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Quel est l’avenir de Gaza ?… (Quatrième partie)

mercredi 25-juillet-2018

Cihan Aksan & Jon Bailes – État de la nature – « One Question » est une série mensuelle dans laquelle nous demandons à des intellectuels de donner une brève réponse à une seule question. Ce mois-ci nous demandons : Quel est l’avenir de Gaza ?

Sara Roy
Sara Roy est chercheur au Centre d’études duMoyen-Orient de l’Université Harvard spécialisé dans l’économiepalestinienne l’islamisme palestinien et le conflitisraélo-palestinien. Elle est également coprésidente du Middle-East SQ parrainé conjointement par le Weatherhead Center for International Affairs et le Center for Hamas and Civil Society in Gaza: Engaging the Islamist Social SectorMiddle-East Studies. Parmi ses livres : The Gaza Strip: The Political Economy of De-development Failing Peace: Gaza and the Palestinian-Israeli Conflict et Hamas and Civil Society in Gaza: Engaging the Islamist Social Sector.
La question elle-même reflète le problème. Elle évoque Gaza comme étant à part – séparée d’Israël de la Cisjordanie et du monde. À cet égard Israël a incroyablement réussi. Il a non seulement isolé et contenu Gaza géographiquement économiquement et légalement mais il nous a aussi convaincus de comprendre et d’accepter Gaza comme quelque chose de distinct et terrible de très problématique et qui par conséquent ne mérite pas une existence normale et digne de considération.
La temporalité de Gaza a toujours défini l’approche d’Israël concernant ce territoire car Israël n’a jamais vraiment su quoi faire avec Gaza. Gaza a toujours été indisciplinée coupable de ce qui pour Israël est indéfendable et impardonnable : la défiance. Cela s’explique en partie par le traitement brutal du territoire par Israël dont un blocus qui est entré dans sa douzième année e ont eu lieut qui a détruit l’économie locale. Gaza était – et reste – le centre de la résistance palestinienne à l’occupation israélienne et à l’injustice qui la soutient.
Les récentes manifestations le long de la barrière isolant Gaza d’Israël qui dépassait parfois 30 000 personnes ont été un cauchemar pour Israël un signe avant-coureur des événements à venir. Il ne fait aucun doute que le gouvernement israélien est en train de lutter pour mieux contrôler Gaza. Cette question me dit-on est au cœur du plan de paix américain (d’autant plus que la Cisjordanie a effectivement succombé à la domination israélienne). Cependant le contrôle de Gaza dans le futur ne sera pas différent du passé. Gaza continuera d’être traitée comme un problème humanitaire ne nécessitant rien d’autre que des secours de subsistance. Définissant les paramètres de la politique d’Israël envers le territoire un responsable de la défense israélien était clair et succinct : « Pas de développement pas de prospérité pas de crise humanitaire ».
L’avenir de Gaza doit être éclairé par son passé; pourtant sa réalité vécue n’a aucun lien avec un passé ou un futur. La majorité des Gazaouis n’ont aucun souvenir de Gaza avant la destruction. L’histoire – à la fois récente et lointaine – n’est pas tant absente qu’oubliée et sans cette histoire pour aller de l’avant il n’y a pas de perspectives qui valent la peine d’être vécues ou d’attentes dignes de ce nom. Les gens sont tellement consumés par le présent que les besoins quotidiens sont devenus des aspirations. Le futur est au-delà de ce qui est concevable.
Si Gaza a un avenir en dehors de l’incarcération elle doit mettre fin à son imperceptibilité et à son état d’exception actuel. Il réside dans l’admission et l’inclusion. Et cela revient à rendre aux Gazaouis ce qu’ils veulent le plus : une vie prévisible et non exceptionnelle.

