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Ma leçon juive

dimanche 11-février-2018

L’oppression se fait sentir en continu dans toute la société palestinienne allant de celle du système de contrôle que l’état juif a imposé à la Palestine à l’oppression des normes culturelles telles que celles qui ont trait au patriarcat au genre et à la classe sociale qui à des degrés divers sont communes à toutes les sociétés.
En raison de la déchéance de l’humiliation et la dévaluation que subissent quotidiennement les Palestiniens même les exilés en suivant simplement le flot de nouvelles épouvantables venant de Palestine ou ceux piégés dans des camps de réfugiés on peut dire en s’inspirant de la phrase célèbre de James Baldwin à propos des noirs aux États-Unis les Palestiniens sont dans un état de rage permanent.
S’identifier en tant que victime d’oppression est un premier pas nécessaire à la prise de conscience politique de tout opprimé. Ce processus implique notamment d’identifier correctement votre oppresseur afin que votre rage vise la bonne cible – (dans le cas d’Israël malheureusement le tableau politique comprend des cibles multiples et variées).
A un niveau très viscéral la cible de la rage engendrée par le traumatisme de l’oppression ce sont les personnes les plus proches de vous qui vous oppriment collectivement en tant que communauté ou individuellement.
Si vous êtes ce que l’on appelle un Arabe palestinien de 48 à l’intérieur de la ligne Verte vous n’avez aucune difficulté à identifier votre ennemi comme étant la structure coloniale de violence et de pouvoir qu’est l’État juif dont vous êtes malgré vous un citoyen mais votre vécu inclut également vos concitoyens juifs qui ont usurpé votre patrie et adopté l’apartheid de l’état juif.
Si vous vous appelez Ahed Tamimi de Nabi Saleh en Cisjordanie vous savez que les juifs qui « s’installent » ou plutôt squattent sur votre terre et vous en dépossèdent sont vos ennemis et vous avez un sentiment de répulsion envers eux en tant que juifs surtout s’ils utilisent leur religion pour vous narguer et prétendre vous dominer.
La question qui se pose alors est à quel genre de juifs avons-nous affaire en Palestine ? Certains citoyens juifs d’Israël qui ne ferment pas les yeux sur l’oppression que l’état juif inflige aux Palestiniens l’ont posé cette question mais leur propre identité juive les préoccupe souvent encore plus que la souffrance des Palestiniens vivant sous le joug de l’oppression – comme si une « israélité » plus douce et bienveillante réglerait le problème.
Par exemple Yossi Klein éditorialiste de Haaretz demande :
« Quel genre de juifs sommes-nous ? N’avons-nous pas des yeux des mains des sentiments des affections des passions ? Ne pleurons-nous pas au cinéma ? L’officier de police de l’immigration n’a-t-il pas de cœur ? Le pilote qui bombarde Gaza n’a-t-il pas d’enfants ? Le cri d’un jeune enfant ne leur transperce-t-il pas le cœur ? Bien sûr que si et pourtant nous déportons bombardons et emprisonnons. Comment pouvons-nous faire cela avec un si grand cœur ? Le judaïsme ne ferait pas cela mais le judaïsme israélien le fait…. L’israélité est une religion insulaire qui se vante d’être ‘un peuple debout seul comme une marque d’honneur. Un judaïsme qui combat le départ de ses enfants qui nie l’existence des autres. Les laïcs sont des empoisonneurs les Arabes sont des cafards défoncés et les réfugiés sont un cancer. Il est plus facile de piétiner les autres lorsque le réfugié est un cancer et le handicapé un exploiteur l’Arabe inférieur et le pauvre un fainéant. Ce ne sont pas les juifs qui expulsent oppriment et maltraitent ce sont les Israéliens. Ce n’est pas le judaïsme qui est à blâmer c’est le judaïsme israélien. Nous sommes les Israéliens et voila notre judaïsme.
Ce qui n’est pas remis en question dans ce type de critique c’est le péché originel en Palestine la revendication formulée par les penseurs juifs de l’appropriation de la Palestine par les juifs.
L’israélité parmi les juifs et M. Klein entend par là le sionisme s’est aujourd’hui étendu bien au-delà d’Israël comme le montre un rapide aperçu du Mouvement sioniste américain et d’organisations juives partout dans le monde œuvrant pour Israël.
La légitimité d’Israël demeure incontestée chez de nombreux juifs et la fable de la « sécurité » de l’état juif sert de couverture à l’oppression pour qu’elle garde son crédit et sa légitimité dans l’opinion publique mondiale.
Un obstacle à la lutte contre la suprématie juive en Palestine c’est l’identification historique des juifs en tant que victimes (ce qu’Israël continue sans vergogne d’exploiter à ses propres fins). Cet état d’esprit empêche beaucoup de ceux (y compris des non-juifs) qui sont complices de l’oppression Israélienne des Palestiniens de reconnaître leur propre rôle d’oppresseur.
Les Palestiniens se défendent autant contre une culture invasive de suprématie juive que contre les violences physiques et la perte de leur terre et de leurs biens. Notre auto-défense vise à ébranler les hiérarchies les idéologies et identités sociales existantes y compris l’identité juive.
Pour les Palestiniens tant musulmans que chrétiens l’affirmation sioniste la plus difficile à affronter concerne celle de l’identité juive. Il s’agit d’une identité exprimée par la Halachah (« loi juive ») et les normes sociales des communautés juives selon lesquelles l’identité juive se transmet de la mère au fils – ce qui veut dire que des critères religieux en soi ne définissent pas ce qu’est être « juif ». De là découle la revendication sioniste de l’autodétermination juive en Palestine.
La croyance des chrétiens qui pensent que Dieu leur ordonne d’être solidaires de l’état juif repose sur la conception que les juifs sont les descendants d’Abraham (littéralement) peu importe que les musulmans croient aussi qu’ils sont les descendants spirituels d’Abraham.
Les juifs tant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’Israël qui dénoncent l’identité juive telle que définie par les penseurs juifs sionistes comme Max Nordau et Vladimir Jabotinsky aident les Palestiniens à combattre cette culture invasive de suprématie juive en Palestine et à diriger la colère palestinienne vers les bonnes cibles les racistes et les fanatiques.
C’est pourquoi ce sont eux qui peuvent le mieux nous aider à opérer des changements politiques et sociaux en Palestine.

* Rima Najjar est une Palestinienne dont la famille du côté paternel vient du village de Lifta dans la banlieue ouest de Jérusalem dont les habitants ont été expulsés. C’est une militante chercheuse et professeure retraitée de littérature anglaise Université Al-Quds en Cisjordanie occupée.

05 février 2018 – The Palestine Chronicle – Traduction: Chronique de Palestine – MJB

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