’en sont pas connus peut-être pas arrêtés encore. Mais on peut craindre le pire. Et alors il sera peut-être trop tard pour l’Etat palestinien car les Palestiniens auront été sommés d’accepter une formule au rabais dictée par le gouvernement de droite dure israélien. Agissons sans attendre.
Le décembre 2014 l’Assemblée nationale française a adopté une résolution «invitant le gouvernement français à reconnaître l’Etat de Palestine en vue d’obtenir un règlement définitif du conflit» israélo-palestinien. Ce texte avait servi de pierre de touche à une initiative diplomatique française dont le point d’orgue avait été la tenue à Paris le 15 janvier 2017 d’une conférence internationale sur le processus de paix au Proche-Orient. Cette conférence n’avait pas débouché sur des actions concrètes mais elle avait réuni largement la communauté internationale autour d’une idée forte et largement partagée : il n’y a pas d’alternative à la création d’un Etat palestinien vivant en paix aux côtés de l’Etat d’Israël.
L’Europe et la France ne peuvent se désintéresser de cette cause. Oui le terrorisme qui nous menace attire notre regard vers les théâtres de crise syro-irakien et libyen. Les migrations massives nous interrogent. La tragédie syrienne nous indigne. Mais si le chaos progresse dans ce monde arabe assailli de violence c’est aussi parce que ce conflit continue de heurter la conscience politique des Arabes et des Européens. Au sud de la Méditerranée l’injustice historique infligée aux Palestiniens est constitutive de la formation d’une conscience arabe moderne indépendamment de la religion et de la nationalité. Au nord l’enjeu ne se résume pas à la résolution d’un «conflit de basse intensité» ou d’une querelle de territoire. Il renvoie à la responsabilité historique des Européens d’aider l’Etat israélien né des décombres de la Seconde Guerre mondiale à s’insérer à long terme dans son environnement régional. Nous ne nous pardonnerions pas de voir Israël sombrer ni dans le chaos ni dans l’apartheid.
N’y voyons nulle tentation néocolonialiste ni aucun paternalisme occidental. Nous constatons avec dépit la division politique lancinante des forces palestiniennes depuis dix ans. Nous observons avec consternation le déni du gouvernement israélien face au rappel par le Conseil de sécurité des Nations unies de l’illégalité de la colonisation dans les Territoires occupés. Il est des situations historiques où le tête-à-tête entre les parties prenantes ne suffit pas. Nous le savons depuis l’échec d’Oslo. Sans une intervention résolue de la communauté internationale il n’y aura jamais d’Etat palestinien.
Or qu’on ne s’y trompe pas : la véritable sécurité d’Israël et la réussite de son projet historique passent par l’établissement d’un Etat palestinien vivant en paix à côté de l’Etat d’Israël sur la base de frontières négociées et reconnues par la communauté internationale. Il n’y a pas d’alternative. Nous empruntons ses mots à Ehud Barak qui en 2010 alors ministre de la Défense avait parfaitement exposé le dilemme qui se pose à la société israélienne : «Aussi longtemps qu’entre la Jordanie et la mer il n’y a qu’une seule entité politique nommée Israël elle finira par être soit non juive soit non démocratique… Si les Palestiniens votent aux élections ce sera un Etat binational et s’ils ne votent pas ce sera un Etat d’apartheid».
Bien sûr les chances d’une «percée» diplomatique sont faibles. Les forces du statu quo sont aujourd’hui trop fortes en particulier dans le gouvernement et la société israéliens. Les Européens sont divisés les Arabes démobilisés cette administration américaine a fait la preuve de sa nocivité et de sa caricaturale dévotion pour la cause israélienne. Pendant ce temps la situation empire. La question palestinienne est gérée sous un angle uniquement sécuritaire. L’Autorité palestinienne est assignée à la répression de la colère croissante de la jeunesse de Cisjordanie et de Gaza. La colonisation des terres s’accélère. Le statu quo est un leurre : la situation se dégrade chaque jour et le spectre d’une nouvelle explosion se rapproche.
Que pouvons-nous faire face au constat de lendemains plus turbulents encore que ne l’ont été ces derniers mois et années ? Face à l’impuissance de l’Europe à formuler une diplomatie répondant à ses intérêts et à ses valeurs ? Nous pouvons agir pour l’avenir. Reconnaître l’Etat palestinien c’est pour la France affirmer sa détermination à ne pas laisser le tumulte de l’histoire noyer les droits des peuples. Sortons de la dictature de l’actualité dépassons les visions de court terme et inscrivons notre action dans la durée.
Consacrons aujourd’hui la souveraineté et la légitimité des autorités palestiniennes qui demain incarneront le projet national des Palestiniens. C’est ainsi qu’Israël pourra à long terme espérer vivre en paix dans cette région où la violence ne doit pas être une fatalité. C’est aussi évidemment l’intérêt des Européens et une étape nécessaire de la refondation du dialogue entre le Nord et le Sud l’Occident et l’Orient les deux rives de la Méditerranée.

Signataires : Benoît Hamon avec Danièle Auroi Guillaume Balas Hadrien Bureau Naïma Charaï Pascal Cherki Nadia El Hajjaji Mila Jeudy Hella Kribi-Romdhane Aurore Lalucq Charlotte Lestienne Chloé Le Bail Noël Mamère Julia Paul-Zamour Michel Pouzol Ali Rabeh Barbara Romagnan Roberto Romero Alfred Spira membres de la coordination politique provisoire de Génération.s

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