Urgent

Wed 25-September-2024

Quel rôle pour la France dans la résolution du conflit israélo-palestinien ?

lundi 27-novembre-2017

Alors qu’Emmanuel Macron doit recevoir le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou le 10 décembre prochain l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO) consacre aujourd’hui un colloque (1) sur le thème « Israël-Palestine : que la France s’engage ». Un événement en partenariat avec « La Croix ».
La France sait maintenir en vie la solution à deux Etats

Yves Aubin de la Messuzière

Diplomate

La question du conflit israélo-palestinien est une question structurante de la politique étrangère française depuis des décennies. Même si le président de la République n’y a fait aucune référence ni à la conférence des ambassadeurs en août ni à l’Assemblée générale des Nations unies en septembre dernier la France sera sans doute prête à aider pour trouver des solutions. Il lui manque encore une position claire et une approche pour entraîner avec elle les Européens notamment l’Allemagne l’Espagne et l’Italie.

Car la France ne peut pas résoudre seule cette question ni se substituer aux deux parties. Par le passé en revanche elle s’est montrée efficace pour maintenir en vie la solution dite « à deux États » l’un israélien et l’autre palestinien coexistant côte à côte. C’est ce qu’elle a fait en organisant la conférence de Paris en janvier dernier. Au départ 50 pays participants étaient attendus. En fin de compte il y en a eu 70 dont les États-Unis. Cette démarche n’était pas inintéressante. Quel dommage qu’il n’y ait pas eu de suivi dans cette initiative ! Cette dynamique a sans doute fait les frais de l’élection présidentielle.

Il faudra donc trouver autre chose. Lors de la visite en juillet dernier du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas Emmanuel Macron s’est placé dans la ligne traditionnelle défendant la solution à deux États. Il aura sans doute l’occasion de préciser sa politique alors qu’il prévoit de se rendre dans la région au printemps. On sent que l’attention porte davantage sur l’accord nucléaire en Iran et sur la situation du Liban mais le conflit israélo-palestinien reste un sujet incontournable au moment où s’engage un mouvement de réconciliation palestinienne entre Hamas et Fatah.

En juillet le président de la République a aussi eu l’occasion de faire connaissance avec le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou lors de la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv. L’heure était aux grandes embrassades chaleureuses et c’est sans doute une bonne chose d’avoir créé le lien. J’espère aussi qu’il saura faire preuve d’une grande fermeté pour condamner la colonisation.

Quoi qu’il arrive il n’y aura pas d’issue sans les États-Unis. Quelques éléments de l’approche américaine commencent à émerger. Il y aura une large dominante économique avec l’engagement de l’Arabie saoudite. Des centaines de millions de dollars seront prévues pour le développement de la Palestine. Toutefois sans une approche pour inclure Jérusalem dans les discussions il n’est pas sûr que cela puisse fonctionner. Le risque est d’ouvrir une négociation pour lancer les négociations sans aboutir à quelque chose de sérieux.

Recueilli par Jean-Baptiste François

—–
Paris peut participer au dégel des relations

Daniel Shek

Ancien ambassadeur d’Israël en France

Jusqu’à présent on a très peu entendu Emmanuel Macron sur la question israélo-palestinienne. La Conférence de Paris pour la paix au Proche-Orient lancée par Laurent Fabius et suivie par François Hollande n’a pas eu de suite. Je ne pense pas qu’elle en aura. Maintenant est-ce que la France peut faire quelque chose ? Oui je le crois. Pour intervenir dans un conflit il faut parler aux deux parties. La France a cette possibilité. Il faut ajouter qu’il y a dans l’air même si on n’en voit pas encore les résultats véritables une initiative américaine en cours. Je pense que la France la soutient. Elle peut appuyer un tel processus en coordination avec les Américains et participer à l’effort pour débloquer un gel des relations israélo-palestiniennes qui durent depuis des années. Mais une reprise possible des pourparlers israélo-palestiniens ne pourra plus se faire sur un plan purement bilatéral entre nous Israéliens et les Palestiniens. Il devra forcément y avoir une complémentarité régionale. Paris a de bonnes relations avec la plupart des pays de la région et devrait encourager les pays arabes du moins ceux du camp sunnite modéré l’Arabie saoudite les Émirats le Qatar le Koweït l’Égypte évidemment.

Y a-t-il des pourparlers entre Israël et l’Arabie saoudite ? Ce sont des spéculations plutôt réalistes mais pas confirmées de manière officielle. Depuis les deux dernières années il y a une communauté d’intérêts entre ces deux pays. Le monde sunnite modéré considère aujourd’hui l’Iran la menace chiite et le terrorisme islamiste comme les grands défis du moment. Soudain il y a un alignement des intérêts et possiblement des alliances qui se font. La ligne de démarcation n’est plus clairement Israël d’un côté tous les pays arabes de l’autre.

Il est clair que ces pays arabes auraient volontiers souhaité collaborer avec Israël dans cet effort contre notamment l’Iran. Ils le font de manière secrète pour le moment et il y a des relations commerciales. Mais pour franchir le pas et avoir des pourparlers et des relations ouvertes au grand jour il va falloir qu’Israël trouve un arrangement avec les Palestiniens d’abord.

Ce serait irréaliste de penser pouvoir normaliser les relations entre Israël et les pays du Golfe en faisant l’économie d’un accord avec les Palestiniens. Mais le plus grand défi pour les États-Unis la France et d’autres c’est de surmonter le manque de motivation des deux leaderships de part et d’autre. Car ni Benyamin Netanyahou ni Mahmoud Abbas ne sont véritablement motivés. Ils ne cessent de trouver prétextes et excuses pour expliquer pourquoi il n’est pas possible d’avancer. Ce sera le rôle de la communauté internationale de les inciter à cesser de favoriser un statu quo qui n’est pas tenable à long terme.

Recueilli par Agnès Rotivel

www.la-croix.com

Lien court:

Copied