Helga Tawil-Souri

HHelga Tawil-Souri Professeur agrégé de médias de culture et de communication à l’Université de New York où elle est également directrice du Kevorkian Center for Near Eastern Studies. Elle a co-édité Gaza as Metaphoravec Dina Matar (Hurst 2016). Elle enseigne et écrit sur latechnologie les médias le territoire et la politique au Moyen-Orienten mettant l’accent sur la Palestine-Israël.
Que la question d’un avenir de Gaza séparé de la Palestine ait un sens anticipe une destination. Gaza a été coupée : de la Palestine et du monde. Et ce monde soutient le rôle de premier plan d’Israël dans la destruction de Gaza ou au mieux lève les bras au ciel de désespoir ou d’impuissance et laisse Gaza s’enfoncer dans un abîme.
Il ne fait aucun doute – en regardant les cinq puis vingt cinquante soixante-dix dernières années – que Gaza sombre de plus en plus dans un abîme. Sur la base de ce calcul l’avenir est sombre avec la dépossession la pauvreté la misère l’abjection pendant les sept dernières décennies pour une population toujours croissante dont l’âge moyen diminue qui n’a jamais rien connu en dehors de la catastrophe provoquée par l’homme et appelée Gaza.
Dans l’immédiat Israël est déterminé à faire disparaître les Gazaouis … Comment je ne suis pas exactement. Les années et les décennies à venir sont trop lourdes de peine pour que je puisse y réfléchir.
Donc mes pensées se déplacent le long des siècles. Je pense aux Mayas (ou aux Mycéniens) : des civilisations disparues dont notre connaissance dépend surtout des archéologues pour reconstruire une compréhension tandis que nous traitons leurs ruines comme des terrains de jeux sur lesquels nous prenons des vacances le long de jolis bords de mer. Gaza pourrait devenir une destination touristique avec de belles plages dans trois ou quatre cents ans. Mais contrairement au destin des Mayas ou des Mycéniens notre tâche aujourd’hui est de documenter – de sorte que dans des siècles à venir le destin de Gaza ne soit pas scellé comme une autre culture disparue.
Il devrait y avoir des dossiers des notes des rapports des recettes des histoires des biographies des images. Des récits et des illustrations sur la vie avec les engins militaires constantes volant au-dessus de la tête et de la vie coupés de tout contact extérieur sauf virtuellement. Des enregistrements des compilations des archives de dialectes locaux des idiomes des représentations des prières des chants des détails architecturaux des gravures des souvenirs (de ceux qui se souviennent il y a dix vingt soixante-dix ans). Également des détails sur les mariages et les enterrements et les chirurgies opératoires effectuées dans l’obscurité et le vacarme des générateurs. Des chiffres des mesures et des rapports sur des bébés orphelins des traces de pas des cérémonies de remise de diplômes d’études secondaires sans tenir compte des cicatrices physiques et psychologiques…
Dans les siècles à venir la disparition de Gaza sera une tache permanente sur la conscience de l’humanité un moment d’échec lorsque la société a permis à une puissante victimisée de se débarrasser d’un groupe d’individus en raison des circonstances dans lesquelles ils sont nés. La disparition n’était pas un événement incontrôlable une série anormale de causes naturelles (comme ce qui se passait vraisemblablement chez les Mayas) ou une migration inexplicable de millions de personnes. Non à Gaza c’était un sociocide implacable et douloureux sans aucune pitié et le monde a applaudi ou a versé une larme mais pas plus.
Que la question d’un avenir de Gaza séparé de la Palestine ait un sens déjà prédit une destination. Gaza a été coupée: de la Palestine et du monde; alors que ce monde soutient le rôle de premier plan d’Israël dans la défaite de Gaza ou au mieux jette les bras au désespoir ou au mépris et laisse Gaza s’enfoncer dans un abîme.
Il ne fait aucun doute – en regardant les cinq puis vingt cinquante soixante-dix dernières années – que Gaza devient progressivement pire. Sur la base de ce calcul l’avenir est sombre: dépossession misère misère abjection; plus des sept dernières décennies pour une population croissante dont l’âge est plus jeune qui n’a jamais rien connu en dehors de la catastrophe provoquée par l’homme appelée Gaza.
Dans l’immédiat Israël est déterminé à faire disparaître les Gazaouis … Comment je ne suis pas sûr. Les années et les décennies à venir sont trop douloureuses pour que je puisse y réfléchir.
Donc mes pensées se déplacent le long de la mesure des siècles à la place. Je pense aux Mayas (ou aux Mycéniens): des civilisations disparues dont nous dépendons surtout des archéologues pour reconstruire une compréhension tandis que nous traitons leurs ruines comme des terrains de jeux sur lesquels prendre des vacances le long de jolis bords de mer. Gaza pourrait devenir une destination touristique avec de belles plages en trois ou quatre cents ans. Mais contrairement au destin des Mayas ou des Mycéniens notre tâche aujourd’hui est de documenter – de sorte que dans des siècles à venir le destin de Gaza ne soit pas scellé comme une autre culture disparue.
Il devrait y avoir des dossiers des notes des rapports; recettes histoires biographies images. Des récits et des illustrations sur la vie avec des machines militaires constantes volant au-dessus de la tête et de la vie coupées de tout contact extérieur sauf virtuellement. Enregistrements compilations archives de dialectes sous-locaux idiomes représentations prières chants détails architecturaux gravures souvenirs (de ceux qui se souviennent de dix vingt soixante-dix ans). Détails des mariages et des enterrements et des chirurgies effectuées dans l’obscurité et le vacarme des générateurs; des chiffres des mesures et des rapports sur des bébés orphelins des traces de pas des cérémonies de remise de diplômes d’études secondaires ont eu lieu sans tenir compte des cicatrices physiques et psychologiques.
Des siècles à partir de maintenant la disparition de Gaza sera une tache permanente sur la conscience de l’humanité un moment d’échec lorsque la société a permis à une puissante victime de se débarrasser d’un groupe d’individus en raison des circonstances dans lesquelles ils sont nés. la disparition n’était pas un miracle une série anormale de causes naturelles (comme ce qui se passait vraisemblablement chez les Mayas) ou une migration inexplicable de millions de personnes. Non à Gaza c’était un sociocide implacable douloureux et implacable et le monde a applaudi ou versé une larme mais pas plus. Et nous aurons tous les dossiers.

