Urgent

Tue 24-September-2024

Les Palestiniens ont fait de moi un reporter photographe

mardi 13-mars-2018

Le photographe japonais Ryuichi Hirokawa raconte comment la découverte de ce qui restait de villages arabes près du kibboutz où il s’était enrôlé après l’université a été le déclencheur qui l’a incité à reprendre son appareil photo et à découvrir et documenter l’histoire.
Adolescent Hirokawa avait pris des photos lors de ses voyages avec des amis dans les montagnes du Japon montrant des détails sur des villages isolés sur Hiroshima ou sur les luttes des aveugles dans le pays. Mais par la suite « il a oublié les photos ».
« En 1967 après l’université je suis allé en Israël » explique-t-il. « Je suis entré dans un kibboutz. Au Japon ils écrivaient que tous les kibboutz étaient des paradis ». Mais la guerre des Six-Jours l’a amené à s’interroger.
« Au Japon on nous enseignait que la guerre est mauvaise mais ici les gens se réjouissaient » explique-t-il.
« J’ai trouvé des ruines près du kibboutz j’ai demandé aux gens ce que c’était que ces ruines mais personne ne me répondait. Un ami juif m’a dit que c’était écrit à un endroit ». C’est dans ces ruines que Hirokawa est entré dans l’histoire de la détresse des Palestiniens. « J’ai compris que l’histoire se cachait là en Israël. J’ai recherché des gens qui pouvaient m’appendre cette l’histoire ».
« J’ai commencé à retrouver des villages et j’ai étudié ce qui leur était arrivé. Cela m’a pris plus de 30 ans mais j’ai pris des photos et j’ai fait des documentaires sur les villages palestiniens » dit-il.
« Les Palestiniens ont fait de moi un reporter photographe ».
Ce qu’a vécu sur le terrain cet homme de 72 ans ne lui a pas seulement appris l’histoire de la Palestine mais aussi l’importance de son travail.
Lors de son voyage au Liban en 1982 Hirokawa a visité les camps de Sabra et Shtila où il a rencontré un père dans la peine : « Il y avait un vieil homme qui sans cesse me demandait ‘pourquoi venez-vous maintenant ? Pourquoi n’êtes-vous pas venu un mois plus tôt ?’ Je ne comprenais pas ».
« Puis j’ai compris que son fils avait été tué un mois auparavant. Il m’a dit ‘Si un journaliste avait été là les soldats n’auraient pas pu tuer mon fils pas devant un journaliste ».
« Avant cela j’ai compris que les journalistes pouvaient prendre des photos et faire des reportages mais il a dit que je pouvais observer les gens » explique Hirokawa. De voir ce père affligé le poussait à entrer dans les camps de Sabra et Shatila après le massacre.
« Je me suis souvenu de cet homme sans journalistes alors que quelque chose d’horrible se produisait mais j’avais trop peur. Mon corps me disait de ne pas y aller que c’était trop dangereux. Le camp de réfugiés était fermé par les chars israéliens pourtant j’ai commencé à entrer ».
« Immédiatement j’ai trouvé un garçon mort des cadavres ».
Malgré ses craintes il dit que le souvenir de ce père en deuil l’a poussé à « y aller et à regarder et à parler ».
« J’ai pris des photos juste de ces corps morts. J’avais peur à ce moment-là. J’étais très triste de ne pouvoir prendre que des photos de cadavres. Il me fallait connaître les noms aussi j’ai voulu y retourner mais c’était difficile car Israël bouclait le camp » explique-t-il. « Un ans plus tard j’ai réussi à pénétrer dans le camp. J’ai retrouvé des familles de victimes et j’ai écrit leurs histoires. Quand j’ai eu fini un enseignant m’a demandé ‘pourquoi vous-êtes intéressé à des gens décédés ; pourquoi ne vous êtes-vous pas intéressé aux survivants ?’ Alors j’ai monté une exposition sur la guerre sur le massacre avec vingt photos d’enfants ».
Documenter ces villages palestiniens a pris 30 ans à Hirokawa mais durant ce temps il a aussi mis en place le Comité japonais pour les Enfants de Palestine une organisation caritative japonaise qui permet aux gens de parrainer des orphelins et de les voir à travers leur éducation tout en instaurant des instituts éducatifs pour eux au Liban.
« Les gens veulent aider » explique-t-il.

Par Shatha Khalil – Middle East Monitor – 19 mai 2016

Lien court:

Copied