Urgent

Fri 20-September-2024

Exposition : Abdul Rahman Katanani l’artiste palestinien qui se joue des barbelés

samedi 30-décembre-2017

Les travaux de ce jeune Palestinien vivant dans le camp de réfugiés de Sabra au Liban sont à découvrir à la galerie Magda Danysz. Parcours entre installation et représentations.

C’est une œuvre de 16m de long. Une installation où l’on pénètre avec un peu de crainte. Des fils électriques pendant ça et là. Des matériaux de récupération murs de rues ou enceintes de maisons vous enserrent. L’espace se rétrécit dangereusement jusqu’à arriver dans une zone où des miroirs se font face à face réfléchissant à l’infini ceux qui y passent. La foule des visiteurs devient alors les va-et-vient dans les venelles de ce qui est un camp comme le suggère le titre de l’œuvre. Ou serait-ce une cage – les miroirs sont placés dans des cadres noirs et rigides – c’est à dire que l’espace est restreint ? On est comme enfermé. Une caméra filme vos allers et venues. Au sous-sol l’image la vôtre la nôtre ceux qui déambulent dans cette allée irréelle est retransmise au ralenti sur un écran comme si le temps ne passait pas. Une véritable torture en réalité. Big Brother n’est pas loin.

De l’art si raide si cru qu’on en est comme suffoqué. On doit cette installation à Abdul Rahman Katanani un artiste palestinien vivant dans le camp de réfugiés de Sabra près de Beyrouth au Liban. « Camp » est visible à Paris (1) en même temps que d’autres travaux de Katanani dont le matériau fondamental faut-il s’en étonner de la part d’un artiste palestinien est le fil de fer barbelé. C’est son « hard core ». Tout jeune il n’avait que 15 ans il s’était lancé dans la caricature. Des dessins qu’il accrochait sur les murs du camp mais qui ne plaisaient pas à tout le monde surtout certains groupes armés qui sévissent dans les camps. Alors il s’est rapproché d’autres matériaux de la récupération qu’il trouvait ça et là pour un travail sur les jeux d’enfants dans les camps. C’est là qu’il les a observés jouant à la « corde » avec ce qui est le symbole de l’aliénation : le barbelé. « Les enfants s’en fichent ils font jeu de tout explique Abdul Rahman Katanani à « l’Humanité ». Donc j’ai commencé avec du fil de fer barbelé. J’en ai découvert la beauté. Si on a peur on ne peut pas le connaître. Le barbelé c’est un peu le symbole de ce qui est en chacun de nous qui fait barrage. C’est l’impossibilité de franchir l’espace des différences géographiques religieuses communautaires… ». Pour lui « c’est une façon de rechercher et de trouver sa liberté. Si tu n’es pas libre tu ne peux pas obtenir la liberté de la Palestine ».

Voilà donc le (la) lanceur (se) de pierres figure découpée dans du métal dont les cordes de la fronde sont en barbelé. Toujours lui ou elle qui saute en l’air comme un gamin se jouant du tapis de barbelé piège au sol.

Saisir l’objet pour mieux en éteindre la signification inhumaine. Quoi de mieux pour cela que de poser ces fils acérés aux fruits de lames de rasoir sur un morceau d’olivier symbole de la paix autant que de la Palestine. Il a d’ailleurs essayé d’en faire venir de cette Palestine ancestrale celle de ses grands-parents où il n’a pas le droit de mettre les pieds mais l’autorisation n’a pas été obtenue. Merci l’occupant israélien. Il n’empêche Katanani s’est prêté à une expérience des plus singulières: il a parasité en forêt des merisiers avec des champignons de barbelés. La nature a gagné! Comme l’écrit Barbara Polla (elle-même galeriste) « l’interaction avec la matière de son choix est fondamentale pour Abdul Rahman Katanani. La matière le fait entrer selon ses propres termes dans l’esprit même de l’oeuvre » (2).

Vivant dans le camp de Sabra l’artiste est en perpétuelle écoute de ce qui se dit pour alimenter son œuvre. Ainsi de ses « Tornades » poétiquement angoissantes violentes même présentées également à la galerie Magda Danysz. « Dans le camp de Sabra on dit toujours: « C’est comme si on vivait dans une tornade après on ne sait pas ce qui va se passer ». Mais c’est aussi tout ce qui se passe dans la région en ce moment » insiste-t-il.

Abdul Rahman Katanani vit au quatrième étage de l’Hôpital Gaza – ça ne s’invente pas – du camp de réfugiés de Sabra. Son atelier au fil des heures se transforme en cuisine ou en chambre à coucher. Peu importe. « Quand je descends mes œuvres les gens discutent » se réjouit-il.

(1) Hard Core – Solo Show. Galerie Magda Danysz. 78 rue Amelot. Paris. Jusqu’au 13 janvier 2018. Du mardi au samedi de 11H à 19H. www.magdagallery.com

(2) Citation extraite du livre-catalogue « Hard Core » disponible à la galerie.

https://humanite.fr

Lien court:

Copied