Donald J McLachlan

Donald J McLachlan est rofesseur en Histoire et spécialisé dansl’histoire du Moyen-Orien à l’Université de Stanford. De 2006 à 2008 ila été directeur des Middle East Studies à l’Université américaine duCaire. En 2002 il a été président des Middle East Studies Association of North America. Il a écrit ou édité plusieurs ouvrages dont le plus récemment Workers and Thieves: Labor Movements and Popular Uprisings in Tunisia and Egypt (Stanford University Press 2016).
La Grande Marche du Retour organisée par les Palestiniens a révélé à la fois l’impasse diplomatique sur la question Israël/Palestine et l’émergence d’un nouvel alignement politique au Moyen-Orient. La campagne qui a débuté le 30 mars a été lanceé par des jeunes hommes et femmes sans affiliation politique de la bande de Gaza pour protester contre leur misérable avenir. Ils l’ont fait indépendamment du Hamas et du Fatah de plus en plus corrompus et incapables d’améliorer leur vie ou de promouvoir les droits politiques et humains des Palestiniens.
Les manifestants ont exigé que le siège vieux de plus de 10 ans et imposé par Israël et l’Égypte soit levé et ils ont revendiquer le Droit au retour des réfugiés palestiniens – soulignant ainsi les origines du conflit israélo-palestinien plutôt que ses conséquences après 1967.
Le 14 mai la clique de financiers sionistes radicaux entourant le président Donald Trump représentés par Sheldon Adelson et les prédicateurs protestants évangéliques antisémites John Hagee et Robert Jeffress a célébré l’inauguration de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem. Au-delà des dénonciations verbales la seule réponse pratique venue des États arabes a été l’ouverture par l’Égypte de sa frontière avec la bande de Gaza pour le mois de Ramadan permettant à un nombre limité de Palestiniens de quitter le territoire. La raison de cette très faible réponse de l’Arabie Saoudite des Émirats Arabes Unis et de l’Égypte est qu’ils ont forgé une alliance avec Israël dirigée contre l’Iran.
Alors que plusieurs réunions secrètes entre Israéliens et Emiratis ont été rapportées par la presse l’Arabie Saoudite est réticente à reconnaître ouvertement son alignement sur Israël alors que ce dernier fait état publiquement de cette relation. Avant le coup d’envoi de l’Arabie saoudite et de la Russie dans le match d’ouverture de la Coupe du monde 2018 le compte Twitter arabe officiel du ministère israélien des Affaires étrangères a souhaité la meilleure des chances à l’Arabie Saoudite !
En se retirant de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran le président Trump a montré sa volonté de suivre l’exemple d’Israël dans la poursuite du réalignement du Moyen-Orient autour d’un front anti-iranien. Les Palestiniens peuvent devenir des dommages collatéraux de ce projet en premier lieu les 19 million d’habitants de la bande de Gaza qui pourrait devenir « invivable » d’ici 2020 selon un rapport de l’ONU.
Cependant les Saoudiens et les Emiratis qui ont récemment renfloué l’Égypte à hauteur de 8 milliards de dollars pourraient facilement devenir les principaux bailleurs de fonds pour la réhabilitation de Gaza s’ils sont un jour convaincus que leur projet anti-iranien l’exige.

28 juin 2018 – State of Nature – Traduction : Chronique de Palestine

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